Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 27 mars 2020
Coronavirus

Instauration d'un couvre-feu : le nécessaire dialogue entre maires et préfets

Un certain nombre de maires ont pris la décision d’instaurer sur le territoire de leur commune un couvre-feu, estimant que les mesures de confinement ne sont pas suffisamment respectées. Ailleurs, c’est parfois le préfet qui a pris la décision, à l’échelle de tout ou partie du département. Pour éviter tout télescopage entre les pouvoirs de police des maires et des préfets, le ministère de l’Intérieur a un message : « Parlons-nous ! » 

État des lieux
La semaine dernière, le nombre de villes ayant instauré un couvre-feu, dans la foulée de Nice, première d’entre elle à le faire, se comptait sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, leur nombre a fortement augmenté. Il était de 112 dimanche, selon un décompte fait par le Journal du dimanche, et plus important encore quatre jours plus tard, avec l’entrée dans la danse de communes petites et grandes (Dourges, Courrières, Arcy-sur-Aube, Préonne, Nancy à partir de ce soir…). 
Certains préfets ont pris des arrêtés de couvre-feu plus larges : c’est le cas du représentant de l’État dans les Alpes-Maritimes, qui a pris le 22 mars un arrêté instaurant la restriction des déplacements de 22 h à 5 h dans toutes les communes littorales de moins de 10 000 habitants et dans les communes de plus de 10 000 habitants de tout le département.  

Des arrêtés rejetés
Certaines communes ont vu leur arrêté rejeté par le préfet, globalement pour deux motifs différents : ou bien parce que celui-ci estimait que la situation ne justifie pas la prise d’une telle décision – c’est par exemple ce qui s’est passé à Romorantin, cette semaine, où le préfet a estimé que le département du Loir-et-Cher étant peu touché par l’épidémie, la mesure était disproportionnée. Ou bien parce que « la prise d'un arrêté de couvre-feu sur le territoire communal n'appartient en cette période de crise sanitaire pas au pouvoir de police du maire mais au pouvoir de police du préfet », comme la préfecture du Val-de-Marne l’a twitté le 23 mars pour répondre aux maires de Valenton et Arcueil qui souhaitaient instaurer un couvre-feu. 
Qu’en est-il au juste ?

Les pouvoirs du maire
Ce sont bien en effet les préfets qui ont le droit, dans cette situation, de prendre des arrêtés de couvre-feu. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, l’a encore rappelé hier sur LCI : « Il y a une interdiction nationale, mais les préfets ont la possibilité de la durcir localement. Ils le font en lien étroit avec les maires. »  Les mots sont choisis : c’est le préfet qui agit, « en lien »  avec le maire. Au cabinet de Christophe Castaner, la conseillère justice du ministre, la magistrate Marie-Céline Lawrysz, le confirme : « La loi est carrée : les pouvoirs de police spéciale [de lutte contre l’épidémie] sont au Premier ministre, au ministre de la Santé et, par habilitation, aux préfets. C’est donc en principe au préfet de prendre l’arrêté. Mais le pouvoir de police générale du maire peut parfaitement justifier qu’il prenne des mesures spécifiques sur sa commune. Nous sommes parfaitement conscients que c’est le maire qui connaît le mieux sa commune, mieux que le préfet, et que les circonstances locales sont connues avant tout par le maire. » 
On peut d’ailleurs rappeler ici que le Conseil d’État lui-même, dans une ordonnance rendue le 22 mars, a clairement précisé : comme les préfets, « les maires, en vertu de leur pouvoir de police générale, ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires, des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient. » 

Travailler « en bonne intelligence » 
Le maire, au titre de ses pouvoirs de police générale, peut donc demander un durcissement – jamais un assouplissement – des mesures prises au titre du pouvoir de police spéciale (le préfet). Une telle demande doit être justifiée en cas de « péril grave et imminent »  ou « en cas de considérations de circonstances locales ». 
Dans tous les cas, le ministère de l’Intérieur conseille aux maires qui envisagent de prendre un arrêté de couvre-feu de commencer, avant toute chose, par contacter le préfet (ne serait-ce que pour vérifier que celui-ci n’a pas déjà pris un arrêté qui s’appliquerait à la commune). Ensuite, pour discuter avec lui des raisons qui l’amènent à envisager cette décision. « Ce à quoi tient particulièrement le ministre, détaille sa conseillère, c’est à ce que les choses se fassent en bonne intelligence entre le maire et le préfet. Parlons-nous ! »  Cette position est parfaitement en phase avec celle que défend l’AMF depuis le début de la crise, qui conseille également dans tous les cas aux maires de se rapprocher du préfet avant toute décision.
Il est donc clairement déconseillé à un maire de prendre un tel arrêté tout seul, sans avoir auparavant pris attache avec le préfet. « Si le préfet estime que les circonstances locales l’exigent effectivement, par exemple parce que les consignes ne sont manifestement pas respectées sur telle commune, il validera l’arrêté. » Ou, si le maire n’a pas encore pris d’arrêté, le préfet en prendra un lui-même. 
Seule exception : le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas que des couvre-feux soient prononcés « à l’échelle d’un quartier », pour éviter tout risque de discrimination. C’est donc à l’échelle de la commune entière ou rien.

« Respecter les formes » 
Dernière recommandation du ministère : « Il faut respecter les formes. »  Pour être solide d’un point de vue juridique, l’arrêté de couvre-feu doit comporter un certain nombre de mentions : les visas, c’est-à-dire les textes auxquels le maire se réfère pour prendre sa décision (« Vu l’article tant du CGCT », etc.) ; les considérants, qui exposent les motifs de la décision ; et enfin le dispositif lui-même, c’est-à-dire les articles qui détaillent le contenu de la décision et identifient les agents chargés de son exécution. 
L’arrêté doit obligatoirement comporter le nom, le prénom et la signature du maire (ou de la personne qui a délégation de signature), faute de quoi il ne sera pas légal.

Franck Lemarc

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