Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 octobre 2025
Finances locales

Budget 2026 : quel aurait été le coût du projet de François Bayrou pour chaque intercommunalité ?

Des recettes de fonctionnement amputées de 5,6 % en moyenne et plus de 400 établissements soumis au Dilico. Intercommunalités de France vient de publier une estimation des ponctions voulues par le prédécesseur de Sébastien Lecornu pour 2026, alors que l'on ne connaît toujours pas les intentions du nouveau Premier ministre en la matière.

Par A.W.

Quel aurait été le coût, pour les collectivités, si le projet de budget de François Bayrou avait été à son terme? Au moment où le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, vient d’annoncer la mise en place d’une « nouvelle méthode de partage du pouvoir »  pour « bâtir des compromis »  au Parlement, Intercommunalités de France vient de faire une estimation détaillée, EPCI par EPCI (mais aussi commune par commune), des conséquences des « mesures d'économies »  voulues par son prédécesseur.

Contribution « inédite »  du bloc communal

Et celle-ci prévient d'emblée : si le futur gouvernement envisageait de présenter « la même copie »  dans les jours qui viennent, « ceci mettrait en jeu [la] santé financière »  des collectivités, « leur capacité d’investissement, et même pour beaucoup leurs services publics ». Les communes et intercommunalités, « en particulier », seraient mises à contribution « de manière inédite ».

L’association pointe ainsi le poids disproportionné du bloc communal dans l’effort global des collectivités souhaité par François Bayrou. Selon elle, « plus d’un tiers (34 %) de l’effort reposerait sur les intercommunalités alors qu’elles ne représentent que 20 % de la dépense publique locale. En prenant en compte les communes, le bloc local serait mis à contribution à hauteur de deux tiers (66 %) du total de l’effort demandé aux collectivités ».

Afin de visualiser ce poids sur les finances de chaque intercommunalité, l’association présente une carte interactive réalisée en prenant en compte « quatre mesures de prélèvement sur les recettes de fonctionnement »  des EPCI : le doublement du dispositif de mise en réserve « Dilico », le gel partiel de la TVA, la baisse des compensations d’exonération d’impôts fonciers sur les locaux industriels ainsi que la minoration d'un ensemble de dotations appelées « variables d’ajustement »  (notamment la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle).

L’association prévient, toutefois, que les estimations « pourront faire l’objet d’évolution et de réajustements »  puisqu’elles « ont été réalisées à partir d’hypothèses et sur la base des informations disponibles à la date de réalisation de la carte ». 

D’ailleurs, l’AMF juge ce matin que ces estimations méritent d’être prises « avec beaucoup de précautions quant à leur pertinence », l’association des maires n’ayant à ce stade - et « tant que les règles ne sont pas écrites »  - pas lancé de simulations pour sa part.

Dilico : plus de 400 intercos prélevées

Pour les auteurs de ces estimations, le coût du projet de budget présenté par François Bayrou s’élèverait à 2,3 milliards d'euros pour les intercommunalités. Selon Intercommunalités de France, les communes contribueraient à hauteur de 2,1 milliards d’euros, quand les régions et départements perdraient respectivement 1,2 milliard d’euros et 1 milliard d’euros dans l’affaire.

La ponction totale voulue par l’ancien Premier ministre sur les collectivités aurait ainsi été de 6,6 milliards d’euros en 2026, selon les calculs de l'association, et non pas de 5,3 milliards d’euros comme annoncé en juillet par le maire de Pau. Une somme toutefois encore assez éloignée des près de « 10 milliards d’euros »  évalués par le président du Comité des finances locales, André Laignel, durant l’été. 

En prenant en compte les hausses de cotisations à la caisse de retraite des agents publics (CNRACL), l’association estime que les collectivités auraient été prélevées « à hauteur de 2,8 % de leurs recettes de fonctionnement ». « Pour les intercommunalités, c’est même 5,6 % de leurs recettes qu’elles verraient amputées », assure-t-elle en dénonçant au passage le potentiel doublement du Dilico en 2026 (à hauteur de 2 milliards d’euros), cette épargne forcée qui frappe déjà plus de 2 000 collectivités. 

Dans ce contexte, le budget de François Bayrou aurait fait « monter à plus de 400 le nombre d’intercommunalités concernées [contre quelque 140 cette année, ndlr], sur les quelque 1 250 qui couvrent le territoire ». Alors même que la Cour des comptes vient de critiquer, en début de semaine, ce fameux « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités ». 

Jusqu’à 20 % des recettes amputées

Si, dans leur ensemble, les intercommunalités auraient été amputées de 5,6 % de leurs recettes, au niveau individuel les contributions auraient grandement varié d’un EPCI à l’autre.

La Communauté de communes des Falaises du Talou, proche de Dieppe en Seine-Maritime, qui regroupe 24 communes et près de 24 000 habitants, aurait ainsi été la plus impactée en proportion de ses ressources avec une contribution représentant 20,5 % de ses recettes réelles de fonctionnement. Pour un montant de 3,81 millions d’euros. 

Auraient suivi la Communauté de communes du Montbardois, en Côte-d’Or, et celle de Vienne et Gartempe, dans la Vienne, avec respectivement 14,5 % (292 000 euros) et 13,9 % (2,63 millions) de leurs recettes amputées.

À l’inverse, certaines intercommunalités seraient passées à travers les mailles du filet ou presque. C’est le cas, par exemple, de certains établissements publics territoriaux parisiens qui n’auraient pas été ponctionnés, mais aussi de la communauté de communes Causses Aigoual Cévennes, dans le Gard, et celle du Causse de Labastide-Murat, dans le Lot, avec respectivement 0,1 % et 0,2 % de leurs recettes amputées (soit 6 000 et 7 000 euros). Plusieurs intercommunalités corses se seraient vu également prélever 0,1 % – ou moins – de leurs recettes de fonctionnement.

Les territoires industriels « particulièrement touchés » 

À l’échelle communale, les grandes villes présentent sans surprise les montants les plus élevés. Mais certaines plus petites auraient été fortement impactées, selon les données de l’association. C’est le cas de Saint-Avold et ses 15 000 habitants, en Moselle, avec un coût estimé des mesures de François Bayrou à 1,46 million d’euros. Trois fois plus que le chef-lieu du département, Metz. 

Même chose pour Billy-Berclau et ses 5 000 habitants, dans le Pas-de-Calais, avec un coût de 1,08 million d’euros, contre moins de 150 000 pour Arras, le chef-lieu. On pourrait également citer Le Port et ses 30 000 habitants, à La Réunion, avec 1,63 million d’euros contre, 70 000 euros pour Saint-Denis.

« Les mesures d’impact envisagées, et en particulier les allocations compensatrices relevant [des] "locaux industriels", font que beaucoup de territoires industriels ou anciennement industriels seront particulièrement touchés », constate Intercommunalités de France qui regrette que cette mesure soit « en contradiction totale avec l’objectif de réindustrialisation du pays ».

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2