Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 13 mai 2022
Ecole

Compensation aux communes de l'abaissement de l'âge de l'instruction : premiers litiges

Comme il fallait s'y attendre, la compensation par l'État des conséquences financières de l'instruction obligatoire dès 3 ans pour les collectivités donne déjà lieu à des insatisfactions. Ce dispositif, dont l'AMF a dénoncé depuis le début le caractère « inégalitaire » et particulièrement flou, pour ne pas dire opaque, a fait l'objet d'un récent échange entre le Sénat et le gouvernement.

Par Franck Lemarc

« Quel imbroglio ! ». C’est ainsi que Maire info titrait, le 10 janvier 2020, son article consacré à la compensation par l’État aux communes de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. 
Deux ans plus tard, « l’imbroglio »  est toujours là, et certaines communes s’estiment fortement lésées dans le dispositif mis en œuvre. 

Dispositif bancal

Pour rappel, c’est la loi Pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 qui a abaissé à trois ans l’âge de l’instruction obligatoire. Dès le début des débats sur ce texte, l’AMF avait posé la question de la compensation du surcoût engendré par cette mesure, notamment pour les écoles maternelles privées, dont le financement était jusqu’alors lié à un accord des communes et intercommunalités concernées. La loi a finalement prévu (article 17) que « l'État attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l'augmentation des dépenses obligatoires qu'elle a prises en charge (…) dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement (…) de l’âge de l’instruction obligatoire ». 

Un décret et un arrêté, publiés le 30 décembre 2019, ont précisé les conditions d’applications de ces dispositions. Les représentants des élus, au Conseil national d’évaluation des normes, en avaient immédiatement dénoncé la « complexité », le caractère toujours inégalitaire (puisque le dispositif pénalise les communes qui, auparavant, finançaient déjà de façon volontaire les établissements privés), ainsi que le fait que les communes seraient remboursées a posteriori et devraient procéder à l’avance des dépenses.

387 euros

Illustration parfaite des difficultés posées par cette véritable usine à gaz, le cas de la commune de Liesse, dans l’Aisne, département dont le sénateur Pierre-Jean Verzelen a interpellé le gouvernement en novembre dernier : cette commune, qui « devait toucher près de 10 000 euros en raison de cette nouvelle charge financière pesant sur leur budget, n'a reçu que 387 euros parce qu'elle avait fait des efforts financiers pour conserver une certaine marge de manœuvre. Pour se justifier, l'État a considéré qu'il y avait eu une baisse des effectifs et peu de frais de fonctionnement. Par conséquent, ce dispositif de financement des écoles privées sous contrat intervient aux dépens des communes. » 

Dans une réponse détaillée parue hier, le ministère de l’Éducation nationale se justifie, tout en reconnaissant un problème sur la commune de Liesse. Après avoir rappelé le dispositif adopté via la loi, le décret et l’arrêté de 2019, il argue que « toute collectivité a pu déposer auprès du rectorat compétent, au plus tard le 30 septembre 2021, une demande d'attribution de ressources, au titre de l'année scolaire 2019-2020, dès lors qu'elle était en mesure de pouvoir justifier une augmentation globale de ses dépenses obligatoires de fonctionnement pour ses classes élémentaires et préélémentaires publiques et privées par rapport à l'année scolaire 2018-2019 ». Mais en ajoutant aussitôt que « une hausse des dépenses dans les classes préélémentaires compensée par une baisse des dépenses dans les classes élémentaires ne permet pas d'établir une hausse globale des dépenses obligatoires de fonctionnement pouvant donner lieu à une attribution de ressources ». 

Erreur reconnue

Le ministère rappelle, comme l’avait en effet dénoncé l’AMF, que les communes « qui, antérieurement à l'année scolaire 2019-2020, avaient donné leur accord au contrat d'association conclu avec des classes préélémentaires privées et qui versaient déjà un forfait communal n'ont pu bénéficier d'une attribution de ressources de la part de l'État ». Et que celles étant dans le cas contraire « pouvaient »  être éligibles à une attribution de ressource, « pour le montant du forfait créé dans la limite de l'augmentation globale des dépenses obligatoires de fonctionnement des classes préélémentaires et élémentaires privées sous contrat d'association ». 

Le gouvernement semble ne pas voir de problème dans la manière dont les choses se sont déroulées : « Chaque commune a été accompagnée au regard de sa situation conformément aux modalités d'attribution précisées par la loi, le décret et l'arrêté. » 

Sauf, apparemment, celle de Liesse, puisqu’à la suite de la question posée par le sénateur, le ministère a procédé à un « complément d’instruction »  qui a fait apparaître que cette collectivité « est éligible à un accompagnement total de 3 427 euros », soit dix fois plus que ce qu’elle a réellement touché. « Un versement complémentaire sera réalisé ». Même si ces 3 427 euros sont loin des 10 000 euros attendus par la commune, le gouvernement reconnaît son erreur. 

Mais il y a fort à parier que la commune de Liesse n’est pas seule dans son cas, et que d’autres « compléments d’instruction »  pourraient faire apparaître de telles erreurs, tant le dispositif est complexe et obscur. Ou de mauvaises surprises, comme celle de la ville de Cognac; qui a pu constater en décembre dernier que l'État lui a versé une « contribution »  de 6 202 euros, alors que la ville a consacré à ce dossier la somme de 97 632 euros.

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