Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 6 décembre 2023
Budget de l'état

Budget 2024 : deux rallonges pour les mineurs non accompagnés et les épiceries solidaires adoptées au Sénat 

Ces deux mesures ont été soutenues par le gouvernement, contrairement à l'enveloppe de 9 millions d'euros supplémentaires alloués à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » et la réduction d'un tiers des crédits de l'AME.

Par A.W.

[Article modifié le 7 décembre 2023 à 7:52]

Le gouvernement a entendu l’inquiétude des départements, hier, à l’occasion de l’examen des crédits consacrés la solidarité, mais aussi au travail et à la santé, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Il a ainsi fait adopter un de ses amendements visant à rehausser sa contribution au financement des mineurs non accompagnés (MNA), pour porter à 100 millions d’euros l’enveloppe des crédits dédiés.

Mineurs non accompagnés : 32 millions d’euros supplémentaires

Une augmentation de plus de 32 millions d'euros donc qui n’est pas une surprise puisque Élisabeth Borne l’avait annoncée il y a un mois, à l’occasion des Assises des départements de France

La baisse de 22 millions d’euros du soutien de l’État aux départements s’annonçait « inquiétante », a rappelé le sénateur du Pas-de-Calais Christopher Szczurek (Indépendants), « d’autant qu’elle est liée à la loi Immigration, non encore votée, et que les départements sont pris à la gorge ». Ceux-ci constatant déjà « une augmentation des dépenses de 15 % », selon la sénatrice centriste de l’Essonne Jocelyne Guidez.

« Les premières estimations avaient été faites sur l’année précédente. Face à l’augmentation nette des flux [de mineurs non accompagnés] cet été, l’abondement s’imposait », a reconnu la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel, qui a rappelé au passage l’apport de la part de l’exécutif de « 50 millions pour les jeunes majeurs »  sortant de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Un quart des épiceries solidaires en difficulté

Sénateurs et gouvernement se sont également mis d’accord pour octroyer 2 millions d'euros supplémentaires pour le crédit national des épiceries solidaires (CNES), dont le budget n’a « pas été abondé depuis 2014 », a rappelé la sénatrice socialiste du Puy-de-Dôme Marion Canalès. 

Des crédits qui seront donc « utiles », a souscrit la ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé. D’autant que le secteur rencontre de sérieuses « difficultés, liées à la hausse des prix et à l’augmentation du nombre de bénéficiaires ». Pourtant jugées « essentielles »  pour lutter contre la précarité alimentaire, « un quart de ces structures sont en déficit en 2023 », a souligné le sénateur de l’Yonne Jean-Baptiste Lemoyne (RE).

Territoires zéro chômeur : divergence sur l’estimation des besoins

D’autres mesures importantes n’ont, cependant, pas reçu l’aval du gouvernement. En premier lieu, l’abondement de 9 millions d'euros supplémentaires destiné à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée »  (TZCLD). 

Pour rappel, une rallonge de 11 millions d’euros supplémentaires a déjà été retenue par l’exécutif lors du déclenchement du « 49.3 »  à l’Assemblée, en première lecture, portant les crédits dédiés à l’expérimentation à hauteur de 80 millions d’euros.

Prolongée jusqu’en 2026, celle-ci doit toutefois « concerner 60 territoires, voire davantage », a rappelé Ghislaine Senée. « En cohérence avec cette montée en charge, les moyens alloués progressent de 53,3 %, mais cette hausse pourrait ne pas être suffisante », a estimé la sénatrice écologiste des Yvelines, à l’origine de l’un des nombreux amendements proposant un abondement supplémentaire de 9 millions d'euros « pour correspondre aux besoins estimés à 89 millions ».

« L’association Territoire zéro chômeur de longue durée s’est félicitée »  de la première rallonge de 11 millions d’euros, a rétorqué le ministre du Travail, Olivier Dussopt, mettant en avant la « clause de revoyure »  qui a été prévue. « Sur les sept dernières années, le budget inscrit en loi de finances n’a jamais été consommé à plus de 70 % », a-t-il, par ailleurs pointé en insistant sur le fait que « le président du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, Louis Gallois, estime qu’avec 80 millions d’euros les engagements pour 2024 peuvent être tenus ». 

« C’est extrêmement important d’avoir les moyens pour réussir », assurait Pierre-Yves Marolleau, maire de Mauléon, dans un entretien accordé à Maire info à l’occasion du dernier congrès des maires, celui-ci ayant manifesté il y a quelques semaines devant l’Assemblée pour dénoncer un budget initial dédié à l’expérimentation insuffisant.

Un abondement de 30 millions d'euros supplémentaires a également été adopté pour le fonds de développement de l'inclusion (FDI), qui est destiné à soutenir et développer les Structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Alors qu’« aucune dotation n’est prévue au titre du FDI pour 2024 », cette mesure permettrait de « maintenir le même montant qu’en 2023 ».

Réseaux électriques : un « effort »  demandé en milieu rural

A noter qu’un amendement d'appel de 1,5 million d'euros a été adopté par les sénateurs pour demander au gouvernement - opposé à cet amendement - de revaloriser les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) dédié au financement des aides aux collectivités pour l’électrification (FACE) afin « qu’ils soient équivalents aux crédits qui existaient entre 2012 et 2017, soit 377 millions d’euros ».

« Si l’électrification des campagnes est achevée en métropole depuis longtemps, la persistance de fragilités spécifique en milieu rural, comme, par exemple, les coupures d’électricité plus fréquentes et plus longues ou encore tenue de l’onde de tension moins stable, justifie un effort en particulier d’investissement dans les réseaux électriques de ces territoires », a justifié le sénateur LR du Cantal Stéphane Sautarel. 

AME : minoration d’un tiers des crédits

Dans la continuité de sa position sur le projet de loi immigration, le Sénat a aussi maintenu sa suppression de l'Aide médicale d'État (AME) en minorant les crédits de ce dispositif de plus d'un tiers. 

Avançant un argument de « cohérence », le sénateur centriste de l’Essonne Vincent Delahaye a donc fait voter, contre l’avis du gouvernement, une minoration de 410 millions d'euros du budget de l'AME pour 2024, en vue de l'adapter au périmètre de soins prévu par le dispositif sénatorial d'Aide médicale d'urgence (AMU), adopté début novembre par la chambre haute.

« Le législateur doit être en cohérence non pas avec ses opinions personnelles, mais avec la loi. L’AMU n’est pas la loi, et ne le deviendra sans doute pas », a déploré de son côté le sénateur socialiste de Paris Bernard Jomier, faisant référence au fait que le parcours législatif de la loi Immigration n’est pas terminé.

Alors que Vincent Delahaye juge l’AME « non maîtrisée », un rapport publié lundi assure le contraire et affirme que ce mécanisme d'aide médicale pour les étrangers sans papiers est un « dispositif sanitaire utile »  et « globalement maîtrisé »  (bien que « perfectible »  et méritant « d’être adapté » ). Ce travail réalisé par l'ancien ministre Claude Evin (PS) et l'ex-préfet Patrick Stefanini (LR) n'a pas détourné les sénateurs de leur objectif sur ce volet polémique des dépenses de santé. 
 

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