Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 5 novembre 2020
Coronavirus

Projet de loi état d'urgence sanitaire : ce que contient le texte final

Le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire a été adopté hier en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. La version adoptée ne pourra plus, à présent, être modifiée. On en sait donc plus sur les mesures qui vont concerner le fonctionnement des organes délibérants des collectivités locales, en particulier. 

Le texte adopté hier soir doit encore repasser devant le Sénat aujourd’hui, mais quelles que soient les modifications éventuellement apportées par celui-ci, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. On peut donc considérer qu’en l’état, ce texte est définitif. 
Il a fallu, hier, que le gouvernement exige une seconde délibération pour rattraper la bévue commise la veille par la majorité : faute d’un nombre suffisant de députés présents dans l’hémicycle, un amendement du groupe LR avait été adopté conduisant à ce que l’état d’urgence sanitaire ne soit prorogé que jusqu’au 14 décembre et non, comme le veut le gouvernement, jusqu’au 16 février 2021. Afin d’éviter d’avoir à « examiner dans les prochains jours un nouveau projet de loi de prorogation », le gouvernement a fait voter par sa majorité, cette fois au complet, le rétablissement de la date du 16 février. 
Le texte valide également la prolongation jusqu’au 1er avril 2021 des mesures de « sorties de l’état d’urgence sanitaire »  qui ont été en vigueur entre le 10 juillet et le 30 octobre dernier. 
Toujours pour ce qui est des généralités, il a été acté que les avis du Conseil scientifique devront désormais être rendus publics « sans délai », et non avec une semaine ou dix jours de retard comme c’est le cas actuellement. 

Organes délibérants
Le texte va rétablir les règles dérogatoires sur le fonctionnement des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Seront ainsi rétablies, dès la promulgation de la loi, les possibilités de tenir les réunions en tout lieu et devant un public restreint ou sans public (avec, dans ce cas, une retransmission audiovisuelle « en direct » ). Par ailleurs, la loi rétablit le quorum au tiers des membres présents (attention, uniquement des membres présents et non des membres présents ou représentés) et la possibilité pour les élus d’être porteurs de deux pouvoirs au lieu d’un. Cette règle s’appliquera aux organes délibérants des collectivités et des EPCI et aux bureaux des EPCI ainsi qu’aux commissions permanentes des conseils départements et régionaux.
Ces mesures sont applicables « jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire ». 

Visioconférence
Par ailleurs, le texte va compléter l’ordonnance du 1er avril 2020 « visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales », et en particulier son article 6, qui organise la possibilité de tenir les réunions des organes délibérants par visio ou audioconférence. 
Petite subtilité à noter : la loi Engagement et proximité permet déjà cette possibilité pour les conseils communautaires, dans des conditions précises. Le texte voté hier met entre parenthèses ces dispositions de la loi Engagement et proximité (article L5211-11-1 du CGCT) le temps de l’état d’urgence sanitaire. Autrement dit, l’organisation des réunions par visioconférence dans les conseils communautaires devra se faire selon les règles de l’ordonnance du 1er avril et non selon celles de la loi Engagement et proximité.
Dernier point important sur ce sujet : le texte est rétroactif. En effet, depuis le 31 octobre, les réunions par visioconférence ne sont en principe plus autorisées. Le texte voté hier précise que ces dispositions s’appliquent « à compter du 31 octobre 2020 ». Si des réunions en visioconférence ont eu lieu cette semaine, elles seront donc légales. 

Transferts de compétences : le verre à moitié plein
Comme l’avaient demandé les sénateurs, le gouvernement a consenti à reporter au moins un transfert de compétence des communes vers les intercommunalités : celui des PLU. La loi Alur du 24 mars 2014 dispose (article 136) que si une communauté de communes ou d’agglomération n’est pas devenue compétente en matière de PLU en 2017, elle le devient automatiquement « le premier jour de l’année suivant l'élection du président de la communauté consécutive au renouvellement général des conseils municipaux et communautaires »  (sauf opposition de 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population). Cette date, dans la loi, correspond donc au 1er janvier prochain. Le texte adopté hier permet de la repousser au 1er juillet. 
En revanche, le gouvernement a refusé le report de six mois du transfert de la compétence mobilité prévu par la LOM (loi d’orientation des mobilités). La loi prévoit que les communes doivent délibérer avant le 31 mars prochain pour décider si elles transfèrent leur compétence mobilité aux communautés de communes et que la prise de compétence effective prendra effet au 1er juillet 2021. Rappelons que ces deux dates sont déjà le résultat d’un premier report de trois mois, décidé pendant le confinement du printemps dernier. 
Les sénateurs souhaitaient un nouveau report de cinq mois supplémentaires (jusqu’au 31 août pour la délibération et jusqu’au 1er janvier 2022 pour la prise de compétence). La commission des lois de l’Assemblée nationale avait accepté ce report. Mais le gouvernement – et en particulier le ministère chargé des Transports – y était hostile. Il a donc déposé un amendement pour supprimer ce report, arguant que « une majorité d’associations d’élus ne demandent pas le report ». Notons que l’AMF, quant à elle, était favorable à ce report.

Mesures diverses
On peut noter deux autres mesures importantes figurant dans le texte adopté. 
La première porte sur les entreprises frappées par une fermeture administrative pendant le couvre-feu ou le confinement (bars, restaurants, théâtres, cinémas…). Au cours de la navette parlementaire, il avait été mis au point un dispositif de protection permettant que pendant la fermeture et jusqu’à deux mois après celle-ci, les bailleurs ne puissent exiger de pénalités de retard en cas de non-paiement des loyers, et qu’ils ne puissent pratiquer des mesures conservatoires « qu’avec l’autorisation du juge ». La dernière version du texte étend encore cette protection en supprimant cette dernière mention : désormais, le bailleur ne pourra pas pratiquer de mesures conservatoires.
La seconde porte sur la dématérialisation des actes notariés. Un article du projet de loi prévoyait d’autoriser, le temps du confinement, l’établissement d’actes notariés à distance. Le gouvernement l’a fait supprimer, l’estimant déjà obsolète puisqu’il a décidé « de pérenniser l’accès à l’acte notarié à distance », et qu’un projet de décret « a déjà été rédigé ». Ce décret pérennise « le recours à la procuration authentique par acte notarié », ce qui « permettra de réaliser quasiment tous les actes notariés à distance puisque la procuration est donnée pour réaliser un autre acte (une vente, un achat, un partage…) ».
Le texte va maintenant être réexaminé par le Sénat avant un retour devant l’Assemblée nationale en lecture définitive, qui devrait avoir lieu samedi après-midi. Il devrait donc être promulgué en tout début de semaine prochaine.

Franck Lemarc

Télécharger le texte adopté.

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