Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 25 novembre 2022
Congrès des Maires de France

Budgets locaux : « En 2023, nous ferons moins, car nous avons moins »

Devant faire face à des dépenses annoncées en forte augmentation et à une réduction de leur marge de manoeuvre en 2023, les élus locaux ont fait part de leurs inquiétudes lors du traditionnel débat consacré aux finances locales qui s'est tenu hier.

Par A.W.

« Depuis des décennies, chaque année quand nous faisions nos budgets, la seule question qui nous intéressait, c'était : "Comment vais-je améliorer les réponses aux attentes de nos concitoyens, comment vais-je faire pour que le service public soit plus efficace, plus présent, plus innovant ?" Cette année, je me demande ce que je vais pouvoir éviter d'affaiblir, voire d'amputer… »  Cette nouvelle approche du maire d’Issoudun, André Laignel, illustre ce à quoi sont confrontés les 35 000 édiles du pays face à la hausse historique des prix, celle des taux d’intérêts ou encore des rémunérations des agents. Et, pour 2023, « on ne saura pas faire », estime le vice-premier président délégué de l’AMF.

Avec des marges de manœuvre qui se réduisent et une inflation qui pourrait se maintenir au moins jusqu’en 2025, des « sacrifices »  douloureux vont devoir être fait par les élus locaux pour équilibrer le budget de l’année prochaine. Seulement, « l’imagination »  s'épuise, assure André Laignel qui ne voit plus vraiment dorénavant où faire de nouvelles économies… déjà faites par le passé. 

« Faire plus avec moins? C’est quasiment impossible » 

« On nous dit de faire attention à notre masse salariale, à nos dépenses de fonctionnement. Mais on supprime quoi? Je ne sais pas comment on fait plus en termes d’économies globales et de mutualisation. On a tiré jusqu’au bout du bout pour allumer le chauffage dans les écoles, dans nos crèches, dans nos services municipaux ou à la mairie. De quoi faut-il se passer ? De policiers, de cantonniers, d’animateurs, d’agents de restauration, de médecins… ? », se désole Nadège Azzaz, maire de Châtillon, dans les Hauts-de-Seine, qui vit son premier mandat, mais alerte déjà des risques pesant sur « la cohésion nationale »  si les maires ne peuvent plus jouer leur rôle de « bouclier social ».

Même son de cloche à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, à la frontière surinamaise, où les enjeux sont pourtant différents. Près de 50 000 habitants officiellement, plus de 70 000 en réalité. La commune possède 32 groupes scolaires et crée « une école tous les huit mois », « un tiers du budget »  allant aux affaires scolaires. « Faire plus avec moins, on le fait depuis longtemps. Mais l’an prochain, ce sera quasiment impossible », assure, Sophie Charles, la maire de cette commune de 4 800 km2 adjacente à l’Amazonie qui demande « plus d’une heure »  de route à traverser, et encore davantage dans les zones où il n’est possible de se déplacer qu’en pirogue.

Sans compter le « petit supplément »  d’inflation réservé aux ultra-marins qui voient le panier du maire alourdi encore par « la continuité territoriale » : « Lorsque 70 % de tout ce que nous utilisons est importé de l’Hexagone », il y a des frais de transports à intégrer et « cela signifie que sur une même facture, nous avons eu une augmentation de 30 % cette année », explique l’élue. 

Piscine fermée, baisse de subventions et hausse de tarifs

Au-delà même de la question du coût de l’énergie, qui fait la Une de l’actualité, c’est aussi « l’augmentation des coûts du gravillonnage ou du “point-à-temps” »  qui pèsent sur les budgets et inquiètent notamment les maires ruraux. « C’est 200 euros la tonne d'augmentation, ça c’est du concret pour un maire d’une commune rurale », tonne Dominique Amiard, maire de Cures, dans la Sarthe, qui voit son village de 491 habitants fragilisé par « des pertes de dotations de l’Etat »  et s’insurge contre « les inégalités scandaleuses qui existent dans le pays ».

A Trouville-sur-Mer, station touristique du Calvados, la maire, Sylvie de Gaetano, se réjouit, elle, de voir que son budget 2023 sera « à l’équilibre ». C’est d’ailleurs l’une des rares communes qui avaient prévu de le voter initialement avant la fin d’année qui ne le reportera pas au printemps (au vu des incertitudes liées aux dispositions qui doivent être votées en matière énergétique). 

Mais, malgré la perception de 2 millions d’euros de recettes annuelles grâce à son casino, la réalisation du budget se fera au prix de certains sacrifices. La piscine a ainsi été fermée. Un véritable « drame »  pour l’élue locale qui vit elle aussi un premier mandat « compliqué ». Elle a également mis en place des « extinctions nocturnes », baissé les subventions aux associations, augmenté le prix du stationnement et « rogne sur tout ».

« Nous devons dire la vérité aux Français. Nous ne ferons pas plus l’an prochain. Nous ferons moins car nous avons moins », résume, de son côté, le maire de Saint-Grégoire et coprésident de la commission finances de l'AMF, Pierre Breteau. « Ce qui est en jeu, c’est au mieux la baisse de l’investissement [car] la question des services publics est posée ».

Indexation de la DGF

Car malgré la hausse de la DGF (1,7 %) l’an prochain, des bases fiscales en augmentation et la mise en place de dispositifs d’aides face au prix de l’énergie, « le delta reste négatif ».

L’une des solutions prônées par les représentants de l'AMF serait ainsi d’indexer la DGF sur l’inflation. « Ce n’est pas un cadeau, c’est un dû. Et un dû, ça doit être payé en euros constants sinon c’est une dégradation », a souligné André Laignel. Or, la hausse de 320 millions d’euros prévue par le gouvernement en 2023 ne compensera pas l’inflation.

« Les communes qui ont beaucoup de logements sociaux, qui ont des dotations importantes et qui ont une part du foncier dans la ressource de seulement 20 %, eh bien elles sont totalement défavorisées »  par rapport à celles pour lesquelles la taxe foncière est la principale ressource, a rappelé Philippe Laurent, vice-président de l’AMF. C’est pour cela qu'il « faut indexer la DGF sur l’inflation », « c’est parce que c’est juste de le faire ».

Pas de quoi convaincre la députée de la majorité, vice-présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à l’Assemblée, Stella Dupont : « Je comprends la logique qui est la vôtre mais [...] cette DGF n'est pas parfaite, elle présente des iniquités ». « Vouloir indexer une dotation qui n’est pas satisfaisante, ce n’est peut-être pas le bon outil. D’où des outils ciblés : le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, l’amortisseur… », a-t-elle tranché.

« On nous a déjà servi cet argument pour nous supprimer la taxe d'habitation, on nous le ressert pour la CVAE. Et demain, on nous sortira le même argument pour le foncier bâti ! Il n’y a aucun impôt - ou dotation - parfait. Et sous ce prétexte, on en profite pour mettre sous tutelle financière, pour nationaliser les finances de nos collectivités territoriales », a dénoncé le maire d’Issoudun. 

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