Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 23 novembre 2022
Congrès des Maires de France

Inflation : sous tension, les budgets locaux 2023 se transforment en casse-tête

Avec un « panier du maire » qui a augmenté de 7,2 % depuis le début de l'année et comme jamais depuis quatre décennies, les élus locaux se préparent à devoir rogner leurs programmes d'investissement.

Par A.W.

Inflation historique, dégel du point d’indice, hausse des taux d’intérêt… Dans un contexte économique particulièrement tendu, quatre études, présentées hier lors du congrès des maires, laissent entrevoir une réduction sévère des marges de manœuvre des élus locaux pour l’an prochain. De ce fait, le montage de leur budget pour l’année 2023 se transforme en casse-tête.

Du jamais-vu depuis 40 ans

Une situation marquée par la hausse importante du panier du maire. L’indice des prix des dépenses communales a ainsi progressé de 7,2 % sur les neuf premiers mois de l’année et cette augmentation devrait être « encore plus importante »  à la fin de 2022, selon Luc Alain Vervisch, directeur des études de La Banque postale, à l'origine d'une étude sur le sujet. Dans le même temps, l’indice des prix à la consommation n’a augmenté, lui, « que »  de 4,5 % sur un an hors tabac.

Si l’indice des prix à la consommation des dépenses communales est « depuis longtemps »  plus élevé que celui des ménages, « en 2022, c’est encore plus manifeste », souligne-t-il.

En cause, une accumulation de phénomènes d’inflation « comme on ne l’a jamais connu depuis 40 ans ». « On se retrouve aujourd’hui avec quelque chose dont les collectivités, la plupart des élus et l’essentiel des cadres et des fonctionnaires territoriaux n’ont pas la mémoire et qui constitue un choc tout à fait particulier », explique Luc Alain Vervisch. 

Ainsi, l’année 2022 cumule une inflation historique à la fois des prix de l’énergie, des produits alimentaires et des coûts de construction, mais aussi un dégel du point d’indice et une hausse des taux d’intérêt.

Et si l’ensemble des communes sont touchées par cette inflation hors norme, certaines strates semblent plus touchées que d’autres. Ce sont les petites communes qui subiraient la hausse la plus importante avec une progression de 8,3 % au troisième trimestre alors celle des plus grandes s’établirait à 6,5 %. Mais ces chiffres sont à « prendre avec précaution car il est vraisemblablement surévalué pour les plus petites d’entre elles et sous-évalué dans les plus importantes, et notamment pour les communes qui ont un certain nombre de salariés ou un volume de consommation relativement important », prévient Luc Alain Vervisch qui rappelle « qu’une partie des petites communes bénéficient du bouclier tarifaire ».

Incertitudes et retour de l’effet de ciseaux

Dans ce contexte, l'accélération des dépenses de fonctionnement du bloc communal devrait se poursuivre en 2023, après deux années déjà dynamiques. Pour cette raison, leur plafonnement à 3,8 %, comme prévu par le projet de loi de programmation budgétaire pour les 500 plus grandes collectivités, est tout bonnement jugé « pas réaliste »  par l’AMF, dans son analyse financière

« Le choc des crises économiques et la poursuite de l’inflation prévue jusqu’en 2025 génèrent le retour de l’effet de ciseaux sur les budgets locaux. Même si l’inflation devait se stabiliser avant cette date, les prix resteront à un niveau plus élevé qu’en début de mandat », expliquent les auteurs de l’étude.

Et ce, malgré des recettes dynamiques et la mise en place de mesures visant à soulager les budgets locaux. Les dispositifs d’aide pour faire face à la hausse du prix de l’énergie (amortisseur électricité, filets de sécurité et bouclier tarifaire) soulèvent notamment quelques incertitudes quant à leur efficacité. C’est pour cela qu’Antoine Homé, co-président de la commission des finances de l’AMF, réclame toujours un « retour des tarifs régulés de l’électricité et du gaz »  pour l’ensemble des communes, « comme en Italie et en Espagne ». 

De la même manière, la revalorisation des valeurs locatives de 7 %, l’an prochain, va réconforter les élus locaux. Mais son poids varie énormément d’une commune à une autre. Cette revalorisation sera ainsi surtout bénéfique aux communes qui ont une part de recettes fiscales importante dans leur budget, bien moins pour celles où « il y a peu de propriétaires, beaucoup de logements sociaux et une part de dotations d’État plus importante », a rappelé le vice-président de l’AMF, Philippe Laurent, qui estime qu’il aurait fallu « augmenter de manière uniforme les autres ressources, et notamment [mettre en œuvre] l’indexation de la DGF pour rétablir une forme d’équilibre sur les communes quel que soit leur panier de ressources ». Pour cette raison, l’augmentation de 1,7 % de la DGF en 2023 est insuffisante pour les élus puisque celle-ci restera très inférieure à l’inflation.

Les maires se retrouvent donc « dans le brouillard ». Fait symptomatique : devant tant d’incertitudes, le quart des communes qui votent habituellement leur budget en décembre ont « toutes décidé de décaler leur rapport d’orientation budgétaire et leur vote du budget au mois de mars pour connaître les dispositions finales qui seront votées en matière énergétique », souligne le coprésident de la commission des finances de l’AMF, Pierre Breteau.

L’investissement, variable d’ajustement ?

Dans ces conditions, les élus vont devoir faire des arbitrages douloureux s’ils veulent préserver leurs équilibres budgétaires. « La réalité d’une contrainte inflationniste forte pour les communes, et plus globalement pour les collectivités locales, n’est plus à démontrer et elle ne sera absorbée qu’au prix d’arbitrages difficiles pour les élus locaux, entre renoncement à certains investissements, recours au levier fiscal ou encore adaptation des services publics locaux », explique Philippe Laurent.

Si les maires vont d’abord « regarder quelles économies ils peuvent faire », le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, fait remarquer qu’il « n’y a aujourd’hui pas une commune qui peut compenser l’inflation par des économies ». 

Deuxième étape, « regarder les évolutions des ressources »  qui viennent soit de la revalorisation des valeurs locatives soit des dotations de l’État. Dans ce cadre, « on peut craindre que les communes qui ont un faible produit de taxe foncière soient amenées à augmenter leur taux », « pas pour le plaisir, pour boucler le budget », prédisent Philippe Laurent et Pierre Breteau, alors qu’un maire sur cinq prévoit d’augmenter les impôts locaux, selon la dernière enquête du Cevipof auprès de plus de 3 600 maires. 

« Les communes qui ont le plus de logements sociaux vont être très pénalisées », assure ainsi André Laignel, car « parler d’augmentation du foncier dans ces communes, c’est une fiction ». « Ce sont donc souvent les plus pauvres qui vont se trouver avec les moindres ressources mécaniques que nous pouvions attendre pour 2023 », regrette le maire d’Issoudun.

Autre levier « probable » : revoir à la baisse tous les programmes d’investissement. Dans une enquête réalisée par l’AMF auprès de quelque 4 800 collectivités, près des trois quarts des communes (71 %) prévoient de réduire leurs investissements quand plus de la moitié d’entre elles (56 %) envisagent d’augmenter les tarifs de leurs services publics. 

« La baisse de l’investissement du bloc communal depuis 2014 est ainsi devenue structurelle avec le renforcement des dispositifs de contrainte de la gestion locale et la réduction continue des marges de manœuvre », constatent ainsi amèrement les auteurs de l’enquête. L’investissement du mandat 2020-2026 risque donc bien d’être à nouveau en retrait par rapport au mandat précédent.

« Nous allons encore devoir nous adapter, mais, à un moment donné, il n’y a plus la capacité à inventer », s’inquiète André Laignel.

 

Télécharger l'indice des prix des dépenses communales.

Télécharger l'analyse financière des communes et EPCI 2022.

Télécharger Territoires et finances : principaux ratios financiers du bloc communal en 2021.

Télécharger Cap sur les finances des communes et intercommunalités en 2021.

 

Voir l'interview de Pierre Breteau, co-président de la commission finances de l'AMF, par la rédaction de Maire info

Pierre Breteau, maire de Saint Grégoire, co-président de la commission Finances de l'AMF from Association des Maires de France on Vimeo.

 

 

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