Maire-info
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Édition du mardi 1er février 2022
Biodiversité

Plantes exotiques invasives : les voies d'eau particulièrement touchées en France

Les Voies navigables de France (VNF) et l'Office français de la biodiversité (OFB) ont organisé hier des Assises nationales autour du sujet des plantes exotiques envahissantes dans les voies d'eau en France. Les élus et spécialistes présents ont insisté sur l'urgence de maîtriser la prolifération de ces plantes qui menacent les territoires.

Par Lucile Bonnin

« Les espèces exotiques envahissantes sont l’une des 5 causes principales d’extinction de la biodiversité, explique Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la Biodiversité. Elles (…) se développent (…) à des rythmes souvent désastreux pour la diversité biologique des milieux. Ces atteintes représentent des coûts importants pour la collectivité. Selon les derniers travaux scientifiques publiés dans la revue Nature en 2021, le coût de ces dégâts triple chaque décennie, et a atteint 138 milliards d’euros pour la seule année 2017. » 

Ce type de plante, introduite par l’homme, appauvrit considérablement la biodiversité locale et entraîne des conséquences pour le dynamisme des territoires. Actuellement, 2 389 espèces exotiques continentales et marines ont été identifiées sur le territoire français. 

Une menace pour les territoires 

L’ennemi numéro un identifié pendant ces Assises porte le savant nom de « myriophyllum hétérophyllum ». Inscrite depuis 2014 dans le règlement européen sur les espèces invasives, cette plante ne cesse d’accroître sa présence en France. C’est notamment ce qu’observe Thierry Guimbaud, directeur général des Voies navigables de France, dans la région Grand-Est, où 300 kilomètres de voie d’eau sont infestés en 2020 contre 70 en 2017. On retrouve également cette plante dans le canal de Bourgogne par exemple ou dans celui de la Marne, du Rhin ou dans la Somme. 

Son expansion est particulièrement inquiétante pour les territoires, et ce à différentes échelles. D’abord, les conséquences sont lourdes pour les usagers des voies d’eau : sur les rivières et les canaux circulent des bateaux qui peuvent voir leur vitesse réduite et peuvent même faire face à un risque de casse des moteurs. Les kayakistes s’enlisent, les pêcheurs ne peuvent plus pratiquer et on observe dans les territoires « une mortalité piscicole anormale » .

Le tourisme fluvial est la principale victime du développement de cette menace verdâtre. Thierry Guimbaud rappelle à juste titre le poids économique de cette pratique pour les territoires, qui représente « 1 milliard 400 millions d’euros de bénéfices » 

Des solutions à court terme 

Le directeur général des Voies navigables de France insiste sur le fait que le développement de ces plantes n’est pas un problème lié à un défaut d’entretien et que « les solutions sont parfois difficiles à trouver » 

Il s'agitest avant tout de contenir au maximum le problème puisque l’éradiquer semble, pour le moment, trop complexe. Le faucardage par exemple, qui consiste à tondre le fond des eaux, est une opération très utilisée mais qui est avant tout une intervention d’urgence et non une solution pérenne. D’autant plus que, comme le rappelle Émilie Collet, responsable du bureau environnement et paysages pour VNF, « sur certains sites, il est interdit de réaliser un faucardage du fait du risque de destruction de jeunes alevins. Il est difficile de prioriser entre les différents enjeux ».

Corinne Dufaud, directrice adjointe d’une société de bateaux dans la région Bourgogne-Franche-Comté, explique comment le faucardage a pu être utile après la période du confinement pour reprendre une activité normale rapidement. Elle cite aussi le développement de solutions individuelles notamment celle de José Sallas, à Port-sur-Saône, qui a construit un petit bateau fauchant les herbes plus profondément qu’habituellement. Ainsi, les plantes repousseraient moins vite. 

D’autres initiatives ont été rapportées par Hubert de Jeanlis, vice-président du conseil départemental de la Somme : « Le département doit gérer 120 kilomètres de voies d’eau. 2 millions d’euros ont déjà été investis, mais on ne fait que repousser le problème. Nous menons de nouvelles expérimentations comme l’utilisation d’un colorant biologique de teinte bleue utilisé en agroalimentaire pour créer de l’ombre de manière artificielle et ralentir la croissance de la plante. Cette opération nous coûte 4 800 euros. Nous allons tester aussi l’alevinage de carpes qui vont aussi réduire la lumière et le développement de la plante pour un coût de 3 700 euros. » 

Expérimentation et sensibilisation 

L’objectif est de ne pas laisser la situation s’aggraver et de trouver de nouvelles mesures pour lutter contre ce fléau. Emmanuelle Sarat, coordinatrice du centre de ressources Espèces exotiques envahissantes (EEE) appelle à « la mobilisation générale pour travailler à des hypothèses. Nous avons besoin de travailler en réseau pour trouver des solutions qui se prêtent au contexte et prendre en compte l’ensemble des parties prenantes qui interviennent sur un site » , comme les gestionnaires d’espaces naturels, les associations, les collectivités, les entreprises, les établissements publics et les services de l’État par exemple. 

Ainsi, d’autres solutions encore au stade de l’expérimentation pourront être améliorées comme l’installation de rideaux de bulles pour perturber la propagation de ces plantes ou encore la valorisation de ces plantes envahissantes par méthanisation. 

Accompagnement de l’État 

Si l’entretien des voies d’eau dépend, selon les territoires, de différents acteurs, certains admettent se « sentir seuls »  notamment d’un point de vue financier. C’est le cas du département de la Somme qui reçoit une aide « à hauteur de 33 % du fonds européen de développement régional (FEDER) »  mais qui ne pourra « pas faire face plus longtemps tout seul ». 

À l’occasion de ces Assises, une stratégie nationale biodiversité 2030 a été annoncée et sera détaillée dans quelques jours par la secrétaire d’État chargée de la Biodiversité. Elle portera notamment un nouveau plan d’action opérationnel de lutte contre l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes.

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