Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 2 octobre 2020
Coronavirus

Fermeture des salles de sport : cacophonie juridique

Dans plusieurs départements, les professionnels du secteur des salles de sport ont déposé des recours devant les tribunaux administratifs pour contester les arrêtés préfectoraux leur imposant de fermer. Problème : d’un département à l’autre, les juges ont pris des décisions radicalement différentes. 

D’un côté, Rennes et Paris, où les tribunaux administratifs ont entendu les arguments des gérants de salles de sport et demandent aux préfets de revoir leur copie. De l’autre, Bordeaux, Nice, Lille et Rouen, où la décision a été exactement l’inverse. Il n’est pas facile de s’y retrouver, ce matin, dans la vision de chacune de ces cours de l’application du droit. En encore, on ne connaît pas encore toutes les décisions, quand de tels référés ont été déposés dans une vingtaine de départements.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que la situation des 7000 salles de sport privées du pays (fitness, gymnastique, escalade, etc.) est très fragilisée par le confinement. Les propriétaires des salles regardent avec beaucoup d’angoisse la perspective de devoir fermer à nouveau, surtout dans cette période de rentrée où, selon les professionnels du secteur, interviennent « 30 % des abonnements ». Selon leurs estimations toujours, ce serait « un millier de petites salles »  qui pourraient fermer en cas de deuxième fermeture.

« Atteintes graves et immédiates » 
À Rennes, où le préfet a exigé la fermeture des salles de sport jusqu’au 10 octobre au moins, le juge des référés a ordonné la suspension de l’arrêté préfectoral. Argument du juge : « La liste exhaustive des foyers de contamination recensés en Bretagne au 11 septembre 2020, en cours d’investigation ou maîtrisés, ne comporte aucun établissement de cette catégorie. (…) En l’état des données et informations soumises au tribunal, les salles privées de sport ne [peuvent] pas être regardées comme des lieux de propagation active du virus covid-19. »  Eu égard aux « atteintes graves et immédiate »  de cette décision sur la situation économique des clubs, le tribunal a donc levé l’interdiction.
À Paris, le tribunal administratif a rendu hier une décision un peu plus nuancée, mais a tout de même demandé au préfet de revoir sa copie et de présenter un nouvel arrêté d’ici lundi. « Le directeur de l'Agence régionale de santé n’évoque à aucun moment les risques particuliers liés à la pratique d’une activité physique ou sportive individuelle ou dans le cadre d’un cours collectif en salle », souligne le juge, qui demande essentiellement au préfet de mieux marquer la différence entre les pratiques sportives, et de limiter l’interdiction aux sports qui impliquent des contacts.  Pour le juge, rien n'indique en effet que « les salles dans lesquelles sont pratiquées des activités physiques ou sportives individuelles ou des cours collectifs dédiés n’impliquant aucun contact entre les participants puissent être regardées comme des lieux de propagation active du virus. » 

Arguments inverses
À Rouen, Bordeaux, Lille, Nice, les TA en ont jugé autrement… avec des arguments exactement inverses. Exemple au tribunal administratif de Lille, cité dans un communiqué de la préfecture du Nord, qui estime que les activités de ces clubs, « parce qu’elles s’exercent dans des lieux clos couverts, favorisent une contamination et une circulation accélérée du virus auprès d’un nombre important d’individus ». La mesure de fermeture n’apparaît donc « pas disproportionnée au regard de l’objectif de protection de la santé publique ». Idem à Rouen où le juge estime que « le risque de transmission du virus est accru dans les espaces fermés ». 
À Nice, le juge conteste de surcroît que les salles soient en danger d’un point de vue économique : « L’impact économique pour les entreprises fermées administrativement est limité, selon leur taille et leur perte de chiffre d’affaires, par la prolongation de l’activité partielle, l’exonération de charges sociales, et le renforcement du fonds de solidarité à hauteur de 10 000 € par mois. » 
La seule solution pour y voir plus clair au milieu de cette étonnante cacophonie juridique serait que le Conseil d’État tranche. Le gouvernement a évoqué hier, en lien avec le préfet d’Ille-et-Vilaine, la possibilité de saisir celui-ci – tout comme peuvent le faire les gérants de clubs déboutés par les tribunaux. On ignore à cette heure si de telles décisions ont été prises. 

F.L.

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