Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 11 décembre 2025
Budget de l'état

Budget 2026 : sans entrain, les sénateurs votent la « prime régalienne » destinée aux maires 

Promise par Sébastien Lecornu mais accueillie fraîchement par les maires, cette prime de 500 euros vise à compenser – très partiellement – le temps passé par ces derniers à agir en tant qu'agents de l'État. S'ils l'ont approuvée, les sénateurs l'ont jugée largement insuffisante, si ce n'est « méprisante ».

Par Aurélien Wälti

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La mesure n’a pas franchement fait pousser des cris d'enthousiasme aux sénateurs, certains l’ont même trouvé « humiliante », d’autres y voyant une forme de « provocation ». Mais malgré les critiques unanimes, la « chambre des territoires »  s’est résolue à voter la « prime régalienne »  promise aux maires par Sébastien Lecornu. Et ce, à l’issue de plusieurs heures de discussions sur le budget consacré aux collectivités territoriales, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Ce sont donc, en tout et pour tout, « 500 euros net »  par an qui pourraient être adressés aux édiles dès l’an prochain dans le but de compenser le temps qu’ils passent à agir en tant qu’agents de l’État. Rien n’est encore totalement ficelé puisque les députés devront, à leur tour, approuver cette mesure pour espérer qu’elle voie le jour. Sans compter qu’elle reste conditionnée à l'approbation globale du projet de budget, dont le destin reste là aussi encore bien incertain.

Versement annuel via une dotation

En attendant, c’est l’exécutif qui a déposé, lui-même, deux amendements pour que cet engagement du Premier ministre – qu’il a exprimé en septembre dans une lettre aux maires avant de le renouveler lors de leur congrès en novembre – puisse se concrétiser dès l’an prochain. 

Il s'agit de « sécuriser [la] capacité [des maires] à prendre un certain nombre d'actes au nom de l'État », avait ainsi expliqué Sébastien Lecornu en clôture du dernier rendez-vous annuel des maires. Dans le détail, le gouvernement prévoit ainsi de créer une prime de « reconnaissance des fonctions d'agent de l'État »  au regard des missions que les maires « assument pour son compte sur l’ensemble du territoire de la République ».

Une reconnaissance qui se traduirait par un « versement annuel »  d'un montant de 554 euros et qui représenterait quelque 19 millions d’euros pour les finances du pays. « Cette dotation prendra la forme d’un versement aux communes un peu supérieur à 500 euros pour que les communes puissent s’acquitter de la CSG [notamment]. Et ensuite la commune versera à chaque maire cette dotation de 500 euros », a indiqué dans l’hémicycle la ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel.

Une « reconnaissance »  accueillie plutôt fraîchement par les élus locaux. D’autant que ces derniers se rappellent sûrement qu'il y a deux ans la même Françoise Gatel – alors sénatrice – recommandait, dans un rapport corédigé avec son collègue Éric Kerrouche, de mettre en place une indemnité compensatrice – distincte de la dotation « élu local »  ou DPEL – s’élevant à « 10 % du plafond indemnitaire du maire ». « Le maire ne saurait être un passager clandestin de l’État », disaient alors les deux sénateurs. Le coût était estimé, pour le budget de l’État, à environ 63 millions d’euros. Trois fois plus donc que la prime régalienne actuelle proposée par Sébastien Lecornu. 

« Est-ce une prime de Noël ? » 

Dans l’hémicycle, hier, la mesure a toutefois été adoptée sans problème par la Chambre haute, mais avec un manque d’enthousiasme particulièrement marqué, bien qu'elle ait été « saluée »  par le rapporteur spécial de la mission sur les collectivités. Des LR aux communistes, en passant par les socialistes et les macronistes, aucun sénateur n’a réellement endossé cette mesure qualifiée d’« effet de manche »  ou d’« opération de communication »  du gouvernement… mais la plupart d'entre eux l'ont finalement votée.

Considérés comme « pas à la hauteur », « pas adaptés »  et « inopportuns », ces 500 euros annuels ont été perçus par beaucoup de sénateurs comme une « sorte de prime de fin d’année »  voire une « prime de Noël »  – à la fois « méprisante »  et « humiliante »  – adressée à des maires qui pourraient y voir « une forme de provocation ». « N'est-ce pas une forme de mépris ? Ou est-ce simplement une maladresse ? », s’est notamment interrogé le sénateur centriste de la Moselle, Jean-Marie Mizzon, avant de résumer son sentiment : « En voulant bien faire, le Premier ministre aurait-il mal agi ? » 

Si plusieurs sénateurs ont estimé que les maires « ne font pas l’aumône », d'autres ont toutefois reconnu que « c'est toujours mieux que [rien, voire même que] moins », la mesure ayant le mérite d'exister. Surtout, certains ont fait valoir que les élus demandent avant tout une réelle « reconnaissance »  de leur action et qu'on « cesse de les rendre responsables du déficit »  du pays. « Les maires attendent qu'on les accompagne dans l'exercice de leurs missions : ils souhaitent bénéficier de l'ingénierie, pour trouver des financements, par exemple », a défendu le sénateur écologiste de l'Isère Guillaume Gontard.

Quelle « reconnaissance »  pour les adjoints ?

En outre, « une prime identique pour tout le monde n'est pas très juste : ce n'est pas la même chose d'être maire d'une grande ville – et de disposer des services – que d'être maire d'une commune de 200 habitants », a déploré ce dernier. « Cela suppose de connaître la quantité de travail effectuée par les maires au titre de leur fonction d'agent de l'État », a confirmé le sénateur socialiste des Landes Éric Kerrouche, jugeant la mesure « au mieux […] maladroite ».

Son homologue du Nord, Patrick Kanner, a lui pointé le problème d’une « reconnaissance »  des adjoints – eux aussi agents de l'État par délégation – car « ce sont [eux] qui assurent les mariages et font les gardes de nuit pour les placements d'office ». « Mais vous n'avez pas l'intention d'indemniser tous les adjoints au maire ! », a dénoncé l’ancien ministre.

Face à ce tir de barrage généralisé, Françoise Gatel a tenté de défendre sa mesure. « Nous pourrions faire comme l'Allemagne et la Pologne et fonctionnariser les maires. La France a choisi un autre modèle, considérant qu'être maire, c'est un engagement citoyen », a-t-elle rappelé.

« Si vous êtes républicain, comme moi, nous pourrions choisir de la verser le 14 juillet », a-t-elle lancé, considérant « excessif »  et « caricatural »  la posture de certains sénateurs. « J’ai entendu aussi certains maires dire que c’est de l’aumône, mais j’en ai entendu d’autres dire que c’est un signe de reconnaissance », a-t-elle ajouté, estimant ainsi que cette prime serait bien accueillie par une partie des élus locaux. Pour preuve, « au congrès des maires […] le Premier ministre a été applaudi ». Réponse du sénateur centriste de la Haute-Savoie, Loïc Hervé : « Les maires sont polis ! ».

 

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