Maire-info
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Édition du jeudi 27 novembre 2025
Santé publique

Budget de la « Sécu » : le texte repart à l'Assemblée, après l'échec des parlementaires à trouver un accord

Députés et sénateurs avaient concocté des copies bien trop différentes du projet de loi pour espérer s'accorder sur un texte commun. Outre le rejet de la suspension de la réforme des retraites, les sénateurs s'opposent à la création d'un réseau France Santé qu'ils considèrent comme une « simple opération d'affichage politique ».

Par A.W.

Quelques heures après avoir adopté leur propre version du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, les sénateurs n’ont pas réussi, hier soir, à trouver d’accord avec les députés en commission mixte paritaire (CMP). 

L’inverse aurait été surprenant tant les deux chambres du Parlement avaient abouti à des copies totalement opposées de ce texte qui chemine en parallèle du projet de budget de l’État. Notamment sur la suspension de la réforme des retraites, le gel des minima sociaux et des pensions de retraites, mais aussi le potentiel futur réseau France Santé voulu par Sébastien Lecornu. 

Réforme des retraites suspendue, un désaccord majeur

Le projet de budget de la « Sécu »  repart donc à l'Assemblée nationale pour une nouvelle lecture, sous la contrainte des délais constitutionnels qui imposent aux deux chambres d’avoir finalisé l’examen du texte d’ici le 12 décembre à minuit. Du côté du projet de budget de l’État (qui a été rejeté par l’Assemblée en première lecture), la date butoir a été fixée au 23 décembre.

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a dit prendre « acte de l’absence d’accord », jugeant toutefois que « de nombreux points de compromis solides ont été confirmés, offrant une base claire pour avancer lors de la seconde lecture au Parlement ». Dans ces conditions, elle s’est dite « pleinement mobilisée »  pour parvenir à « trouver des accords », assurant qu’il « est essentiel qu’un budget aussi crucial pour la vie quotidienne des Français, leur santé, leur protection et nos solidarités puisse être adopté ». 

Pour avoir une chance d’y parvenir, le désaccord portant sur la suspension de la réforme des retraites devra être dénoué rapidement. Alors que les sénateurs s’y sont opposés farouchement pour éviter de « faire peser sur les générations futures le fardeau de l’endettement », cette mesure-clef pour obtenir un budget de la « Sécu »  en 2026 est considérée par les députés socialistes comme la condition sine qua non à la non-censure du gouvernement de Sébastien Lecornu. En l’état, elle permettrait notamment aux personnes nées en 1964 de réclamer leur pension, non pas à 63 ans comme prévu, mais à 62 ans et neuf mois.

« Il faut qu'avant le 2 décembre [date du début de l’examen du texte en séance à l’Assemblée] on ait quand même une vision un peu globale de ce que pourrait être le point d'atterrissage », a ainsi arrêté le député PS de l’Essonne Jérôme Guedj, assurant que « c'est l'heure de vérité ».

« Entre le 2 et le 9 décembre, est-ce que l’on a la capacité à avoir une discussion intelligente entre les différents groupes de l’Assemblée nationale ? », s’est-il interrogé en intégrant dans cette discussion la mesure de « suppression de l’année blanche »  sur les prestations sociales et les pensions de retraites (à l'exception de celles inférieures à 1 400 euros qui seraient préservées), également retoquée par les sénateurs, ainsi que le « renforcement des moyens pour l’hôpital ». La question de la hausse de la CSG – prélevée spécifiquement sur les revenus du capital et votée à l’Assemblée – pourrait aussi revenir dans le débat.

Le réseau « France Santé »  rejeté par le Sénat

On peut également noter que les sénateurs ont très largement rejeté la création d’un réseau « France Santé »  chère à Sébastien Lecornu, que l’Assemblée nationale avait pourtant soutenue. 

Un réseau qui reposerait essentiellement sur des structures déjà existantes avec l'objectif de 2 000 maisons France Santé « d'ici l'été 2026 »  et 5 000 « d'ici 2027 ». Il serait ainsi constitué de maisons de santé (animées par des médecins libéraux), de centres de santé (où des médecins salariés exercent) voire même de pharmacies qui recevront le label « France Santé », ainsi qu'un forfait d'environ 50 000 euros. Le tout étant évalué à 130 millions d'euros en 2026.

Craignant que ce dispositif « se réduise à une simple opération d’affichage politique », la sénatrice de la Charente-Maritime Corinne Imbert (apparentée LR), à l’origine de l’un des amendements de suppression de cette mesure, a pointé le « coût »  de cette disposition qui « ne crée pas de postes de nouveaux médecins », mais rendrait juste « visible des structures ». « Pour quoi et à quoi ça va servir ? », s’est-elle interrogée, estimant que « cela mérite un peu plus de concertation avec l’ensemble des acteurs ».

Sans compter le fait que cette annonce a mis « les acteurs de santé dans un état d’extrême confusion », selon le sénateur de Paris Bernard Jomier (groupe socialistes), qui a jugé plus « sage d’attendre le projet de loi sur la décentralisation »  prévu pour l’an prochain. 

Disant « comprendre les critiques », la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a confirmé que « France Santé ne va pas créer de nouveaux médecins comme ça ». Mais, selon elle, il a trois « intérêts » : d’abord, il « va donner de la visibilité »  aux maisons, centres ou bus de santé, ensuite les « consolider »  via « un financement de 50 000 euros en moyenne »  et, enfin, permettre de « créer un début d’accès aux soins […] là où il n’y a rien ». Et cela en « incitant des médecins à venir s’installer »  ou en installant « de la téléconsultation »  dans une pharmacie par exemple, a-t-elle expliqué.

Appel à la grève des médecins libéraux

Stéphanie Rist a toutefois assuré que le portage de France Santé se ferait « par les départements »  et que cet « outil »  serait à « disposition des professionnels et des élus ». « On laisse la main aux territoires et aux professionnels », a-t-elle garanti.

Pour rappel, l'obtention du label se ferait sous conditions : présence garantie d'un médecin et d'une infirmière, pas de dépassement, ouverture au moins cinq jours par semaine, etc., avec une promesse de fournir une offre de soins « en 48 heures et à 30 minutes »  de chaque Français.

S’il venait à voir le jour, ce réseau pourrait cependant être, à peine créé, l’une des cibles des médecins libéraux. Leurs syndicats représentatifs ont en effet demandé, hier, aux médecins de ne pas « signer les contrats d’engagements France Santé »  dans le cadre de leur appel à la grève à partir du 5 janvier, en réaction à plusieurs mesures les visant dans le projet de la « Sécu ».

Les sept syndicats les invitent aussi à « reporter dès aujourd’hui »  tous les rendez-vous prévus à partir de cette date.

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