Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 21 octobre 2020
Conférence des territoires

Rencontre État-collectivités : pour André Laignel, « rien n'a été réglé, tout reste à faire »

La « Rencontre État-collectivités », nouveau nom de la Conférence nationale des territoires, s’est tenue hier à Matignon. Elle a réuni, d’un côté, 11 ministres autour du chef du gouvernement, et, de l’autre, les représentants de toutes les associations d’élus. Ceux-ci, en sortant de la réunion, se montrent profondément déçus. 

Il s’agissait, pour le gouvernement, de renouer le dialogue interrompu en juillet 2018, lorsque l’AMF, l’ADF et Régions de France avaient claqué la porte de la Conférence nationale des territoires. Si, depuis, des consultations ponctuelles ont eu lieu entre gouvernement et associations d’élus, c’était la première fois hier qu’une réunion permettait de mettre autour de la table État et collectivités avec un ordre du jour général et non sur un sujet ponctuel.
Au menu de cette réunion, l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, la gestion de la crise sanitaire, la « territorialisation »  du plan de relance et la décentralisation. 

« Série de monologues » 
« Dès l’instant où une réunion permet de se parler alors que le contact était rompu, il faut saluer l’initiative. »  Voilà, ce matin, le commentaire le plus positif recueilli par Maire info auprès d’André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF. En dehors de cela, c’est la déception qui règne parmi les élus du bloc communal présents à Matignon. « Cela aurait été bien qu’il y ait une reprise du dialogue, poursuit le maire d’Issoudun. Mais il y a surtout eu une série de monologues. » Même avis pour Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF, acide : « On a d’abord eu une heure et quart d’exposé des différents ministres pour nous dire des choses que nous savions déjà… ensuite il n’est même pas resté suffisamment de temps pour que tous les élus présents puissent s’exprimer. »  Pour le maire de Sceaux, cette rencontre n’a été rien d’autre qu’une « réunion d’information des élus sur les projets du gouvernement ». « On n’est pas dans une discussion entre partenaires à égalité : l’État nous informe, point. »  André Laignel abonde dans le même sens : « Rien n’a été réglé. Tout reste à faire. Nous avons certes le sentiment d’avoir été écoutés – politesse républicaine oblige – mais certainement pas celui d’avoir été entendus. Le gouvernement constate les désaccords, sans montrer aucune volonté de les dépasser. » 

Craintes sur l’investissement
Exemple frappant : les représentants du bloc communal ont, une fois encore, demandé au gouvernement une compensation sur la baisse sévère de leurs recettes tarifaires liée au confinement et à la crise épidémique. Une baisse dont même le député LaREM Jean-René Cazeneuve, qui estimait en juillet que les estimations de l’AMF sur ce sujet étaient trop pessimistes, reconnaissait hier « qu’elles devraient chuter plus lourdement que prévu initialement »  (par lui). Le raisonnement des élus est simple : une baisse des recettes conduit mécaniquement à une baisse des capacités d’autofinancement, et donc à une diminution des investissements. « Comment voulez-vous que les communes et les intercommunalités, qui portent l’essentiel des investissements publics dans le pays, puissent, dans ces conditions, être au rendez-vous de la relance ? », demande André Laignel. 
Pourtant, il y a bien eu sur ce sujet une fin de non-recevoir du gouvernement : « L’État nous répond que la relance, ce n’est pas du fonctionnement, s’irrite Philippe Laurent. Mais ce n’est pas le problème ! Quand vous avez une baisse brutale des recettes de fonctionnement, vous êtes obligés de rogner sur l’autofinancement, c’est mécanique. »  Le gouvernement a répondu en évoquant les dotations accrues permettant d’investir, comme la Dsil (Dotation de solidarité pour l’investissement local). « C’est-à-dire des dotations distribuées par les préfets et fléchées, commente le maire de Sceaux. Alors que nous, les maires, nous voulons décider nous-mêmes où nous investissons. Si le gouvernement refuse, cela veut dire qu’il ne nous fait pas confiance. » 

« C’est comme ça. » 
Dialogue de sourds également sur la baisse des impôts économiques locaux, dénoncée par tous les élus du bloc communal. « Le gouvernement nous dit que c’est comme ça, et c’est tout. »  Autrement dit, selon l’expression d’André Laignel, « le gouvernement parle d’ouverture, mais les actes sont de fermeture ». 
Sur les autres sujets évoqués, en particulier la décentralisation, les élus n’ont pas eu – comme on pouvait s’y attendre – les éclairages attendus sur le futur projet de loi dit « 3D ». Le calendrier a été rappelé (présentation du texte en Conseil des ministres en janvier, examen au Parlement au premier semestre 2021), et la ministre « nous a donné les têtes de chapitre du projet de loi », raconte André Laignel. Mais pour le maire de Sceaux comme celui d’Issoudun, il manque « l’essentiel », c’est-à-dire « un véritable projet politique ». « Ce n’est pas un texte politique mais technique, estime André Laignel, il n'y a aucun souffle politique.» Philippe Laurent, qui rappelle que l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin appelait la décentralisation « la mère de toutes les réformes », rappelle que la décentralisation, « ce n’est pas transférer un bout de ceci et un morceau de cela, c’est un projet politique de partenariat. C’est rompre avec la pratique actuelle qui veut que les ministres décident et que les élus déclinent ces décisions. C’est donner de l’autonomie de décisions aux collectivités. »  Finalement, regrette le maire de Sceaux, la décentralisation, « c’est exactement le contraire de ce qui s’est passé hier… ».
Le gouvernement prévoit que ces rencontres auront lieu deux fois par an. Les élus continueront-ils, dans ces conditions, d’y participer, ou finiront-ils pas claquer la porte, faute d’écoute, comme ils l’ont fait en 2018 ? Dans l'entourage de François Baroin, ce matin, on souligne qu'il y encore « bien du chemin à faire pour que cette instance d'information devienne une véritable instance de dialogue, ce qui serait le gage de sa pérennité. » 

Franck Lemarc

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