Maire-info
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Édition du vendredi 17 décembre 2021
Commerce

Aménagement commercial : pas d'opérateurs économiques dans les CDAC

Par une décision du 22 novembre, le Conseil d'État a censuré les dispositions réglementaires de la loi Élan de 2018 modifiant la composition des commissions départementales d'aménagement commercial. Une annulation partielle découlant d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, rendu en juillet dernier.

Par Caroline Reinhart

L’offensive du Conseil national des centres commerciaux contre la loi Élan a porté ses fruits. Depuis deux ans, le CNCC livre une bataille juridique contre les dispositions de la loi de 2018 relatives aux commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC). Traduites sur le plan réglementaire par un décret de 2019, ces mesures étaient, selon la CNCC, contraires au droit européen. Une décision du Conseil d’État, publiée au Journal officiel le 12 décembre, confirme cette position, et annule une partie du décret de 2019, suivant un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) saisie par voie d’exception. 

Juge et partie 

Pour mémoire, la loi Élan de 2018 a modifié la composition des CDAC, chargées de délivrer les autorisations d’exploitation commerciale (AEC). Désignées par la chambre de commerce d'industrie (CCI), la chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) et la chambre d'agriculture, trois nouvelles personnalités qualifiées ont ainsi fait leur entrée dans ces commissions. Avec pour missions de présenter le tissu économique dans la zone de chalandise concernée, et de mesurer l’impact des projets sur ce tissu. 

Un garde-fou était néanmoins prévu par la loi, ces personnalités ne participant pas au vote sur la demande d’autorisation. Pas de quoi assurer leur indépendance, pour le CNCC : après avoir attaqué les articles du décret de 2019 concernés, le CNCC a fait valoir auprès du Conseil d’État leur incompatibilité avec la directive européenne « Services »  de 2006. La Haute juridiction a alors saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), à titre préjudiciel, pour trancher le litige. 

Opérateurs concurrents

C’est finalement un an plus tard, le 15 juillet dernier, que la CJUE s’est prononcée, jugeant que la directive de 2006 s’oppose à une « réglementation nationale prévoyant la présence, au sein d'une instance collégiale compétente pour émettre un avis sur l'octroi d'une AEC, de personnalités qualifiées représentant le tissu économique de la zone de chalandise pertinente, et ce même si ces personnalités ne prennent pas part au vote sur la demande d'autorisation » .
 
Or, relève le Conseil d’État, les CCI comportent « des commerçants, chefs d'entreprises, représentants de sociétés commerciales ou de sociétés à caractère commercial » , de même que les CMA sont composées « de professionnels exerçant une activité commerciale » . Ainsi, la présence au sein des CDAC de personnalités désignées par la CCI et la CMA, est de nature à permettre, « dans l’octroi d’autorisations individuelles auxquelles l'accès à une activité de services est subordonné (…), l'intervention indirecte de personnes désignées par des opérateurs concurrents des demandeurs d’AEC, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces personnalités qualifiées ne prennent pas part au vote et se bornent à présenter la situation de ce tissu économique ainsi que l'impact du projet concerné sur ce dernier » .

Avec une nuance pour les chambres d’agriculture : pour le Conseil d’État, « elles ne peuvent être regardées comme constituées d'opérateurs concurrents des demandeurs d’AEC » , compte tenu de leurs missions. Elles peuvent donc, en toute légalité, désigner une personnalité qualifiée au sein des CDAC.

Au bout du compte, les Sages du Palais-Royal ont donc annulé les dispositions en cause, interdisant aux personnalités désignées par la CCI et la CMA d’être membres d’une CDAC. Une décision confortant la position de la Commission européenne, qui, en 2005 déjà, avait mis en demeure la France d’exclure les CCI des CDAC. Une loi de 2008 en avait tiré les conséquences. Dix ans plus tard, la loi Élan est étonnamment revenue à la charge… avec le même résultat. 

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