Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 29 septembre 2022
Communes nouvelles

Les communes nouvelles à la recherche d'un nouveau souffle

La rencontre nationale des communes nouvelles organisée hier au Sénat, par sa délégation aux collectivités territoriales et l'AMF, a rassemblé près de 300 participants - en présentiel et en visioconférence. Parmi les priorités affichées : éviter de perdre une part de DGF pour les élus qui se lancent. L'occasion aussi de présenter la deuxième édition du Panorama des communes nouvelles.

Par Philippe Pottiée-Sperry

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© gchevrollier

« La commune nouvelle est une exception dans notre paysage institutionnel en incarnant la subsidiarité, approche ascendante de l’action publique fondée sur la liberté et la responsabilité. Il ne s’agit pas d’imposer un schéma technocratique mais de s’appuyer sur la volonté du terrain en mutualisant sans éloigner la décision des citoyens » . En ouverture de la 7e rencontre nationale des communes nouvelles, organisée le 28 septembre au Sénat, David Lisnard, le président de l’AMF, a bien planté le décor sur les enjeux en présence. 

Organisée par l’AMF et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, cette rencontre s’est penchée sur les moyens de donner un nouveau souffle aux communes nouvelles, au nombre aujourd’hui de 787 (2536 communes regroupées), dont les créations stagnent depuis 2019 – ce qui s’explique essentiellement par la période pré-municipales et la crise sanitaire. 

Présidente de la délégation et auteure de la loi du 1er août 2019 sur les communes nouvelles, la sénatrice Françoise Gatel les défend plus que jamais en estimant que « cette forme de différenciation permet de garantir de l’efficacité publique jusqu’au dernier kilomètre et de retrouver la confiance de la population ». 

Flèches contre le rapport de l’IGA

Le récent rapport de l’IGA évoquant un « bilan décevant »  des communes nouvelles était dans toutes les pensées et a été fustigé par les intervenants, avec quelques flèches de la part des élus comme David Lisnard, pointant la « bureaucratisation »  qu’engendrerait la création de commissions départementales ayant leur mot à dire sur l’évolution du bloc communal. Jacques Pélissard, président d’honneur de l’AMF et « père »  des communes nouvelles, a lui aussi dénoncé cette idée « aux antipodes du principe de liberté de décider d’une commune nouvelle ». « La décision est prise par les élus avec une diversité d’organisations car ce sont eux qui connaissent leurs territoires » , martèle-t-il. 

Demande d’accompagnement de l’État

Françoise Gatel appelle les préfectures à mieux faire la promotion des communes nouvelles auprès des élus locaux. Une tâche aussi à remplir par ceux qui se sont lancés. « Il y a un travail important d’explications à faire auprès de nos collègues, estime Paul Carrère, maire de Morcenx-la-Nouvelle (40) et coprésident du groupe de travail Communes nouvelles de l’AMF. Nous devons reprendre notre bâton de pèlerin ». « Il faut faire passer le message que la commune nouvelle c’est avant tout un moyen de survie de la commune dans les territoires hyper-ruraux » , insiste quant à lui Jean-Jacques Dumas, maire de Saint-Ybard (19). 

Pour donner un nouvel élan, tous les élus s’accordent à dire que l’accompagnement par l’État (préfet et sous-préfet) est essentiel. « Dans les projets qui ont réussi à aboutir, il y a toujours un accompagnement fort » , constate Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (49) et coprésident du groupe de travail communes nouvelles de l’AMF. « Cela rassure les élus car c’est une garantie de réussite financière et administrative » , complète Thomas Janvier, le maire de Maen Roch (35). 

Garantie des dotations

La deuxième édition du panorama des communes nouvelles, publié à l’occasion de la rencontre du 28 septembre, fournit un bilan complet et formule aussi 14 propositions pour relancer le mouvement, sous la houlette de son auteur, Vincent Aubelle, professeur associé des universités.

David Lisnard insiste sur « la souplesse nécessaire pour éviter les effets de seuil » . Pour « sortir des atermoiements financiers qui freinent les créations », il plaide pour « renforcer les mesures d’accompagnement sur les trois premières années et éviter les pertes de dotation » . Parmi les propositions du panorama figure ainsi la garantie, sans condition de durée, d’une DGF au moins égale à celles dont bénéficiaient les communes fondatrices avant la création de la commune nouvelle. « Le frein essentiel est la perte d’argent » , rappelle Philippe Chalopin. 

Groupe de travail du Sénat sur la décentralisation

Autre proposition : une majoration de la part forfaitaire de la DGF accessible à toutes les communes nouvelles sous réserve de respecter un plancher de 1000 habitants. Regrettant que « l’intercommunalité soit réduite aux EPCI » , Vincent Aubelle plaide pour sortir de cette confusion en créant « l’intercommunalité nouvelle » . Elle serait compétente uniquement sur les compétences stratégiques sur un périmètre élargi via un syndicat mixte associant plusieurs EPCI et des communes-communautés, alors que tout le reste serait porté à l’échelle communale. « La commune nouvelle, c’est la liberté des élus de choisir la bonne échelle et le bon outil pour assurer leurs compétences dans de grands ensembles intercommunaux, pour faire face aux enjeux d’aujourd’hui » , appuie Jean-Marc Vasse, maire de Terres-de-Caux (76) et maire référent de l’AMF pour l’accompagnement des communes nouvelles.

Certaines de ces propositions pourraient être reprises par le Sénat dont le président, Gérard Larcher, a annoncé l’installation le 5 octobre d’un groupe de travail sur la décentralisation qu’il présidera. En promettant que des propositions en faveur de la différenciation et de l’adaptabilité feraient partie des mesures préconisées dans le rapport remis au printemps prochain.

Associer la population 

Lors de la table ronde « démocratie et subsidiarité », Françoise Gatel a comparé la commune nouvelle à « un mariage de raison et d’affection ». « Un chemin compliqué comme pour faire vivre une famille recomposée, qui ne soit pas juste une addition mais la création d’un lien, estime-t-elle. D’où toute l’importance de concerter et d’associer la population ». Des propos partagés par de nombreux intervenants. « Il faut embarquer tout le monde très en amont sinon c’est un échec, lance Philippe Chalopin. Ensuite, il est nécessaire de beaucoup concerter pour faire vivre la commune nouvelle ». 

Maire de Loireauxence (44), Christine Blanchet a mis en place un conseil de participation citoyenne. « Nous avons associé les habitants sur l’identité de la commune nouvelle ou le projet de territoire, pour lequel ils ont priorisé six thèmes de politiques publiques que nous allons intégrer » , explique-t-elle en soulignant qu’il ne faut pas oublier les élus et les services dans ce travail de concertation. 

Comités consultatifs et maires délégués

Pour sa part, Cédric Haxaire, maire de Thaon-les-Vosges (88), a organisé en novembre 2020 un référendum sur le changement de nom de la commune nouvelle. « Il ne faut pas avoir peur de la population » , affirme-t-il. En outre, des comités de proximité réunissent quatre fois par an les habitants avec chaque maire délégué. Le rôle des maires délégués a d’ailleurs été largement discuté pendant cette matinée d’échange, un élu regrettant que ceux-ci soient parfois considérés comme « des sous-maires » . L’importance capitale de maintenir des communes déléguées a été soulignée par plusieurs intervenants.

Autre exemple : Maen Roch (35) a associé la population sur le nom de la commune nouvelle avec des réunions publiques et un vote. « Ensuite, pour la faire vivre, nous avons mis en place un comité consultatif citoyen, associé notamment à la création d’une marque de territoire » , explique le maire Thomas Janvier. « Toute cette animation est importante pour forger l’identité de la commune nouvelle et rester connecté à la réalité des habitants » , conclut Paul Carrère. 

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