Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 28 octobre 2020
Coronavirus

État d'urgence sanitaire : le Sénat demande le report de plusieurs transferts de compétences

Ce n’est finalement que demain que le Sénat va examiner, en séance publique, le projet de loi sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire adopté samedi par l’Assemblée nationale. Après son passage en commission des lois du Sénat, ce texte a été profondément remanié, les sénateurs souhaitant limiter l’extension de l’état d’urgence et la possibilité, pour le gouvernement, de légiférer par ordonnances.

Retourner devant le Parlement
C’est dès aujourd’hui que le Sénat aurait dû examiner ce texte. Mais, dans l’attente des annonces qui vont être faites ce soir par le chef de l’État, le débat commencera finalement demain. 
Quoi qu’il en soit, la position de la commission des lois du Sénat, et du rapporteur Philippe Bas, est claire : les sénateurs ne remettent pas en question la nécessité de l’état d’urgence sanitaire (EUS) ni des mesures « plus contraignantes », mais ils ne l’acceptent que « sous condition ». Alors que le projet de loi initial prévoit un EUS directement prorogé jusqu’au 16 février 2021, les membres de la commission des lois proposent d’abord de ramener cette date au 31 janvier. Mais on se rappelle que le gouvernement va plus loin : après la fin de l’EUS, en février, il souhaite réintroduire – comme cela a été le cas après la fin du précédent état d’urgence sanitaire le 11 juillet dernier – une nouvelle phase de régime transitoire, avec des mesures dérogatoires au droit commun, jusqu’au 1er avril. Hors de question, pour la commission des lois du Sénat, qui a purement et simplement supprimé cette disposition (article 2 du projet de loi). Il ne s’agit pas, explique Philippe Bas dans son rapport, de « priver l’exécutif de moyens d’agir », mais de l’obliger à retourner régulièrement devant le Parlement plutôt que de lui donner un « blanc-seing »  pour une période de six mois. 

Limiter le recours aux ordonnances
Deuxième sujet d’agacement pour la commission des lois du Sénat : la demande du gouvernement de pouvoir à nouveau légiférer par ordonnances pour à peu près toutes les mesures qui touchent à la gestion de l’épidémie, sans passer, donc, par le Parlement. Là encore, il ne s’agit pas de nier la nécessité de recourir aux ordonnances en situation d’urgence – puisqu’elles permettent d’agir vite sans passer par un long débat parlementaire – mais de « limiter »  ce recours, devenu, selon les mots du président du Sénat, Gérard Larcher, « abusif (et) pas toujours justifié par l’urgence ». Philippe Bas rappelle que « 66 ordonnances ont été publiées pour faire face à la crise sanitaire », et que le gouvernement demande au Parlement, dans son projet de loi, de l’autoriser à en prendre au moins autant. La commission des lois a donc décidé de « restreindre drastiquement »  ce recours aux ordonnances. Mais surtout, elle pointe un autre problème bien réel, que Maire info soulevait dans son édition du 22 octobre : le gouvernement, dans l’étude d’impact de son projet de loi, ne précise pas les sujets sur lesquels il entend légiférer par ordonnances, parlant seulement de textes qui porteraient sur « les conséquences de toute nature [de l’épidémie] sur la vie collective ». Impossible de savoir, par exemple, si le gouvernement entend remettre en œuvre les facilités d’organisation données aux assemblées délibérantes des collectivités locales. Ce que relève Philippe Bas : « L'étude d'impact reste lacunaire sur la question des habilitations à légiférer par voie d'ordonnances, car elle ne précise pas les mesures que le gouvernement entend, ou non, prolonger. » 

Transferts de compétences
La commission des lois propose donc une autre façon de faire : intégrer dans la loi, « en clair », le périmètre des habilitations. Elle a donc ajouté au projet de loi plusieurs articles autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances sur une douzaine de sujets précis. Parmi eux : l’assouplissement des conditions de délibérations des collectivités territoriales (possibilité de se réunir en tout lieu, vidéo-conférence, etc.), et le « report de divers transferts de compétence entre les collectivités territoriales ». 
Sur ce dernier point, le Sénat a en ligne de mire deux points très précis et urgents : l’obligation pour les communes et communautés d’agglomération de se prononcer sur le transfert de la compétence PLU avant le 1er janvier prochain ; et sur le transfert de la compétence organisation de la mobilité avant le 1er juillet. La commission des lois propose de permettre au gouvernement de reporter par ordonnances ces échéances de six mois.

Élections départementales et régionales
Enfin, la commission des lois s’est prononcée contre un report des élections départementales et régionales prévues en mars prochain : « ‘’Vivre avec le virus’’ implique de préserver notre vie démocratique », écrit Philippe Bas. Mais elle propose d’adapter les règles du scrutin, d’une part en reconduisant la possibilité pour chaque électeur de disposer de deux mandats, comme cela avait été le cas lors des élections municipales. Par ailleurs, les sénateurs réitèrent leur demande de permettre que les procurations puissent être confiées à des électeurs inscrits dans une autre commune que celle du mandant. Cette réforme demande une adaptation du REU (répertoire électoral unique), mais la commission des lois estime que « l'ampleur de la crise sanitaire justifie d'accélérer substantiellement la mise en œuvre [de cette adaptation du REU] pour que ce dispositif soit opérationnel d'ici les prochaines élections régionales et départementales ».
 Enfin – ce qui supposerait une réforme d’une toute autre ampleur – la commission des lois du Sénat propose de permettre, pour ces deux scrutins, le vote par correspondance (sur papier). C’est l’objet du nouvel article 10 ajouté dans le projet de loi. 
Le débat en séance publique de ce texte modifié sera également l’occasion, pour les sénateurs, de débattre avec les ministres des mesures qu’annoncera ce soir le chef de l’État. Contrairement à ce qui va se passer à l’Assemblée nationale, en effet, aucun débat spécifique n’est inscrit à l’ordre du jour du Sénat sur ce sujet. 

Franck Lemarc

Accéder au texte de la commission.

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