Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 23 septembre 2021
Budget de l'état

PLF 2022 : un budget de « relance », d'« investissement » et de « normalisation »

DGF stable, abondement de la Dsil, hausse de la péréquation... Le projet de loi de finances pour 2022 ne présente pas de grandes surprises pour les collectivités. Bonne nouvelle : la réforme de l'Ifer n'y a pour l'heure pas été inscrite.

Par Aurélien Wälti

« Un budget de relance et d’investissement, mais aussi de normalisation. »  Après 18 mois marqués par la crise sanitaire, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et celui des Comptes publics, Olivier Dussopt, ont présenté, hier, leur projet de loi de finances (PLF) pour 2022, le dernier du mandat d’Emmanuel Macron. 

Un budget qui doit mettre fin au « quoi qu’il en coûte »  dès le « 1er octobre »  et qui met l’accent sur « le réarmement régalien de la France », mais qui est accusé par les oppositions d’être particulièrement dépensier avec une hausse annoncée de près de 12 milliards d’euros. 

Pour justifier ces choix, le gouvernement table sur une croissance forte pour financer une hausse des dépenses tout en réduisant le déficit public. Qualifiant les membres de l’exécutif de « gestionnaires sérieux », Bruno Le Maire a rappelé que « la situation économique est meilleure que prévu »  et que le projet de budget repose sur une prévision de croissance de 6 % pour 2021 et de 4 % pour l’année 2022.

Une reprise qui devrait donc permettre au déficit public de « diminuer de moitié ». Il passerait ainsi de 9,2% du PIB en 2020 à 8,4 % en 2021, avant de chuter à 4,8% en 2022, selon les projections de Bercy, qui prévoit dans le même temps une baisse de la dette publique à 116 % en 2021, puis 114 % en 2022.

« Redressement »  attendu des finances locales

Le gouvernement table également sur un « redressement »  de la situation financière des collectivités puisque celles-ci « devraient retrouver une situation légèrement excédentaire en 2022 », a assuré Olivier Dussopt. « En 2021, les premières remontées comptables montrent une forte amélioration de la situation financière de l’ensemble des collectivités par rapport à 2020 mais aussi à 2019 », peut-on lire dans le dossier de presse, joint à la présentation du PLF pour 2022. « Ces dernières bénéficient du rebond de la fiscalité locale, d’une progression des concours financiers de l’État s’agissant notamment des dotations de soutien à l’investissement local et de mesures sectorielles de relance bénéficiant directement aux collectivités (telles que le fonds de recyclage des friches, les programmes d’inclusion numérique) ».

Une analyse qui n’est « absolument pas »  partagée par le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, pour qui, « il est clair que les finances locales ne sont pas dans la situation idyllique que le gouvernement veut nous présenter ». « Les investissements ont baissé de 12,5 % en 2020 – dont - 20 % pour le bloc communal – et l’épargne nette de 18,8 %. Au total, les collectivités ont perdu 5,1 milliards d’euros en 2020 ». 

Dotations stables 

Un dernier budget du quinquennat qui reste, toutefois, sans grande surprise pour les collectivités. Comme s’y était engagé le chef de l’Etat (en contrepartie de la maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités), la dotation globale de fonctionnement (DGF) sera maintenue à son niveau des années précédentes. Celle-ci restera donc stable à hauteur de près de 26,8 milliards d’euros, tandis que les concours financiers à destination des collectivités progresseront de 525 millions d’euros, « à la faveur de la compensation des dernières réformes de la fiscalité locale »  (sous l’effet du dynamisme de la TVA dont bénéficient les régions en remplacement de leur DGF).

Un « effet masque », analyse André Laignel qui voit dans ce PLF « un budget stagnant, ne compensant pas les charges nouvelles et les pertes de recettes depuis un an ». Il souligne également que « la fixation de la DGF ne tient pas compte de l’inflation qui entraîne une perte d’un milliard d’euros ». « Derrière une présentation qui se veut attrayante, les réalités sont plus complexes », juge ainsi le maire d’Issoudun.

A noter que les variables d'ajustement seront diminuées de 50 millions d'euros en 2022. Si le bloc communal et les départements sont épargnés, ce n'est pas le cas des régions, qui sont particulièrement irritées.

Dsil : abondement de 350 millions d'euros

Outre le maintien du niveau des dotations, Olivier Dussopt a défendu « le maintien du niveau des soutiens à l’investissement », via la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (Dsil) à hauteur de 2 milliards d’euros. 

En plus, un abondement exceptionnel de 350 millions d’euros de cette dernière viendra soutenir l’investissement local afin de financer les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), et « accompagner [les collectivités] face à l’augmentation des prix des matières premières et à une éventuelle réévaluation des montants prévisionnels des marchés publics ».

À noter qu’une réforme de la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) (qui s’établit à 212 millions d'euros) est prévue dans le but de « cibler plus efficacement les projets d’investissement des départements »  et afin qu’elle soit « intégralement attribuée par appels à projets ».

Hausse de la péréquation

Olivier Dussopt a également mis en avant l’augmentation des crédits consacrés à la politique de la ville « pour presque 50 millions d’euros »  – afin de financer « des cités éducatives, que nous avons prévu à hauteur de 200 »  – mais aussi 35 millions supplémentaires pour le Fonds national d’aménagement du territoire afin de financer « de nouvelles maisons au titre de France Service ».

Le PLF pour 2022 prévoit, par ailleurs, le doublement (de 10 à 20 millions d’euros) de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, avec « un élargissement du champ de ses bénéficiaires pour valoriser les aménités rurales ». Un soutien supplémentaire sera également accordé aux collectivités des Alpes-Maritimes sinistrées par la tempête Alex en dotant le fonds exceptionnel de reconstruction de 66 millions d’euros supplémentaires (qui s’élève à 150 millions d’euros). Une expérimentation de la recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) est également prévue pour les départements volontaires.

Afin de porter « une attention particulière »  aux collectivités les plus fragiles, le ministre des Comptes publics a souligné, côté péréquation, « l’augmentation des crédits de dotation de solidarité urbaine et rurale »  de 95 millions d’euros chacune (contre 90 millions d’euros l’an passé), mais aussi des départements qui voient leurs dotations de péréquation augmenter de 10 millions d’euros (comme l’an passé). Des augmentations financées en interne par les collectivités. Le niveau de la péréquation en faveur des outre-mer devrait aussi « sensiblement augmenter », à hauteur de 46 millions d’euros (118 millions d’euros en 2022).

Indicateurs financiers réformés

Le gouvernement a finalement décidé d’intégrer une réforme des indicateurs financiers suivant les recommandations du CFL. Il prévoit ainsi d’inclure de nouvelles impositions au potentiel fiscal (DMTO, taxe sur les pylônes…) et propose, notamment, de simplifier et recentrer sur les communes le calcul de l’effort fiscal.

« Une maigre consolation »  pour André Laignel, qui explique que ce « travail est défensif, il empêche des catastrophes et un recul majeur de dotations ». Celui-ci fera des propositions en 2022 pour « une vraie réforme en profondeur ».

Pas de réforme de l’Ifer « à ce stade » 

« En réponse à un certain nombre d’inquiétudes qui ont été exprimées », le gouvernement a également décidé de ne pas inscrire la réforme annoncée de l’Ifer (imposition forfaitaire des entreprises de réseau). Selon Olivier Dussopt, elle « n’a pas de caractère urgent », bien que celui-ci ait assuré vouloir toujours « travailler avec les opérateurs et les collectivités ».

« C’est un sujet qui comporte une certaine complexité technique sur lequel il faut bien mesurer les différents effets de bord », a-t-on détaillé du côté de Bercy. « À ce stade, il n’a pas été décidé de proposer de modifications dans ce PLF, mais, évidemment, si les parlementaires proposent des amendements, on regardera ce qu’il est possible de faire ».

Une éventualité redoutée par le président du CFL : « Beaucoup d’amendements vont être présentés. Les plus optimistes pensent qu’il y aura de bonnes surprises, les réalistes en doutent ».

Les contrats de Cahors pas réactivés

La question pourrait également se poser pour les contrats de Cahors. « C’est un bon outil qui a bien fonctionné, mais il n’est pas d’actualité, aujourd’hui, de les renouveler car on sort d’une période de crise », a assuré Bercy qui estime qu’il n’y a « pas de dérapage observé [du côté des collectivités], donc pas d’inquiétude particulière ».

En parallèle, Bruno Le Maire a défendu « une règle pluriannuelle de dépenses publiques qui doit avoir valeur constitutionnelle ». Selon lui, « c’est la seule façon de garantir des choix démocratiques en matière de dépenses et d’éviter le toujours plus pour aller vers de véritables choix politiques en matière de dépenses publiques ».

Critique du Haut conseil des finances publiques

Fait important, l'exécutif n'a pas encore arbitré deux mesures phares attendues: le plan d'investissement et le revenu d'engagement pour les jeunes, ce qui lui a valu les critiques du Haut conseil des finances publiques (HCFP). De ce fait, ce dernier considère qu’il n’a pu rendre un avis « pleinement éclairé »  et « regrette ces conditions de saisines ». Il juge donc ne pas être « à ce stade en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 ».

En effet, le premier plan devrait s’élever à environ 30 milliards d'euros. Il vise à investir dans des filières d'avenir et innovantes, comme l'hydrogène, les biotechnologies, les batteries électriques ou les semi-conducteurs. Emmanuel Macron devait le dévoiler initialement début septembre, mais sa présentation a été reportée à la mi-octobre. 

La deuxième mesure vise à accompagner ceux qui n'ont ni emploi, ni formation, et qui en échange d'un engagement recevront un revenu, probablement autour de 500 euros. Le coût est estimé à 2 milliards d'euros par an, selon le ministère du Travail.

Bruno Le Maire a assuré qu’il y a « bien une sincérité totale du gouvernement sur ces choix budgétaires et sur les deux éléments que nous laissons pour le moment de côté ».

De son côté, le Haut conseil réclame une deuxième saisine lorsque le projet de budget sera bouclé : « Si, comme il est vraisemblable, le scénario macroéconomique et de finances publiques était modifié pour prendre en compte ces mesures, une nouvelle saisine du Haut Conseil par le gouvernement serait alors nécessaire ».


Consulter le PLF pour 2022.
 

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