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Édition du lundi 19 février 2024
Culture

Cinéma : le Sénat en faveur d'une accessibilité des films plus équitable entre les territoires

Une proposition de loi vient d'être adoptée en première lecture au Sénat concernant le cinéma. Elle vise notamment à garantir l'accessibilité des œuvres aux cinémas, notamment d'Art et essai, dans tous les territoires, y compris ruraux.

Par Lucile Bonnin

Présentée par la sénatrice Alexandra Borchio Fontimp, la sénatrice Sonia de La Provôté et le sénateur Jérémy Bacchi, la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France a été discutée en séance publique mercredi dernier au Sénat. Ce texte constitue la traduction législative d’un rapport d'information intitulé Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de l'avenir, adopté à l'unanimité par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 24 mai 2023 (lire Maire info du 25 mai). 

« Si l'essentiel des 14 recommandations de la mission relève des compétences du CNC, un certain nombre nécessite en effet une évolution du code du cinéma et de l'image animée (CCIA). Tel est l'objet de la présente proposition de loi », peut-on lire dans l’exposé des motifs. 

La proposition de loi poursuit trois objectifs : « Simplifier la vie des 2 000 établissements cinématographiques ce qui ne représentent pas moins de 6 300 écrans cartes illimitées »  ; « mieux garantir l’accès aux œuvres dans l’ensemble du territoire pour éviter un cinéma des villes et un cinéma des champs »  ; et mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques.

Simplifier la vie des exploitants 

L’article 1er vise à assouplir l'encadrement des cartes d'accès illimitées dans les cinémas. « Elles sont actuellement conditionnées à un agrément systématique du CNC, ce qui à l'usage s'avère d'autant plus lourd qu'il doit être à nouveau sollicité à chaque modification jugée "significative" », peut-on lire dans l’exposé des motifs. Le texte propose la suppression du mécanisme de l’agrément au profit d’une nouvelle dynamique pour les cartes, « dont les détenteurs sont en moyenne plus nombreux à visionner des œuvres françaises et d’Art et essai », peut-on lire dans une note explicative du Sénat. 

Précisions que cet article adapte aussi « l'encadrement des modalités d'association à la formule des exploitants indépendants ». « Sous certaines conditions de fréquentation, un exploitant peut en effet demander à intégrer la formule de carte illimitée proposée dans sa zone d'attraction par un autre exploitant ou réseau ». Cela peut donc concerner aussi les salles municipales. 

Autre mesure : l'article 3 ouvre la possibilité aux exploitants de proposer en ligne des tarifs promotionnels sur le prix des billets. Comme le précisent les rapporteurs, « actuellement, seuls les tickets achetés sur place peuvent bénéficier de ces opérations. Or les ventes "à l’avance" en ligne se développent très rapidement. Dès lors, les salles pourront mener une politique digitale plus dynamique et attirer de nouveaux publics. » 

Engagements de diffusion pour les territoires 

L’article 4 met en place des engagements de diffusion pour les distributeurs. Ces derniers « assurent notamment, en plus d’une partie du financement de la production, la promotion et la distribution sur le territoire des œuvres cinématographiques. Cependant, alors que les exploitants de salles sont soumis à des engagements dits de "programmation" pour favoriser la diversité au cinéma, les distributeurs ne sont soumis à aucune obligation ». La proposition de loi vise à changer la donne.

En effet, « l'article 4, vise, sur le modèle des engagements de programmation des salles, à définir des engagements de diffusion. La mission a en effet constaté que les œuvres classées en Art et essai (AE) étaient moins souvent proposées dans certaines zones du territoire. Il est ainsi proposé que les distributeurs soient tenus de consacrer une part minimale du plan de diffusion à des établissements situés dans des périmètres géographiques identifiés au regard de leur faible nombre d'habitants ». 

Rappelons qu’un accord interprofessionnel avait été fixé le 13 mai 2016 à la suite des Assises de la diffusion. L’accord prévoyait que les diffuseurs consacrent aux agglomérations de moins de 50 000 habitants 17 % du plan de sortie pour les films recommandés AE présents dans 175 à 250 établissements lors de leur sortie nationale et 25 % du plan de sortie pour les films recommandés AE présents dans plus de 250 établissements lors de leur sortie nationale. Ces engagements n’ont pas été respectés. 

L'article 5 de la proposition de loi vise donc à donner au CNC un pouvoir de sanction administrative en cas de méconnaissance par les distributeurs de leurs obligations. Pour les sénateurs, ces engagements sont « une garantie essentielle pour la diffusion d’œuvres exigeantes mais populaires sur l’ensemble du territoire ».

Par ailleurs, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat a voté un amendement pour conforter l’objectif d’une meilleure accessibilité des œuvres sur l’ensemble du territoire : « Afin d’en faciliter la mise en œuvre par les professionnels, l’amendement adopté par la commission substitue à l’existence générale et permanente d’engagements de diffusion un mécanisme temporaire, limité aux situations dans lesquelles il serait objectivement constaté un déséquilibre dans la diffusion de ces films au détriment des territoires peu denses. Ainsi, lorsqu’une situation de déséquilibre se présentera, le président du CNC aura dorénavant la faculté d’intervenir rapidement pour mettre en place des engagements de diffusion adaptés et uniquement applicables le temps de revenir à un accès équilibré à ces films sur l’ensemble du territoire. » 

La proposition de loi a été transmise à l'Assemblée nationale le 15 février dernier. 
 

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