Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 1er décembre 2022
Budget de l'état

Budget 2023 : très critique, le Sénat réajuste les dotations consacrées aux collectivités    

Pointant un « climat de défiance » entre l'État et ses territoires, les sénateurs ont accueilli fraîchement la toute nouvelle ministre chargée des Collectivités. Ils reprochent notamment au gouvernement de vouloir supprimer le critère de la longueur de voirie sur la dotation de solidarité rurale.

Par A.W.

« Bienvenue dans la chambre des territoires, madame la ministre ! Ce soir, vous repartirez armée... Les élus locaux sont inquiets. »  Accueillie à la chambre haute par la sénatrice d'Ille-et-Vilaine Françoise Gatel (Union centriste), la toute nouvelle ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a pu prendre la mesure de son nouveau portefeuille, hier, en venant défendre un budget qui ne lui a été attribué que 48 heures plus tôt, en remplacement de Caroline Cayeux

« Les collectivités territoriales ne sont pas une caisse de charité ni un problème, mais une solution », lui a d’ailleurs d’emblée rappelé l’élue bretonne, avant que les sénateurs adoptent cette « mission », en première lecture, en y intégrant toute une série d’ajouts concernant aussi bien la dotation d’intercommunalité, la DETR ou encore la Dsil. En attendant l’examen de l’article consacré aux « contrats de confiance », qui prévoit d’imposer un encadrement des dépenses de fonctionnement, le sénateur centriste de Haute-Savoie Loïc Hervé a dénoncé un « inutile climat de défiance ».

Baisse du budget

Rappelant la baisse de plus de 630 millions d’euros des crédits consacrés au budget des collectivités, le rapporteur spécial Claude Raynal (PS) a pointé une « diminution en autorisations d'engagement », conséquence « d'un effet de périmètre, avec l'extinction de dispositifs ponctuels et la non-reconduction d'abondements exceptionnels ». Or, « l'inflation a atteint un niveau historique en 2022 et devrait se poursuivre en 2023 », a appuyé, de son côté, l'autre rapporteur Charles Guené (LR) prévenant d’un « effet ciseau »  attendu l’an prochain qui « pourrait engendrer un repli de l'autofinancement et de l'investissement des collectivités ».

Assurant d’un « soutien sans faille aux élus locaux et aux territoires face à des défis inédits », Dominique Faure a souligné que « cette mission démontre que l'État accompagne toutes les collectivités territoriales à la fois dans l'urgence, mais aussi à long terme, sans en laisser aucune de côté ». « L'État est au rendez-vous […] nous avons trouvé le bon équilibre », a fait valoir la ministre, listant le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, l'amortisseur électrique, mais aussi l'augmentation « inédite »  de 320 millions d'euros de la DGF. 

Sur ce point, on peut noter l’amendement du sénateur centriste de l’Eure Hervé Maurey qui prévoit d'« augment[er] la dotation aux communes rurales »  en réduisant « l’inégalité »  existant entre elles et les communes urbaines dans la répartition de la DGF. Cette mesure porterait ainsi « la dotation versée aux communes de moins de 500 habitants de 64 euros à 96 euros, pour tout nouvel habitant ».

DSR : « Pour relier une ferme au bourg, il y a des routes ! » 

Mais c’est un sujet beaucoup plus terre-à-terre, bien que financier, qui a particulièrement irrité les sénateurs : la dotation de solidarité rurale (DSR). Et plus précisément, la suppression annoncée par le gouvernement du critère de voirie dans le calcul de répartition de cette dotation, pour le remplacer par un indicateur « extrêmement compliqué »  qui « pénaliserait les petites communes rurales ». « Prendre en compte le critère de densité de population revient à favoriser les communes les plus urbanisées », a déploré Patrice Joly, sénateur socialiste de la Nièvre.

« Madame la ministre, pardonnez-moi, mais on ne va pas vous décrire ce qu’est la ruralité ! », a tonné Françoise Gatel, suivie sur ce point par nombre de sénateurs. « Est-ce qu’on peut se parler en français ? […] La ruralité se caractérise par un habitat dispersé, très étendu, parce qu’il y a des fermes. Et donc pour rejoindre la ferme au bourg, il y a des routes », a rappelé, exaspérée, la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, estimant que le « seul critère sur la DSR qui est vraiment rural, c’est la longueur de voirie. Plus vous êtes petit, plus vous [en] avez, et il n’y a aucune subvention sur la voirie ». 

Ce « bricolage »  masquerait ainsi, à ses yeux, « un vice caché »  dans une dotation « ciblée et claire ». « C’est tellement flou qu’il y a plusieurs loups dans cette affaire », a-t-elle renchéri, ajoutant : « La voirie dépend de la déclaration des élus ruraux, mais, madame la ministre, ils sont allés à l’école les maires ruraux, ils savent mesurer une longueur de voirie ! Si l’administration n’a pas confiance, qu’elle envoie un contrôleur ! » 

Résultat, le critère de voirie a été réintroduit par les sénateurs, avec un avis défavorable du gouvernement. 

DETR et Dsil : le « caractère écologique »  d’un projet supprimé

Sur la question des dotations d’investissement, les sénateurs ont également adopté plusieurs amendements visant la DETR et la Dsil, mais là aussi avec l’avis défavorable du gouvernement. Ils pourraient donc ne pas être retenus dans la version définitive du texte.

Ils ont ainsi rejeté l’ajout d’un nouveau critère fondé sur le caractère écologique des projets dans la détermination par les préfets du taux de subventionnement des attributions de DETR et de Dsil. « Particulièrement vague », il pourrait s’avérer « inopérant », selon les auteurs de l’amendement.

La chambre haute a également mis fin à une « doctrine purement administrative »  en fixant « un principe législatif selon lequel une collectivité territoriale ne peut se voir exclure du bénéfice d’une dotation d’investissement au seul motif qu’elle ne s’inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l’État ». 

Alors que « certaines communes se voient refuser le bénéfice de la DETR au motif que le coût de leur projet n’est pas suffisamment élevé », les sénateurs ont décidé d’interdire aux préfets de fixer « un montant minimal de dépenses subventionnables en-dessous duquel les communes ne peuvent solliciter »  la dotation.

Ils ont également choisi de recentrer l'éligibilité à la DETR sur les communes denses ou très peu denses, de l’exclure pour les communes membres de métropoles, tout en renforçant « l’information des membres de la commission DETR sur les demandes de subvention éligibles mais finalement non retenues ».

Autant de modifications qui n’ont donc pas trouvé l’aval de l’exécutif.

Déplafonnement de la dotation d’intercommunalité

Le gouvernement s’est toutefois prononcé favorablement – ou a laissé au Sénat « la sagesse »  de décider – sur plusieurs autres amendements, ceux-ci ayant donc des chances d’être maintenus dans la version finale du budget 2023.

Le déplafonnement, pour l’année 2023, de la dotation d'intercommunalité pour les intercommunalités les plus fragiles a ainsi été validé « afin de réduire l’écart de dotation d’intercommunalité par habitant ». Mais sous certaines conditions : être une communauté de communes, regrouper moins de 20 001 habitants et remplir des critères de potentiel fiscal et de dotation par habitant définis. « 54 communautés de communes »  seraient ainsi concernées. À noter également, l'adoption d'une garantie de non-baisse de la dotation d'intercommunalité en 2023 et 2024, qui n'a cependant pas reçu d'avis favorable de la part de l’exécutif.

Autre garantie, cette fois soutenue par ce dernier, celle du maintien de la DPEL à toutes les communes nouvelles et pas seulement celles déléguées. 

En outre, le Sénat a décidé de fixer à 3 000 euros le plancher d’attribution au titre de chacune des fractions de la dotation « biodiversité ». Cet amendement confirme également l’élargissement, déjà adopté à l’Assemblée nationale, au profit des communes hors zone de cœur, et signataires de la charte d’un parc national. « L’objectif est d’assurer une égalité de traitement entre toutes les communes situées dans un parc national et de poursuivre le mouvement de verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités locales », selon l’exposé des motifs de l’amendement

Afin de financer ces mesures d’élargissement, l’amendement s’accompagne d’une augmentation des crédits de la dotation « biodiversité », à hauteur de 7,3 millions d’euros.

Consulter le PLF 2023.
 

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