Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 17 janvier 2025
Budget

Le Sénat s'oppose à une nouvelle baisse drastique des crédits du sport

Le gouvernement avait prévu, dans le cadre de l'examen du projet de budget au Sénat, d'accroître encore les coupes prévues sur les crédits du sport. Tard hier soir, les sénateurs ont fait échec à cette tentative.

Par Franck Lemarc

C’est par un amendement surprise, déposé quelques heures seulement avant le débat sur la mission « sport et vie associative »  que le gouvernement a fait connaître son intention de retirer 34 millions d’euros supplémentaires au budget sport et presque 90 millions d’euros au budget jeunesse et vie associative. 

Colère du monde sportif et des élus

Très rapidement, la nouvelle s’est diffusée et a provoqué la colère du monde sportif. Communiqués et tweets rageurs se sont succédé en quelques heures. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a déclaré que le budget du sport, de baisse en baisse, était en train de devenir « marginal »  et que le gouvernement allait « fragiliser notre capacité à relever les défis »  liés au sport, « inclusion, santé publique et cohésion sociale ». 

« Le sport doit être aidé et ses crédits soutenus » , a exigé la Fédération française de football. « On veut enterrer Paris 2024, c’est lâche, c’est méprisant pour le sport et les clubs » , s’est emporté Philippe Bana, président de la Fédération française de handball. De célèbres sportifs se sont également exprimés hier sur X, comme Teddy Rinner qui a demandé au gouvernement de « ne pas laisser la flamme s’éteindre ». 

Du côté des élus, la colère n’est pas moindre. David Lazarus, maire de Chambly et coprésident de la commission sports de l’AMF, juge cet amendement « catastrophique ». « Je n’ai pas d’autre mot, explique-t-il à Maire info, une telle baisse de crédits laisserait exsangue le monde du sport. Après l’enthousiasme des JO, c’est la gueule de bois ! ». Dès hier, David Lazarus et l’AMF se sont donc mobilisés pour alerter les sénateurs du mauvais coup qui se préparait.

Aggravation de la baisse de crédits

Il faut rappeler que cet amendement gouvernemental vient aggraver des coupes budgétaires importantes déjà décidées dans le projet de loi de finances initial concocté par Michel Barnier et son équipe. Depuis le mois d’octobre, on avait découvert que le précédent gouvernement avait décidé d’amputer de quelque 268 millions d’euros le budget du sport, arguant notamment que les JOP étant passés, les crédits exceptionnels débloqués pour l’organisation de ceux-ci avaient vocation à « s’éteindre ». Mais au-delà, même les crédits destinés au plan de financement des équipements sportifs dans les collectivités étaient en forte baisse – le ministère expliquant que seuls 4 % de ces crédits avaient été consommés en 2024. Argument qui ne manque pas d’audace, dans la mesure où cette sous-consommation des crédits s’explique en grande partie par l’annonce du gel de ceux-ci, en cours d’année, par le gouvernement ! 

David Lazarus rappelle que, avant même cet amendement, la situation est extrêmement compliquée pour les élus, qui ne connaissent pas les crédits dont ils vont disposer pour réaliser leurs terrains de sport. « Nous ne connaîtrons sans doute pas ces montants avant l’été, ce qui veut dire que les travaux ne seront pas engagés avant la fin de l’année. 2025 va être une année blanche en la matière. Mais si un tel amendement devait passer… c’est peut-être 2026 qui le sera aussi. » 

En effet, les baisses déjà drastiques annoncées en octobre ont bien été jugées insuffisantes par Bercy, et hier, le gouvernement a déposé le nouvel amendement aggravant encore un peu plus la situation. 

Amendement « inacceptable » 

Cette décision a provoqué la colère des sénateurs, dont beaucoup ont estimé que cet amendement était inacceptable « tant sur le fond que sur la forme ». 

En séance, hier soir, le rapporteur spécial de la commission des finances, Éric Jeansannetas, a jugé « très regrettable »  cet amendement de dernière minute, rappelant notamment qu’au final, le plan 5000 équipements sportifs allait perdre « 100 millions d’euros ». Il s’est inquiété du fait que les crédits de l’État soient en si forte baisse au moment où le produit de la taxe Buffet, qui finance en partie l’Agence nationale du sport (ANS), est en baisse du fait de la diminution des recettes de retransmission des événements sportifs. 

« Le procédé n’est pas acceptable » , s’est également emporté le Républicain Michel Savin. Ce sénateur est à l’origine d’un amendement, adopté avant la censure, prévoyant d’augmenter de plus de 110 millions d’euros la taxe sur les paris sportifs affectée au financement de l’ANS. Cet amendement, à l’époque, avait été voté contre l’avis du gouvernement, mais reposait sur des propositions portées de longue date par l'AMF. Michel Savin s’est inquiété hier de savoir si l’amendement en question survivrait à la future commission mixte paritaire. 

Le sénateur a également fortement insisté sur le fait que les collectivités territoriales, déjà très fortement mises à contribution dans le cadre de ce projet de budget, ont un besoin « vital »  des financements de l’État pour pouvoir investir dans les équipements sportifs. 

Une ministre peu convaincue

Dans son intervention, la nouvelle ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, Marie Barsacq, a défendu du bout des lèvres l’amendement gouvernemental, paraissant elle-même en être désolée. Reconnaissant une « baisse significative »  des crédits de son ministère et l’imputant à la nécessité de rétablir les comptes publics, elle a toutefois longuement insisté sur la nécessité de ne pas laisser s’éteindre la dynamique née des JOP. Elle a cité l’exemple de la Grande-Bretagne : « En 2012, après les Jeux de Londres, le Royaume-Uni a connu dans ses clubs le même engouement que celui que nous connaissons aujourd’hui. En 2013, cette dynamique avait disparu, sacrifiée au nom de la politique budgétaire qui avait réduit drastiquement les moyens alloués au sport. »  Il ne faut pas « répéter cette erreur », a déclaré la ministre. Cette déclaration a sans doute été assez peu appréciée du côté de Bercy. 

La ministre s’est également démarquée du gouvernement précédent en affirmant son soutien au dispositif visant à augmenter les taxes sur les paris sportifs – dispositif qu’elle a jugé, « à titre personnel, vertueux ». 

En fin de soirée, les sénateurs ont rejeté l’amendement gouvernemental. Mieux, ils ont adopté un autre amendement, signé par Michel Savin, allant dans le sens inverse puisqu’il ajoute 80 millions d’euros supplémentaires au programme sports. Cette somme est prélevée sur le budget du service national universel (SNU).  Sur ce terrain, en revanche, la ministre a clairement dit son désaccord, appelant à « ne pas sacrifier le SNU au profit du sport ». 

Que restera-t-il de ces différentes décisions à l’issue de la commission mixte paritaire ? C’est toute la question. David Lazarus se dit certes « soulagé »  par le rejet de l’amendement par le Sénat, mais pas rassuré pour autant : « Que va-t-il se passer en CMP ? J’imagine que les députés du bloc gouvernemental vont revenir à la charge… ».

Il s’agira également, dans les semaines qui viennent, de déterminer à qui reviennent les bénéfices réalisés par le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Pour rappel, la vente de billets a généré un excédent de 26,8 millions d’euros dont 60 % doivent être affectés au développement du sport en France.

Quoi qu’il en soit, il semble évident que pour le nouveau gouvernement, comme pour l’ancien, bien loin des discours enflammés post-JOP, le sport joue le rôle d’une simple variable d’ajustement budgétaire. 

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