Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 7 octobre 2022
Aménagement numérique du territoire

Territoires connectés et durables : comment encourager les collectivités à se lancer

Les projets de territoires connectés suscitent de plus en plus d'intérêt auprès des collectivités. De nombreuses offres se développent au niveau industriel en France mais la dynamique reste trop timide et les territoires sont encore peu à entreprendre des projets numériques innovants. 

Par Lucile Bonnin, à Toulouse

Voilà un an que le gouvernement a lancé l’appel à projets « Territoires intelligents et durables »  à destination des collectivités territoriales. Doté de 30 millions d’euros, cet appel à projets vise à faire émerger des « projets structurants, pérennes et réplicables », à « systématiser l’utilisation de la donnée dans le pilotage et la gestion des politiques publiques »  et à aider à la « structuration de modèles économiques ».

Mais malgré plusieurs expérimentations de solutions innovantes dans les territoires, la pratique a encore du mal à se développer et à se généraliser. C’est la conclusion qui a été tirée des riches échanges qui ont eu lieu hier et mercredi à Toulouse lors de l'Université du Très haut débit (THD). Ce rendez-vous a en effet été l’occasion de faire le point sur « cette ambition française »  qui prend du retard dans les territoires. 

Des avantages incontestables 

« Grâce à des infrastructures fiables, nos villes et villages déploient aujourd’hui des solutions de gestion intelligentes d’éclairage public, de l’eau, peuvent construire de diagnostics sur la qualité de l’air ou encore valoriser leur patrimoine grâce à des panneaux dynamiques », a déclaré Dominique Faure, secrétaire d’État chargée de la Ruralité dans la salle pleine du Centre des congrès de Toulouse. 

Plusieurs exemples ont été cités : entre la mise en place d’un « jumeau numérique »  pour mieux visualiser les données, le développement d’outils pour mieux gérer l’énergie, les déchets ou encore la sécurité (lire Maire info du 21 janvier). L’objectif est de développer des projets écologiquement responsables qui peuvent apporter beaucoup aux citoyens et aux élus. 

Sébastien Vincini, premier vice-président Finances, numérique, innovation du conseil départemental de Haute-Garonne, témoigne de « l’exploration de champs nouveaux avec les politiques départementales sur l’interconnexion des bâtiments, veille énergétique, etc. »  Il explique que les « changements climatiques amènent des changements extrêmes »  et que par conséquent « les collectivités doivent se saisir de ces questions », pour leur bien. « Il y a cinq ans, avec un été comme celui de 2022, on aurait dû couper l’eau courante dans une ville comme Toulouse. »  Le progrès est donc bien là. 

À Angers, le projet de « territoire intelligent »  lancé en 2019 par la métropole, qui comprend notamment la modernisation de l’éclairage public, a permis d’observer « une baisse des dépenses d’éclairage de 66 % », selon Nicolas Guérin, président du Comité stratégique de filière Infrastructures numériques, qui constate que « des exemples concrets de réussite existent »  et qu’il faut « continuer à aider les collectivités à se lancer dans ces projets numériques ».

« Cela ne décolle pas » 

L’enthousiasme est là, la curiosité aussi. Mais « cela ne décolle pas », explique Pascal Berteaud, directeur général du Cerema. Il observe pour le moment « quelque chose qui vivote »  portée par une logique d’appels à projets qui favorise « un fonctionnement en silo ». Manque de pédagogie et de publicité, pour le directeur du Cerema « il y a un énorme travail d’information à faire auprès de la population ». Des contenus pédagogiques doivent aussi être rendus disponibles aux élus. Le Cerema dispose déjà de plusieurs fiches d’informations à ce sujet.

Pour Nicolas Guérin, la priorité est de « convaincre que les politiques publiques doivent s’engager »  dans cette dynamique et que les « retours sur investissements, retours sur usages et les retours sociaux-environnementaux »  sont réels. 

Recherche d’un « tiers de confiance » 

Alors que faire ? D’abord, il faut passer par l’inclusion citoyenne. C’est ce qui a été largement soutenu par la députée de la Drôme Mireille Clapot, présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes, et par Alain Leboeuf, président de Vendée numérique. En tant que responsable de ce Groupement d’intérêt public (GIP) il explique qu’il faut « travailler à une gouvernance collégiale »  tout en accompagnant les élus pour identifier « les spécificités du territoire ». Pour Mireille Clapot, « l’avenir se fera dans un cadre d’inclusion citoyenne ». Sébastien Vincini renchérit : « On ne peut pas être dans une formule descendante. » 

C’est pourquoi les acteurs qui œuvrent pour le développement des territoires connectés et durables sont désespérément à la recherche d’un « tiers de confiance ». Pour la députée, c’est avant tout le maire qui peut redonner confiance aux citoyens et donner l’envie d’adhérer à ces projets. 

Agir pour la souveraineté 

Cela a été affirmé clairement par la secrétaire d’État présente à Toulouse : « Il y a une double nécessité : celle d’accompagner nos territoires dans la transition numérique et écologique et celle de déployer des infrastructures pour servir des ambitions. »  Développer un modèle français du territoire 3.0 est aussi dans la liste des objectifs du gouvernement. 

Or la progression est lente, notamment parce que « l’acculturation est hétérogène en fonction de la taille des territoires »  et que les moyens le sont aussi. Pour Nicolas Guérin, le temps est compté. « On a trois ans maximum pour que la France, se numérise sinon on aura des solutions de type Gafam ou pire… Mais on a les moyens de le faire ! » 

Une course contre la montre qui, espérons-le, ne laissera pas les territoires les plus ruraux de côté. Mais Dominique Faure a annoncé en parallèle de ces échanges le lancement d’une mission d’évaluation et de plusieurs groupes de travail sur divers sujets pour améliorer le bien-vivre dans les territoires ruraux. Bonne nouvelle, le numérique y figure comme un enjeu de premier plan. 

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