Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 3 septembre 2020
Coronavirus

Les services à domicile, éprouvés par le coronavirus, dénoncent le défaut d'approche sociale de la crise sanitaire

Après les tables rondes consacrées aux élus, aux praticiens, aux professionnels de santé, aux services d’urgence, et à la gestion dans le Grand Est, la commission d’enquête du Sénat sur l'évaluation des politiques publiques face aux pandémies a ouvert un volet social. Elle a reçu, le 1er septembre, les services qui avant, pendant et après le confinement, se sont occupés des personnes âgées à domicile.
Les questions des sénateurs, directes, ont reçu des réponses qui l'étaient tout autant. Glaçantes parfois. Comme celle de la présidente de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas), Joëlle Martinaux : « On a trouvé beaucoup trop de personnes âgées décédées chez elles car elles ne mangeaient plus, ou atteintes du syndrome de glissement.  C’est là où il faut travailler. Rien ne justifie qu’on mette en isolement total des personnes très âgées en difficultés fonctionnelles. D'autres, autonomes, se sont également retrouvées du jour au lendemain trop isolées car inconnues des différents services. »  L'ancienne adjointe au maire de Nice, médecin urgentiste, a également été choquée par « l’impossibilité d’aller voir les personnes âgées à l’hôpital ». « Il faudra y remédier, en fournissant les équipements, il faudra prendre le risque », alerte-t-elle.

Inégalités entre territoires
Pour l'association, cette crise a particulièrement révélé une forte inégalité entre les territoires. Là où « l'harmonisation »  fonctionne entre les acteurs locaux (CCAS, tissu associatif, acteurs institutionnels et autres professionnels) « cela a favorisé la déclinaison des mesures à prendre ». Mais « quand ces instances ne se parlent pas, c’était bien plus compliqué ». Cela a provoqué des inégalités de prise en charge des usagers à domicile. Ces inégalités ont également touché les professionnels chargés de les aider, en particulier sur la dotation en équipements de protection individuels (masques, sur-blouses, charlottes). 
Une enquête est en cours au sein de l'Unccas sur ces inégalités entre territoires. Comme le répète Joëlle Martinaux, il apparaît en revanche que « cela a toujours mieux marché quand les maires ont pris l’initiative ».  Dans l'impréparation et la confusion des premières semaines, « nous avons eu la chance que des maires prennent l’initiative de commander des masques ! ».

Propositions

L'Unccas doit prochainement livrer un certain nombre de préconisations tirées de ses constats, dont deux, prioritaires aux yeux de Joëlle Martinaux : la création d'une plateforme d’alerte territoriale pour qu'un pompier, par exemple, qui intervient chez une personne âgée visiblement dénutrie, contacte la plateforme qui saura, elle, déclencher l'alerte auprès des partenaires locaux. Autre proposition : la création d'un registre d’alerte social, qui permettrait de cibler, en cas de plan extrême, des personnes fragiles inconnues de services sociaux. 
L’idée de plateforme est « pertinente », souscrit la toute nouvelle présidente de l’Union de l’aide, des soins et des services aux domiciles  (UNA), Marie-Reine Tillon – ancienne maire de Matignon, dans les Côtes-d’Armor. L'association fédère des structures et services à domicile, dont des CCAS. Son témoignage, mardi, a également été cinglant, tout comme celui de la présidente de l'association des aidants, Gwénaëlle Thual. 

L'isolement peut tuer aussi

« On a trop centré sur le sanitaire », ont répété les intervenantes. Ce « regard sanitaro-sanitaire »  a négligé « l’environnement global des personnes ». Cela s'est ressenti sur les difficultés de ces services à se doter des protections individuelles. Les services ont aussi dû réduire leurs interventions à domicile. Ils éprouvent un sentiment de relégation de la part des pouvoirs publics (« certaines agences régionales de santé ne savaient pas comment on intervenait chez l'usager, voire découvraient le fonctionnement des services de soins infirmiers à domicile pourtant de leur compétence » ), comme des professionnels de santé (« des pharmaciens ont refusé des masques à des auxiliaires de vie »  ou « un médecin a dit à une AVS qu'elle était un assassin car elle se rendait au domicile d'une vieille personne sans masque » ).
La « diminution du passage de professionnels à domicile allait de soi », « comme si nous n'étions que du confort »  s'offusque Marie-Reine Tillon. Alors que la fermeture de certaines structures a « mis en évidence les carences et difficultés de notre système : maillage insuffisant, insuffisance de personnel », ajoute Gwenaëlle Thual.
S'il est un indicateur qui fait défaut pour mesurer ces manques, c'est la comptabilité des personnes mortes à domicile. Directement du coronavirus ou d'isolement, comme le rappelle Joëlle Martinaux. À la question insistante de René-Paul Savary, sénateur de la Marne qui présidait la réunion, elle n'a pu que répéter : « Les constats de décès à domicile n'ont pas été pris en compte et ne le sont toujours pas ».

Emmanuelle Stroesser

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