Budget 2026 : la bataille des amendements commence sur le très critiqué Dilico
Par A.W.

Il restera comme le premier amendement adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Le fameux « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités » (Dilico) s’est d’emblée retrouvé, hier, au cœur du débat budgétaire. Même très brièvement, et alors que les députés réunis en commission venaient à peine d’entamer l’examen au pas de charge des quelque 1 800 amendements déposés.
Comme l’an passé, c’est l’ancien rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale redevenu depuis quelques jours simple député, Charles de Courson (Liot), qui a dégainé un amendement technique sur ce système instauré en 2025, mais qui serait doublé en 2026 – passant de 1 à 2 milliards d’euros – et étendu à davantage de collectivités – autour de 4 000 communes notamment, contre 1 900 actuellement.
« Insécurité juridique » des collectivités
Or les contours de ce prélèvement sur une partie des collectivités restent toujours flous, aux yeux du député de la Marne, qui l’avait qualifié l’an passé – avant qu’il soit remanié – d’« OFNI », « un objet financier non identifié ».
« Le problème est [de savoir] quelle est la nature du Dilico », a ainsi expliqué Charles de Courson. « En 2025, ce prélèvement sur les collectivités a été considéré comme une recette de l’État remboursable [aux collectivités]. Moi, il me semble que c’est plutôt un emprunt forcé et qu’il ne devrait pas figurer en recette du budget général, mais plutôt dans un compte financier », a fait valoir succinctement le député, en réclamant au gouvernement des « précisions » sur la « nature juridique du Dilico ». « S’agit-il d’une imposition de toute nature ? », s’interroge-t-il, dans l’exposé des motifs de son amendement.
Une démarche soutenue par le député LR des Hauts-de-Seine, Jean-Didier Berger, qui a souligné que « les collectivités sont soumises à beaucoup d’incertitudes, à beaucoup d’insécurité juridique, à beaucoup de zones grises. Et je crois qu’il est important pour elles de savoir de quoi on parle exactement ».
Bien que le nouveau rapporteur général du budget, Philippe Juvin (LR), s’est, lui, opposé à l’amendement de son prédécesseur (parce que la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, n’était « pas présente en commission » pour y répondre) et lui a « suggéré » de reposer la question « en séance », celui-ci a été adopté par la commission.
Reversement conditionné
La question est d’autant plus importante que c’est sur ce dispositif que porterait, en grande partie, l’effort des collectivités l’an prochain en plus d'un gel de la DGF et d'une nouvelle réduction du Fonds vert. Un effort évalué officiellement à 4,6 milliards d'euros. Plus de 8 milliards d'euros, selon les représentants des élus.
Sans compter que les modalités du nouveau Dilico divergent de sa version actuelle. D’abord, les sommes prélevées aux collectivités seraient dorénavant reversées sur cinq ans et non plus sur trois, comme dans le Dilico de 2025.
Mais surtout, les contributions ne seront reversées que si globalement, l’évolution des dépenses sont inférieures à celle du PIB. L’analyse de l’évolutions des dépenses se ferait à l’échelle des contributeurs de chaque catégorie de collectivités locales. Ainsi, dans le cas où les dépenses d’une catégorie de contributeurs excède l’évolution du PIB en valeur, majorée d’un point de pourcentage, « on ne remboursera rien [à personne et] il y aura une peine collective », comme l’avait dénoncé la semaine dernière, le président du Comité des finances locales (CFL) André Laignel.
C’est « une méthode totalement inacceptable », avait ainsi fustigé le maire d’Issoudun, jugeant que les nouvelles conditions introduites par le gouvernement relèvent désormais « du même type de contraintes que les contrats de Cahors ».
Élus régionaux : suppression d’un avantage fiscal
Toujours du côté des collectivités, les députés ont décidé d’adopter un amendement du député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy (RN), afin d’exclure « explicitement » les conseillers régionaux du bénéfice d’une exonération fiscale.
« Depuis 2019, l’avantage fiscal dont bénéficie les élus locaux est indexé directement sur l’indice brut terminal de la fonction publique, et évolue ainsi en fonction de sa revalorisation. Cette réforme avait pour but de revaloriser la fonction d’élu local des petites communes », a rappelé le député, lui-même conseiller régional des Hauts-de-France, dans l’exposé des motifs de son amendement. Or, celle-ci s’applique également aux conseillers régionaux, « non visés dans l’esprit du texte ».
Si cette « niche fiscale » est justifiée pour « les élus ruraux qui engagent beaucoup de frais alors qu’ils ont de très faibles indemnités », Jean-Philippe Tanguy a estimé, en commission, que ce n’est pas le cas pour les conseillers régionaux qui n’ont que « deux ou trois réunions par mois » et une indemnité plus élevée.
« Le but est de ne pas décourager les Français à assumer des mandats électifs locaux. On a déjà du mal à trouver des candidats », a tenté de défendre le rapporteur du budget. En vain.
Taxe Zucman rejetée
Pour le reste, les députés se sont attaqués à la copie de l'exécutif, en la corrigeant parfois à l'initiative des groupes de la coalition gouvernementale. Ceux-ci ont ainsi engagé une bataille sur la fiscalité et rejeté la taxe Zucman, défendue par les groupes de gauche et qui prévoit de faire payer aux contribuables ayant au moins 100 millions d'euros de patrimoine un impôt minimum de 2 %, y compris sur le patrimoine professionnel.
Si des députés macronistes ont échoué à supprimer la reconduction partielle en 2026 d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, ils ont réussi à exclure de son périmètre les entreprises de taille intermédiaire (ETI). La taxe prévue sur le patrimoine financier des holdings détenant au moins 5 millions d'euros d'actifs (et parfois utilisées pour contourner l'impôt) a été totalement remaniée par un amendement des Républicains. Adopté dans la confusion, celui-ci prévoit plutôt de taxer les holdings lorsque leur propriétaire décède.
La gauche a, pour sa part, fait voter des amendements rétablissant « l'exit tax » dans le but de freiner l'évasion fiscale des entrepreneurs. Une série de mesures controversées ont également été supprimées, telles que la fiscalisation des indemnités journalières pour affection longue durée ou l'extinction d'une réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement secondaire et supérieur.
Reste que, deux heures après le début des débats, le député Renaissance du Maine-et-Loire, Denis Masseglia, alertait sur le fait que les députés étaient « déjà à plus de 10 milliards d’euros de demandes de dépenses en plus à un moment où il faut que l’on fasse des économies ».
L’adoption de ces amendements n’aura, cependant, aucun effet sur le projet de budget puisque les députés devront repartir du texte initial du gouvernement, comme toujours pour les textes budgétaires. En parallèle, l'Assemblée nationale s'empare aujourd’hui, en commission, d’un projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 qui s’annonce explosif, entre des économies exceptionnellement fortes et la suspension annoncée de l'impopulaire réforme des retraites.
Tout cela dans un contexte où les députés doivent travailler sous la pression des délais constitutionnels (ils ont 70 jours pour adopter le budget de l'État et 50 jours pour celui de la Sécurité sociale). S’ils ne les respectent pas, les projets de budgets pourraient passer par voie d'ordonnances.
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