Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 16 novembre 2022
Associations

Agressions contre les élus : le Sénat adopte le texte permettant aux associations d'élus de se porter partie civile

Le Sénat a adopté hier la proposition de loi permettant aux associations d'élus de se porter partie civile en cas de délit commis contre un élu. Ce texte a fait l'objet d'un très large consensus entre l'ensemble des sénateurs et le gouvernement. 

Par Franck Lemarc

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© Sénat

Un vote « magnifique ». C’est avec enthousiasme que le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, a salué l’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi par le Sénat. La chose est rare : les 344 sénateurs présents ont tous voté, sans exception, pour l’adoption de ce texte. 

 « Malheureusement nécessaire » 

C’est le sénateur Dany Wattebled qui a peut-être le mieux défini ce texte, lors des débats, en le qualifiant de « malheureusement nécessaire ». Lors de la discussion générale, les sénateurs de tous les groupes ont remercié Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi, et ont fait part de leur inquiétude sur l’augmentation des faits délictueux commis à l’encontre des élus (« 47 % d'agressions en plus pendant les onze premiers mois de 2021 par rapport à 2020 », a indiqué Nathalie Goulet). Agressions physiques, insultes, menaces, pneus crevés, voire tentatives d’incendie au domicile personnel du maire… Chacun a témoigné de faits survenus dans son département contre « nos élus, vitrine de notre République »  (Éric Gold), et y compris, parfois, contre leur famille ou leurs proches.

Le texte présenté par Nathalie Delattre est bref (lire son analyse en détail dans Maire info du 3 novembre 2022). Il comprend deux articles, dans sa version adoptée, le premier permettant aux associations d’élus de se porter partie civile, avec l’accord de la victime, en cas de délit commis contre un élu ; mais aussi au Sénat, à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen de faire de même lorsque les faits concernent un parlementaire. La même possibilité est prévue lorsque les faits concernent «  le conjoint ou le concubin de l’élu ou le partenaire lié à celui-ci par un pacte civil de solidarité, les ascendants ou les descendants en ligne directe de celui-ci ou sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile ». 

Le second article de la proposition de loi étend ces dispositions aux collectivités de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna. 

Pas seulement l’AMF

La modification la plus notable apportée à ce texte, en séance, concerne le champ des associations qui seraient habilitées par la loi à se porter partie civile. Dans le texte initial, il était proposé que cette possibilité, pour ce qui est des agressions contre les élus communaux, soit ouverte à l’AMF et à « toute association départementale qui lui est affiliée ». Pour les départements et les régions, étaient cités l’ADF et Régions de France. 

Cette « exclusivité »  a dérangé les sénateurs, qui ont adopté un amendement élargissant le champ des associations susceptibles de se porter partie civile. La nouvelle rédaction cite désormais « l'Association des maires de France [ou] toute association nationale, reconnue d'utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d'assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association départementale qui lui est affiliée ». 

Cette possibilité de se porter partie civile est donc étendu à d’autres associations d’élus comme l’AMRF, Villes de France, l’AMRF, France urbaine, etc., ainsi que leurs associations départementales quand elles en ont (c’est le cas, par l’exemple, de l’AMRF). Cet amendement est issu « d’un dialogue avec le gouvernement ». Le ministre de la Justice a précisé, lors des débats, que « personne ne veut malmener l’AMF, mais il était constitutionnellement risqué de ne permettre qu'à une seule association de se constituer partie civile ».

La version adoptée diffère également du texte initial sur le champ des infractions auxquelles s’applique cette possibilité nouvelle. Le texte initial faisait la liste des infractions ou délits visés (« injure, outrage, diffamation, menace, violences, exposition à un risque dans les conditions prévues à l’article 223-1-1 du code pénal, destructions, dégradations ou détériorations de bien » ). La version adoptée est moins restrictive : elle mentionne, en général, toutes les infractions au livre II du Code pénal (crimes et délits contre les personnes) et au livre III (crimes et délits contre les biens), ainsi que les atteintes à l’autorité de l’État et les délits (diffamation…) commis par voie de presse ou sur les réseaux sociaux. 

Le texte doit maintenant être débattu à l’Assemblée nationale, où l’on peut penser qu’il rencontrera la même unanimité qu’au Sénat. Ne faisant pas l’objet d’une procédure accélérée, il reviendra en deuxième lecture au Sénat, sauf s’il est adopté par l’Assemblée nationale sans aucune modification. 

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