Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 28 octobre 2020
Coronavirus

Confinement, acte II ?

C’est un revirement spectaculaire que le gouvernement semble avoir opéré hier après-midi : alors que l’hypothèse d’un couvre-feu durci et étendu au week-end tenait la corde, en milieu de journée, le président de la République pourrait annoncer ce soir un reconfinement du pays, dès demain. 

« Explosion » 
Depuis quelques jours, la question n’était plus vraiment de savoir si le gouvernement allait ordonner le reconfinement, mais quand il allait le faire : depuis le début de la semaine, experts, épidémiologistes, chefs de service des hôpitaux se relaient dans les médias pour affirmer que le confinement sera la seule solution efficace pour « freiner »  une épidémie qui explose et désengorger les services d’urgence et de réanimation. Sauf que personne n’attendait que les choses se fassent si vite ni, d’un coup, au niveau national.
Mais les chiffres sont là, et ne montrent aucun signe de fléchissement : certes, comme chaque début de semaine, les contaminations sont un peu moins nombreuses qu’en fin de semaine, fermeture des laboratoires le week-end oblige. Mais hier, Santé publique France a donné deux données particulièrement inquiétantes : 523 décès supplémentaires en 24 heures, soit 288 à l’hôpital et 235 en Ehpad – ce qui commence à ressembler aux chiffres du pic de la première vague ; et 2 900 malades en réanimation, soit la moitié des capacités totales déjà occupées. Dans plusieurs régions – Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France, Hauts-de-France – la décision que tout le monde redoutait est tombée : la déprogrammation massive des opérations jugées non urgentes. 
Tous les espoirs évoqués un moment, au début de l’automne, sont balayés : le virus n’est pas moins dangereux, l’épidémie pas moins virulente. Comme le disait hier le chef du service de réanimation de l’hôpital Bichat, à Paris, dans le quotidien Le Monde : « C’est la même maladie, les mêmes gens, les mêmes problèmes »  qu’au printemps.

Un confinement « plus souple »  qu’en mars ?
Les choses se sont donc précipitées depuis le début de la semaine. Jeudi dernier, le Premier ministre avait parlé d’une estimation à faire sur l’efficacité du couvre-feu avec de possibles mesures « plus dures »  en fin de semaine. Face à la virulence de l’épidémie, le calendrier a été accéléré, avec deux Conseils de défense, hier et aujourd’hui, chargés de décider des mesures à prendre. Rien n’est encore certain et, selon le porte-parole du gouvernement, hier, plusieurs options étaient sur la table : durcissement du couvre-feu ou reconfinement « territorialisé ou national ». Mais toutes les informations convergent ce matin dans le même sens : on irait vers un reconfinement national, peut-être dès demain jeudi. Ce matin, le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, a lui-même confirmé cette information à demi-mot sur France 2, déclarant notamment que la ligne du gouvernement et de la majorité est claire : « La santé avant l’économie ». 
Reste que les contours de ce deuxième confinement restent, à cette heure, flous. À tel point que la plupart des responsables politiques et élus locaux, convoqués hier au ministère de la Santé, sont ressortis de la réunion en estimant manquer cruellement d’informations précises. Témoin François Baroin, le président de l’AMF, qui déclarait en sortant du ministère : « On ne peut pas dire que le Premier ministre ait été extraordinairement clair sur les intentions du gouvernement. (…) Le sentiment qu'on a c'est plutôt qu'on va vers un confinement, que ça va durer quelques semaines et que le gouvernement essaie de trouver les moyens de préserver les écoles, les services publics (…) et de maintenir un semblant de vie économique pour éviter une catastrophe. » 
La grande crainte du gouvernement est en effet qu’un nouveau confinement ait des conséquences insurmontables sur l’économie : le patron du Medef, Geoffroy Roux de Beyzieux, déclarait d’ailleurs lundi que les entreprises « ne se relèveraient pas »  d’un second confinement. Que faire, dans ces conditions ? C’est l’équation complexe que l’exécutif va devoir résoudre d’ici ce soir, en regardant peut-être du côté de l’Irlande, où le confinement décidé depuis mercredi dernier permet à un certain nombre d’entreprises de rester ouvertes, et où crèches et écoles primaires n’ont pas fermé, pour ne pas obliger les parents à rester à la maison pour garder les enfants en bas âge. 
Selon les informations distillées ce matin, le gouvernement pencherait pour un tel scénario : un confinement national, certes, mais « plus souple »  qu’en mars dernier, permettant aux entreprises de continuer au maximum à tourner, soit en télétravail soit en présentiel ; avec fermeture de tous les commerces non essentiels et, peut-être, des collèges et/ou des lycées.

« Impréparation » 
Reste que plusieurs élus, bons connaisseurs des questions médicales, ont eux aussi critiqué ce matin « l’impréparation »  du gouvernement. C’est le cas notamment de Philippe Juvin, maire de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) et chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou, qui estime sur RTL qu’il « faut prendre la décision [de confiner], c’est certain », et « pas dans huit jours », mais juge « inconcevable »  le fait que le gouvernement se soit laissé « surprendre », après l’expérience du printemps dernier. 
Quant à Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau et président de la Fédération hospitalière de France, il a lui aussi appelé ce matin sur France inter à « des mesures radicales »  qui, selon lui, auraient même dû être prises « il y a quinze jours ». « Le gouvernement n'a pas pris la mesure de ce qu'a été la première vague. C'est pour ça que j'appelle à ce que d'ores et déjà on prépare la sortie – si on va vers un reconfinement – pour éviter une troisième vague en janvier-février qui cette fois-ci serait mortelle pour le système hospitalier. » 

Retour à des mesures nationales
Le scénario d’un reconfinement, s’il se confirmait, signerait la fin de la « différenciation territoriale », stratégie mise en œuvre par le gouvernement depuis cet été – avec des mesures ponctuelles, décidées par les préfets plus ou moins en concertation avec les élus locaux, parfois à l’échelle de villes, de métropoles ou de départements. On reparle à nouveau d’une mesure nationale. La raison de ce revirement ? Selon les informations distillées ce matin par des proches de l’exécutif, le président de la République et le Premier ministre veulent « épargner »  les rares départements qui sont encore en vert afin de préserver leurs capacités hospitalières et pouvoir, en cas de besoin, y transférer des malades. 
Une quantité de questions restent donc, ce matin, en suspens. Si confinement il y a, quelles seront les possibilités nouvelles de dérogations ? Quel sera le sort réservé aux collèges et aux lycées ? Le gouvernement va-t-il en rester là sur la liste de pathologies qui ouvrent droit à une mise en chômage partiel ou va-t-il la resserrer à nouveau ? Les déplacements interdépartementaux vont-ils à nouveau être interdits ? Et à partir de quand ? Car, s’il est largement évoqué ce matin l’idée d’un confinement qui démarrerait dès jeudi soir, il va bien falloir tout de même laisser le temps aux millions de Français partis en vacances de rentrer chez eux. 
Premières réponses ce soir, lors de l’allocution solennelle du président de la République, à 20 heures. Des éléments plus détaillés devraient être fournis par le Premier ministre demain matin, devant l’Assemblée nationale, qui devra voter après cette déclaration, comme cela avait été le cas lors de la décision de déconfinement. Mais ce vote ne sera pas contraignant pour le gouvernement. 

Franck Lemarc

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