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Édition du mercredi 17 décembre 2025
Budget

Avec l'adoption définitive du budget de la « Sécu », les députés actent la création du réseau France santé

Outre la mesure phare visant à décaler la réforme des retraites, le projet de budget de la Sécurité sociale doit permettre la création d'un réseau de 2 000 maisons labellisées France Santé « d'ici l'été 2026 » et 5 000 « d'ici 2027 » afin de lutter contre les déserts médicaux. Déjà critiqué, celui-ci reposerait sur des structures déjà existantes. 

Par A.W.

En attendant d’avoir un budget pour l’État, l'Assemblée nationale vient de donner hier un budget à la Sécurité sociale pour l’an prochain. Sébastien Lecornu a ainsi réussi son pari puisque le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 a été définitivement adopté par 247 voix contre 232 - et sans recours au « 49.3 »  - après avoir été largement modifié et amputé d’une partie des économies initialement prévues. 

Les députés Renaissance et MoDem ont ainsi unanimement voté pour, rejoints par une large majorité des groupes PS et Liot, membres de l'opposition. Les abstentions ont été très majoritaires chez les écologistes, tout comme chez les députés des groupes Horizons et LR, membres du camp gouvernemental. L'alliance RN-UDR et les Insoumis ont, eux, unanimement voté contre. Reste encore au texte à passer l’épreuve du Conseil constitutionnel pour que l’ensemble des dispositions qui le composent entrent en vigueur et que la loi soit promulguée. 

Suspension de la réforme des retraites 

C’était la condition majeure pour que les socialistes approuvent ce PLFSS : la suspension de la réforme des retraites. Le texte suspend donc « jusqu’au 1er janvier 2028 », après la prochaine élection présidentielle, le relèvement prévu de l’âge d’ouverture des droits et la durée de cotisation. L’âge légal de la retraite est reporté d’un trimestre de la génération 1964 jusqu’à celle de 1968 et la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein est réduite.

Les personnes nées en 1964 pourront, par exemple, réclamer leur pension non pas à 63 ans comme prévu mais à 62 ans et neuf mois et obtenir une pension à taux plein avec un nombre de 170 trimestres, et non plus 171 trimestres.

Durant l’examen du texte, le gouvernement avait fait adopter un amendement qui a étendu ce dispositif aux fonctionnaires relevant des catégories actives et super actives. Cette suspension ne s’appliquera toutefois qu’aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026 et son coût est estimé à 100 millions d'euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027.

Le budget de la « Sécu »  prévoit aussi une amélioration des retraites des femmes ayant eu des enfants et la création d'un nouveau congé de naissance, qui s'ajouterait aux congés maternité et paternité existants, pour une durée d'un ou deux mois. Le montant de l'indemnisation sera fixé par décret, mais le gouvernement a indiqué qu'il serait de 70 % du salaire net le premier mois et 60 % le second. 

France Santé, une « simple opération d’affichage » ? 

Au-delà de la suspension de la réforme des retraites, on peut également retenir la création d'un « réseau France Santé », une mesure souhaitée par le Premier ministre pour lutter contre les déserts médicaux et améliorer ainsi l'accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

Sans même attendre la validation du dispositif dans le PLFSS, Sébastien Lecornu avait décidé, en octobre dernier, de labelliser un premier pôle France Santé dans la Manche. Avec l’adoption du budget de la « Sécu », les choses semblent s’accélérer puisqu’une quinzaine d’autres structures labellisées ont été dévoilées hier dans le département normand, bientôt autant dans les Côtes-d’Armor et 19 en Seine-Saint-Denis, l'Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France annonçant le déploiement dans la région de 120 Maisons France Santé d'ici Noël. 

Ce sont donc les premières pierres d'un réseau qui doit garantir aux Français un accès aux soins à moins de 30 minutes de chez eux. Pour le déployer, le Premier ministre a prévu de le faire reposer essentiellement sur des structures déjà existantes avec l'objectif de 2 000 maisons France Santé « d'ici l'été 2026 »  et 5 000 « d'ici 2027 ». Il serait ainsi constitué de maisons de santé (animées par des médecins libéraux), de centres de santé (où des médecins salariés exercent), voire même de pharmacies qui recevront le label « France Santé », ainsi qu'un forfait d'environ 50 000 euros. Le tout était évalué à quelque 130 millions d'euros pour 2026.

Seulement, ce réseau est déjà très critiqué, notamment par les sénateurs qui l’avaient très largement rejeté lors de l’examen du PLFSS, ceux-ci craignant qu’il « se réduise à une simple opération d’affichage politique ». Malgré son « coût », il ne servirait qu’à rendre juste « visibles des structures »  préexistantes et « ne crée[rait] pas de postes de nouveaux médecins ». Ce qu’a d’ailleurs confirmé la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, dans l’hémicycle. « Pour quoi et à quoi ça va servir ? », s’était ainsi interrogée la sénatrice de la Charente-Maritime Corinne Imbert (apparentée LR), estimant que « cela mérite un peu plus de concertation avec l’ensemble des acteurs ». Les socialistes avaient également jugé plus « sage d’attendre le projet de loi sur la décentralisation »  prévu pour l’an prochain. 

La ministre de la Santé avait toutefois détaillé les trois « intérêts »  de ce réseau : d’abord, il « va donner de la visibilité »  aux maisons, centres ou bus de santé, ensuite les « consolider »  via « un financement de 50 000 euros en moyenne »  et, enfin, permettre de « créer un début d’accès aux soins […] là où il n’y a rien ». Et cela en « incitant des médecins à venir s’installer »  ou en installant « de la téléconsultation »  dans une pharmacie par exemple, avait-elle expliqué.

Attirer les jeunes médecins dans les zones prioritaires

Autre mesure visant à lutter contre la désertification médicale, le texte rétablit un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA), qui a déjà été mis en œuvre ces dernières années. 

Reposant sur un engagement d’exercice de « deux ans »  avec « un soutien économique », il doit permettre de favoriser l’installation des jeunes médecins. Selon le PLFSS, le praticien territorial de médecine ambulatoire s’engage ainsi à « exercer la médecine générale à titre libéral, pendant une durée fixée par le contrat, qui ne peut être inférieure à deux ans, dans une zone définie comme prioritaire par l’Agence régionale de santé ». Ce contrat est « renouvelable une fois ».

On peut également signaler que le rehaussement de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) à hauteur de 3 % pour l’année 2026 – la condition pour que les députés écologistes s’abstiennent – qui a permis de relever l’enveloppe globale dédiée aux soins de ville et d’hospitalisation de près de 9 milliards d’euros.

Une revalorisation qui doit permettre de flécher 3,6 milliards d’euros supplémentaires en direction des hôpitaux, selon un communiqué du gouvernement de la semaine dernière, dans lequel il assurait que 100 millions d’euros supplémentaires seront aussi dirigés vers le fonds d’intervention régional (FIR) « au bénéfice des actions médicales ultramarines »  et 150 millions pour soutenir les Ehpad.

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