Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 22 novembre 2019
Congrès des Maires de France

Lutte contre les dépôts sauvages : quels outils pour les maires ?

Maire-Info

Alors que l’été dernier, la mort du maire de Signes (Var) Jean-Mathieu Michel, a tristement rappelé l’immense difficulté des élus à juguler le fléau des dépôts sauvages de déchets, et que le projet de loi antigaspillage et économie circulaire est en cours de discussion, un forum s’est tenu sur le sujet, le 20 novembre, au Congrès des maires. 

70 % des dépôts sauvages issus du bâtiment
En préambule, quelques données ont été rappelées : selon les dernières estimations, 70 % des dépôts sauvages sont issus du secteur de la construction – en particulier du bâtiment (plus de 46 millions de tonnes par an), pour une facture comprise entre 340 et 420 millions d’euros par an pour les collectivités, bloc communal en tête. Une partie d’entre eux est due à des « entreprises »  illégales.
Co-présidés par Nicolas Soret, président de la communauté de communes du Jovinien (Yonne), co-président du groupe de travail Déchets de l’AMF et Pascal Thévenot, maire de Vélizy-Villacoublay (Yvelines), les débats ont été nourris et (très) animés. Devant une salle comble et particulièrement réactive, Pascal Thévenot a d’abord évoqué sa méthode musclée pour éradiquer le phénomène sur sa commune. Exaspéré de retrouver systématiquement des déchets de chantier sous une dalle dans un quartier de sa commune, le maire de Vélizy a un jour demandé à ses services techniques de l’aider à « rendre » à l’auteur des déchets – un artisan identifié par une caméra de surveillance mobile – « ce qu’il avait oublié »  dans son jardin. 
Sous les applaudissements admiratifs de la salle, Pascal Thévenot a néanmoins précisé que ce coup de sang lui avait valu une plainte au correctionnel pour… dépôt sauvage. Mais si Pascal Thévenot a été relaxé en appel, Maître Laura Picavez du cabinet Gossement avocats, présente au forum, a néanmoins rappelé qu’il s’agissait là d’une « bonne fortune », tous les tribunaux n'étant pas aussi compréhensifs.

Pouvoir de police et sanctions
Mais pour ne pas risquer un contentieux, les maires disposent d’un panel d’outils juridiques – renforcés par la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité et renforçant la police de l'environnement. 
Au titre de son pouvoir de police administrative, le maire peut engager une procédure sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement – modifié par la loi du 24 juillet –, en respectant certaines étapes. Le manquement doit d’abord être constaté, et faire l’objet d’un rapport. 
Puis le maire « avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt », l’informe « de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours »  – au lieu d’un mois auparavant. Passé ce délai, le maire peut alors mettre en demeure l’auteur du dépôt et prendre un arrêté fixant un délai dans lequel il devra être éliminé. 
Si rien n’est encore fait, le maire peut alors prendre des sanctions allant de l’obligation de consignation des sommes correspondantes aux mesures prescrites, à l’exécution d’office des travaux, en passant par une astreinte pouvant atteindre 1500 euros par jour, jusqu’à l’amende pouvant aller jusqu’à 150 000 euros. Le projet de loi pour une économie circulaire prévoit une procédure sur les mêmes principes, mais plus simple, qui s’inscrirait dans le Code général des collectivités territoriales.

« Nous ne sommes pas juristes ! » 
Mais le temps du droit n’est pas toujours adapté au quotidien des maires. « Nous ne sommes pas juristes ! », a-t-on entendu dans la salle. « À la mairie, nous sommes deux, moi et ma secrétaire de mairie, pour tout gérer », a renchéri un autre maire. 

Pour autant, en tant qu’officier de police judiciaire, le maire dispose d’une autre carte, a précisé le major Gérard Valle, de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Avec une bonne coordination entre les acteurs, la voie pénale peut aboutir, comme a pu le confirmer Jean-Marie Chabane, chef de l’unité départementale du Val-de-Marne à la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’écologie (DRIEE) Ile-de-France. 
Encore faut-il avoir identifié la personne responsable des dépôts, ou… ne pas être en proximité directe avec l’auteur. Un maire d’une petite commune, « où tout le monde se connaît », rapporte avoir retrouvé une enveloppe contenant une balle dans sa boîte aux lettres, après avoir demandé à l’auteur d’un dépôt sauvage – un artisan voisin – d’éliminer ses déchets. 

« Faut-il étendre les pouvoirs du maire en la matière ? Non, il faut les former », résume Nicolas Soret, co-président du groupe de travail Déchets de l’AMF, qui prépare un guide complet et didactique sur le sujet. Dans le cadre des travaux de préparation de la future loi Économie circulaire, l’AMF a fait valoir la responsabilité de la filière du bâtiment sur cette question, tout en pointant un problème de maillage des déchetteries pour les ménages (4 643 sur tout le territoire) et des lieux d’accueil des professionnels (500). Pour l’heure, le projet de loi prévoit en ce sens d’étendre le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP) aux matériaux de construction, et d’augmenter la part de ces « centres d’accueil pour les déchets du bâtiment ».

Caroline St-André

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