Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 2 septembre 2022
Commerce

Régulation des dark stores : à la recherche d'un équilibre pour les villes

Certains maires demandent au gouvernement depuis plusieurs mois l'octroi de moyens pour une plus stricte régulation des dark stores. Un projet de décret et un projet d'arrêté sont en cours de construction « pour trouver un équilibre entre cadre de vie préservé et attractivité économique des collectivités. »

Par Lucile Bonnin

Depuis 2020, l'implantation des dark stores gagne du terrain. Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Lille, Besançon, Villeurbanne, Montreuil : les dark stores et dark kitchens sont de plus en plus présents au cœur des centres-villes. Rappelons que les dark stores proposent un service de livraison de produits alimentaires et de grande consommation dans des délais très courts.

Ce phénomène fait peser la menace d’un modèle de ville fantôme « qui serait uniquement composée d'entrepôts avec des vitres sans tain derrière lesquelles s'agitent des hordes de livreurs sous-payés, exploités par des entreprises » , comme l’explique Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne sur Franceinfo.

Nombreux sont les élus qui souhaitent pouvoir disposer d'armes juridiques adéquates pour pouvoir conditionner ce type d’installation. Une revendication qui semble logique au regard de la dévitalisation progressive des centres-villes constatée par de nombreux élus locaux, inquiets pour l’avenir des villes (lire Maire info du 25 février)

L’inquiétude des collectivités 

Vendredi 19 août, une lettre adressée à la Première ministre Élisabeth Borne et signée par une dizaine de maires de grandes villes réclamait « que les communes où prospère ce type d’activités [puissent disposer] des moyens juridiques [pour] les réguler et (...) lutter efficacement contre toutes les externalités négatives que celles-ci produisent » .

Cette démarche des élus locaux fait suite à un projet d’arrêté qui a été dévoilé dans une version provisoire par l'adjoint parisien à l'urbanisme Emmanuel Grégoire. Cet arrêté concernait la définition légale des dark stores. Les élus signataires de cette lettre craignent que ces dispositions fassent « courir le risque aux communes que nous représentons de voir se démultiplier sur nos territoires ces établissements qui, même dotés d'un comptoir d'accueil, n'en resteraient pas moins des entrepôts ou des cuisines opaques ». 

Un flou juridique 

Au cœur de la controverse, une question : faut-il considérer ou non les dark-stores comme « des magasins normaux et non plus comme des entrepôts » , comme le résume Emmanuel Grégoire, selon le Code de l’urbanisme ?

Ce projet d’arrêté concède aux dark stores le fait de pouvoir être considérés comme des commerces notamment s’ils disposent d'un point de collecte pour le public. Ainsi, leur installation serait facilitée, ce qui va à l’encontre des revendications des élus ces dernières années qui veulent pouvoir encadrer ce développement économique au profit des centres-villes. 

La première des clarifications apportée par le gouvernement sur la classification des dark stores était loin d’être ferme et stricte (lire Maire info du 22 mars). Jusqu’ici, soit le dark store doit être considéré comme un commerce, soit comme un entrepôt. Dès lors qu’il est « exclusivement utilisé pour de la livraison » , ce qui est majoritairement le cas, celui-ci doit être considéré comme un entrepôt. 

Malgré cette disposition, les élus des agglomérations observent que « les opérateurs se qualifient de commerces pour échapper à certaines obligations alors que la destination majoritaire de leur activité reste l’entreposage (souvent interdit dans les pieds d’immeubles) » , comme le dénonçait l’association France urbaine dans un courrier adressé au gouvernement en juin dernier (lire Maire info du 14 juin)

Le gouvernement doit arbitrer et trancher dans les prochains mois et les élus craignent actuellement que « cette nouvelle réglementation (…) cautionne, dans les faits, le modèle de « dark city »  et retire aux communes le principal levier qu’elles pouvaient actionner pour réguler ces implantations ». 

Une consultation qui se poursuit 

Le 14 août dernier, le ministre de la Ville Olivier Klein a déclaré qu’il fallait, dans ce projet de régulation, « trouver l’équilibre entre vitalité des centres-villes et emploi » . Il a également tenté de rassurer les élus cet été en déclarant au micro de RTL que ce projet n’était encore que « dans une phase de concertation »  et a reconnu que les maires étaient en difficulté face à ce sujet. 

Une première consultation a eu lieu avec « les différentes parties prenantes »  début juillet, et une seconde est organisée mardi prochain avec les associations d’élus et les représentants des métropoles, à l'invitation d'Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement et d'Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, dans le but « d’aboutir à l'élaboration d’un texte réglementant l’implantation de ces activités. » 

  

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