Maire-info
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Édition du vendredi 22 avril 2022
Collectivités locales

Collectivités locales : L'Agence française anticorruption publie sa deuxième enquête nationale

L'Agence française anticorruption (AFA) a publié cette semaine son enquête sur les évolutions des communes, départements ou encore EPCI dans l'appropriation des dispositifs de prévention et de détection des atteintes à la probité au sein du secteur public local.

Par Lucile Bonnin

Corruption, trafic d’influence, concussion, prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, favoritisme… Dans une enquête publiée récemment sous le titre Prévention et détection des atteintes à la probité au sein du secteur public local, l’Agence française anticorruption (AFA) a étudié les évolutions des acteurs locaux (communes, EPCI et départements) en matière de lutte anti-corruption. Les collectivités territoriales ont-elles évolué depuis la dernière enquête de l’AFA datant de 2018 et ont-elles pris en compte les recommandations de l'agence ? 

Selon l’AFA le bilan est plutôt « contrasté »  avec d’un côté « une progression de la connaissance des risques et des outils développés par le référentiel français anticorruption pour aider les acteurs publics locaux à prévenir et détecter les risques d’atteintes à la probité »  ; et de l’autre des marges de progrès qui demeurent. 

Des résultats encore insuffisants pour les communes 

Plus la commune est grande, plus les cas de corruption sont fréquents. Les communes de plus de 10 000 habitants sont 40,7 % à déclarer avoir eu connaissance de cas de corruption (39,9 % en 2018). Pour celles  qui comptent entre 3 500 et 10 000 habitants, le chiffre est de 10,9 % (19,0 % en 2018), et pour les communes de moins de 3 500 habitants de 9,6 % (6,6 % en 2018). Mais l'AFA précise que « ce résultat peut traduire une plus grande conscience ou connaissance par les répondants de l'existence de tels cas ».

Lorsque des cas de corruption existent, les plus grandes communes de l’échantillon étudié (ici plus de 10 000 habitants) ont plus de facilités à engager une procédure disciplinaire et une sanction afférente. C’est le cas pour 45,5 % des plus grandes communes tandis que seulement 19,4 % des petites communes (moins de 3 500 habitants) s’emparent du problème. 

Cette absence de mise en place de dispositifs se justifie ainsi par les communes interrogées : « la taille et les moyens disponibles seraient insuffisants »  pour 62,5 % des répondants ; « les risques seraient faibles ou maîtrisés »  pour 51,4 % ; et il n’y aurait « aucune obligation légale »  pour 16,5 %. 

La mise en place de mesures ou de dispositifs* anticorruption dans les communes augmente mais de nombreuses insuffisances sont pointées. Les communes n’utilisent presque pas de cartographie des risques (1,7 %), les codes de conduite sont insuffisamment déployés, la question des cadeaux et invitations est peu prise en compte, le dispositif d’alerte interne est peu déployé et moins de 5 % des communes déclarent sensibiliser ou former leurs agents ou élus à ces questions de probité. 

Point positif : « Depuis sa création en 2017, la mission de référent déontologue s’est bien déployée. En 2018, 19,9 % seulement des communes avaient un référent et ce taux s’établit désormais à 62,5 % en 2021 dans les communes qui - n’adhérant pas à un centre de gestion - doivent nommer un référent en interne. Les données mettent néanmoins en avant un défaut de visibilité : le référent existe bien mais il est relativement peu connu des agents (15,5 %). » 

Peu de corruption dans les EPCI 

Les cas de corruption sont beaucoup moins fréquents pour les EPCI en 2021 qu’en 2018 : le taux de constatation de corruption observé désormais est de 10,9 % alors qu’il était de 23,1 %. La démarche est plus proactive que celle des communes en termes de politique anti-corruption : « Le recours à la procédure disciplinaire est fréquent (66,7 %) et celle-ci se termine par une sanction dans 75,0 % des cas » , peut-on lire dans l’étude. 

25,5 % des EPCI en 2021 ont mis en œuvre des dispositifs ou des mesures anticorruption - et c’est un progrès par rapport à 2018 - soit sous forme de dispositifs anticorruption (14,5 % des cas) soit sous forme de mesures (10,9 %).

Les codes de conduite constituent une mesure assez largement utilisée par les EPCI. 20 % d’entre eux ont adopté un code (8,6 % en 2018). Certains sont illustrés « d’exemples précis et concrets »  (72,7 %) et sont majoritairement à l’attention des agents (81,8 %) mais aussi – dans une moindre mesure – des élus (63,6 %).

La sensibilisation apparaît comme laissée pour compte encore une fois puisque seulement 14,5 % des EPCI sensibiliseraient leurs agents à l’anticorruption et 9,1 % le feraient à l’égard des élus.

Une nette progression pour les départements 

Si les cas d’atteintes à la probité ont augmenté dans les départements (43,3 % en 2021 contre 31,3 % en 2018), les sanctions ont davantage été appliquées. La procédure disciplinaire (76,9 %) et la sanction administrative (90 %) sont des nouveaux réflexes quasi systématiques. 

Les mesures anticorruptions progressent fortement (63,3 % en 2021 contre 16,7 % en 2018), la fréquence des codes de conduite a doublé, une politique « cadeaux invitations »  est mise en œuvre dans la majorité des cas et les référents déontologues sont déployés dans 93,3 % des départements en 2021. 

C’est le seul acteur public qui a su se saisir pleinement de la recommandation formulée autour de la sensibilisation des agents (26,7 % contre 16,7 % en 2018) et des élus (40 % contre 8,3 % en 2018), et de la formation des agents (26,7 % contre 8,3 % en 2018) et des élus (26,7 % contre 8,3 % en 2018). 

Cette position de « bon élève » permet d’identifier des fragilités en terme de sensibilisation autour des atteintes à la probité. Seulement 3,3 % des élus des départements connaissent la concussion, contre 46,7 % pour le trafic d’influence et 20 % pour le « pantouflage ». « Si le conflit d’intérêts semble mieux appréhendé (63,0 %), cette connaissance est en retrait, comparée aux autres entités publiques et ce, malgré l’effort de sensibilisation rapporté : 80 % des départements mèneraient une politique de sensibilisation concernant les conflits d’intérêts » , peut-on lire dans l’étude. 

Des informations pour les collectivités 

À partir de la page 22 de cette étude de l’AFA, un dispositif anticorruption cible dans le secteur public local est détaillé avec un résumé de toutes les mesures qu’il est recommandé de mettre en place : évaluation de l’intégrité des tiers, dispositif d’alerte interne, etc. Les différentes atteintes à la probité sont aussi définies dans ce même document. 

Enfin, « pour aider les acteurs publics locaux à améliorer encore leur maîtrise des risques et des outils, l’AFA continuera de renforcer son action de conseil et de pédagogie, notamment en développant les outils pratiques et kits numériques permettant de sensibiliser et diffuser la connaissance du référentiel français anticorruption. » 

Télécharger l’étude. 

* « Une politique anticorruption est formalisée par un dispositif. Il présente l’avantage, par rapport à des mesures dispersées, d’être ordonné, réfléchi et pensé à des fins de lutte anticorruption ». Source : AFA. 

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