Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 4 mai 2022
Commande publique

Ce que contient le décret sur le verdissement de la commande publique

Le décret d'application de la loi Climat et résilience relatif à la commande publique a été publié hier au Journal officiel. Il change profondément la philosophie de la commande publique, en ne faisant plus reposer les choix sur le seul critère du coût mais en ajoutant un critère environnemental. 

Par Franck Lemarc

C’est l’article 35 de la loi Climat et résilience qui a fixé les nouvelles règles, en disposant que désormais, « la commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable ». 

Critères environnementaux

Lors de l’examen de ce décret d’application par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance en avait résumé la philosophie ainsi : c’est la fin de « la sélection des offres sur la base d’un critère unique relatif au prix ». Le Code de la commande publique (CCP) permettait déjà de choisir ou bien selon des critères « comprenant des aspects environnementaux », ou bien selon le coût, envisagé comme critère unique. La nouvelle rédaction (qui entrera en vigueur en août 2026) ne permet plus de choisir sur le seul critère du coût, puisqu’il faudra intégrer « les caractéristiques environnementales de l’offre »  à ce critère. L’article R2152-7 du CCP dispose maintenant que le critère unique du coût doit être « déterminé selon une approche globale fondée sur le coût du cycle de vie (…) et qui prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ». 

Spaser dès 50 millions d’euros

Autre mesure, qui sera, elle, appliquée dès l’année prochaine : l’abaissement du seuil à partir duquel les collectivités doivent adopter un document appelé Spaser (Schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables). L’élaboration de ce schéma était jusqu’à présent réservé aux collectivités réalisant plus de 100 millions d’euros d’achats par an ; ce seuil tombe à 50 millions d’euros. Le nombre de collectivités concernées passera, selon Bercy, de 120 à 300 environ, avec un coût pour chacune d’entre elles variant « de 7 600 à 19 000 euros ». 

Publication des données

Autre nouveauté : l’obligation pour les acheteurs à publier en open data (données ouvertes) les données de leurs marchés, à partir d’un certain seuil. Au départ, le gouvernement avait fixé celui-ci à 25 000 euros HT. Mais la mesure a rencontré l’opposition des représentants des élus au Cnen, qui ont estimé que ce seuil « implique nécessairement que les petites et moyennes collectivités forment les agents et prévoient le temps nécessaire pour convenir à cette obligation supplémentaire ». Pour une fois, le gouvernement a tenu compte des observations des élus et, dans une seconde rédaction du projet de décret, a porté le seuil à 40 000 euros. La disposition entrera en vigueur en 2024.

Même avec cette modification, les représentants des élus n’ont pas donné quitus à ce décret lors de la seconde délibération du Cnen, pas plus qu’ils ne l’avaient fait lors de la première. 

Ils estiment en effet que les nouvelles dispositions vont complexifier encore un peu plus le droit de la commande publique, alors que les élus ne cessent de réclamer, au contraire, une simplification. 

Plus généralement, les élus ont regretté que la commande publique serve, de plus en plus couramment, de « vecteur »  à des politiques sociales ou environnementales voulues par l’exécutif. « Depuis de nombreuses années désormais, l’habitude a été prise par les gouvernements successifs de se servir du droit de la commande publique pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre d’une multitude d’autres politiques publiques, à commencer par la politique de concurrence pure et parfaite européenne, le financement des partis politiques, et désormais la transition écologique et la lutte contre le réchauffement climatique ». Lors de la deuxième délibération, ils ont réitéré cette critique, estimant qu’il était assigné à la commande publique « des objectifs de plus en plus nombreux et, in fine, contradictoires ». « Qui plus est dans un contexte de relance de l’économie française et européenne, (les élus) estiment que la commande publique n’a pas vocation à se voir assigner des objectifs supplémentaires au risque de pénaliser la compétitivité de la France et de confronter les collectivités territoriales, notamment celles de plus petites tailles, à des risques juridiques majeurs dans un climat d’instabilité chronique du droit en la matière qui nuit au principe de sécurité juridique. » 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2