Maire-info
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Édition du lundi 19 décembre 2022
Budget de l'état

Programmation budgétaire : le texte rejeté en CMP, l'avenir des « contrats de confiance » toujours en suspens

Malgré de « nombreux points d'accord », députés et sénateurs n'ont pas réussi à s'entendre sur « la trajectoire de retour à l'équilibre » des dépenses publiques. Le texte sera donc examiné en seconde lecture.

Par A.W.

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© Commission des lois

« Autant vous dire que je suis un peu étonné du point d’arrivée, alors que les choses semblaient bien parties », si ce n’est « au stade de la négociation, voire de l’écriture ». Malgré une discussion prolongée d’une semaine pour tenter de « trouver une rédaction de compromis », le président de la commission mixte paritaire (CMP), Claude Raynal (PS), et ses membres ne sont pas parvenus, jeudi dernier, à élaborer un texte commun sur le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027. 

Un texte qui doit fixer la trajectoire d'évolution de l'ensemble des finances publiques (État, administrations centrales, locales et de sécurité sociale) et possiblement mettre en place des « contrats de confiance »  pour les collectivités, alors que ce dispositif d'encadrement de leurs dépenses a été retiré du projet de loi de finances (PLF) définitif pour 2023

Trop « peu »  d’efforts de l’État 

Malgré de « nombreux points d’accord », députés et sénateurs n’ont finalement pas réussi à s’entendre « sur l’essentiel », c’est-à-dire sur « la trajectoire de retour à l’équilibre »  des dépenses publiques, selon Jean-François Husson (LR), le rapporteur général du budget au Sénat.

« Nous ne pouvons pas nous satisfaire des ambitions de la majorité présidentielle, qui demande aux autres administrations, et principalement aux collectivités territoriales, les efforts qu’elle ne sait pas faire avec ses administrations centrales », a-t-il dénoncé, pointant un gouvernement qui « continue de dépenser, sans rechercher d’économies par ailleurs et sans compter ».

Souhaitant une trajectoire des finances publiques « bien plus ambitieuse et sérieuse », Jean-François Husson a critiqué les hypothèses macroéconomiques du gouvernement « trop favorables »  et un rythme de redressement des comptes publics « insuffisant », le député de la Meurthe-et-Moselle estimant que « les efforts imposés aux administrations locales et sociales semblent considérables alors que les administrations centrales ne doivent en réaliser que très peu, si l’on retraite notamment des dépenses liées à la crise sanitaire et à la crise de l’énergie ». Et celui-ci de rappeler que « la croissance en valeur »  de la trajectoire des concours financiers de l’État « masque en réalité une contraction de 4 milliards d’euros en volume ».

Le rapporteur général du budget à l’Assemblée, Jean-René Cazeneuve (Renaissance), a, pour sa part, fustigé « la cure d’austérité »  proposée par les sénateurs et assuré que la majorité présidentielle était « prête à trouver un compromis, au prix d’un effort supplémentaire en dépenses pour nos administrations et nos services publics, pourvu que l’effort soit équitablement partagé entre l’État et les collectivités territoriales ». 

Celui-ci a ainsi proposé « d’exclure du calcul, pour l’État comme pour les collectivités territoriales, les dépenses exceptionnelles liées à la crise, les dépenses liées à la charge de la dette, ainsi que les dépenses de transfert. En retenant ce calcul, ma proposition aboutissait à demander à l’État un effort supplémentaire de moins de 10 milliards d’euros, et non de 35 milliards d’euros », comme voulus par les sénateurs.

Autre point d’achoppement substantiel, la baisse de 5 % sur cinq ans du nombre des emplois publics de l’État prôné par le Sénat. « Maintenir la stabilité représente déjà un effort important vu les besoins, dans le contexte actuel, de nos services publics, de nos hôpitaux, de nos services de sécurité, etc. », a défendu le député du Gers.

« Contrats de confiance » : les sanctions « ne reviendront pas » 

Autre question cruciale : l’avenir des « contrats de confiance »  et leur format, qui restent donc en suspens et devront être ainsi décidés lors de la poursuite des débats. On se rappelle que les sénateurs n’avaient rejeté que le mécanisme de sanctions adossé aux contrats de confiance, mais pas la trajectoire (une maîtrise des dépenses « à un rythme inférieur de 0,5 point au taux d’inflation » ), lors de la première lecture du projet de loi. À l’inverse, les députés avaient balayé en bloc (sanctions et trajectoire) ce dispositif censé succéder aux contrats de Cahors (et même le texte dans son entièreté) grâce à une coalition des oppositions.

C’était d’ailleurs l’une des « originalités »  de cette commission mixte paritaire qui devait examiner un texte à la fois rejeté par l’Assemblée nationale, mais adopté par le Sénat. Une situation « beaucoup plus rare que la situation inverse », a rappelé en préambule le vice-président de cette CMP et président de la commission des finances à l’Assemblée, Éric Coquerel (LFI/Nupes).

« Adopter une trajectoire des finances publiques permet de donner de la visibilité à nos politiques publiques et d’envoyer un signal à nos partenaires et aux collectivités territoriales », a défendu Jean-René Cazeneuve, qui a toutefois confirmé, le même jour, dans un entretien à La Gazette des communes, que « les sanctions ne reviendront pas […] dans la loi de programmation des finances publiques [au regard de] l’engagement des collectivités territoriales à partager l’effort de redressement des comptes publics ». 

Le versement de fonds européens vraiment en danger ?

Le député du Gers a, toutefois, dit craindre « que nous ne percevions pas certains fonds européens », notamment dans le cadre du plan de relance, si aucune programmation budgétaire n’est finalement adoptée, alors que l’exécutif a renoncé à utiliser un énième 49.3 sur ce projet de loi. « Je le regrette pour notre pays et pour sa crédibilité internationale », a-t-il indiqué.

Une crainte évacuée par Claude Raynal, pour qui « l’expérience montre »  qu’une loi de programmation « n’engage que ceux qui y croient », rappelant « la façon dont les dernières [...] se sont traduites dans la réalité de nos PLF et de nos finances publiques… » 

« Il est faux de dire que cela conditionne le versement des fonds européens ! Il n’y a pas de lien réglementaire entre ce dernier et l’existence d’une loi de programmation », a renchéri Éric Coquerel. « C’est un exercice convenu à l’égard de Bruxelles »  et « vain », selon lui : « Ce que nous faisons est purement symbolique. C’est un couteau sans lame, un exercice sans conséquence. Il ne fait qu’éclairer les positions de chacun. » 

Consulter le rapport de la CMP.
 

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