Maire-info
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Édition du vendredi 14 janvier 2022
Crise sanitaire

Obligations vaccinales : un décret de dernière minute et un projet de loi qui revient à la case départ

Ce matin, le gouvernement a (enfin) publié un décret officialisant la désactivation du pass sanitaire pour les personnes n'ayant pas eu leur dose de rappel… demain. La commission mixte paritaire, hier, a échoué à trouver un consensus sur le projet de loi sur le pass vaccinal.

Par Franck Lemarc

J-1 ! Alors que cela fait plus d’un mois que le gouvernement a annoncé que la troisième dose allait devenir obligatoire le 15 janvier pour conserver son pass sanitaire, aucun texte législatif ou réglementaire ne mentionnait cette disposition jusqu’à présent. 

Décret in extremis

Rappelons que dans un premier temps, cette troisième dose est devenue nécessaire pour conserver un pass sanitaire valable, pour les seules personnes de plus de 65 ans. Cette disposition est en vigueur depuis le 15 décembre. L’exécutif avait également annoncé que la mesure serait étendue aux personnes de moins de 65 ans le 15 janvier, ce qui a conduit des millions de Français vers les centres de vaccination, pour se faire administrer leur dose de rappel. Mais cela, sans qu’aucun texte officiel ne mentionne cette date !

C’est donc ce matin, à la veille du jour J, que le gouvernement a publié le nouveau décret rectificatif du décret du 1er juin « prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ». 

Jusqu’à présent, ce texte disposait que « les personnes de soixante-cinq ans ou plus ayant reçu le vaccin (…) doivent, pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet à partir du 15 décembre 2021, avoir reçu une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager (…) entre 5 et 7 mois suivant l'injection de la dernière dose requise ». Dans le décret publié ce matin, le gouvernement a supprimé les mots « de 65 ans ou plus »  pour les remplacer par « de 18 ans et un mois ou plus »  ; et il a supprimé la date du 15 décembre 2021. À partir de demain, donc, puisque cette disposition ne rentrera en vigueur que le lendemain de sa publication, le « schéma vaccinal complet »  des majeurs de plus de 18 ans et un mois nécessitera une dose de rappel. Cette dose de rappel doit être reçue « 7 mois au plus tard »  après la dernière dose de primo-vaccination. 

Jeu de dupes en CMP ?

Pendant ce temps, le projet de loi visant à transformer le pass sanitaire en pass vaccinal poursuit son chemin parlementaire semé d’embûches. Rappelons que le gouvernement espérait une promulgation le 15 janvier, c’est-à-dire demain… et que le texte n’est toujours pas voté. Hier, en effet, la commission mixte paritaire entre Sénat et Assemblée nationale n’a pas été conclusive. Un simple communiqué laconique a été publié pour annoncer que « la commission mixte paritaire a constaté ne pouvoir parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion », sans autre explication écrite pour l’instant. La raison invoquée par Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour mettre fin à la CMP, a été la parution d’un tweet du sénateur LR Bruno Retailleau se félicitant, avant la fin des travaux, d’une CMP conclusive et d’une « victoire du Sénat ». « Atteinte intolérable aux institutions », a aussitôt réagi Yaël Braun-Pivet, au nom du nécessaire « huis-clos »  des réunions de la CMP. Alors que des compromis avaient été trouvés et qu’un accord semblait possible, la CMP s’est finalement séparée sans accord sur décision de la majorité.

Nombre de députés jugent ce matin – ce qui paraît assez plausible – que ce tweet de Bruno Retailleau a surtout servi de prétexte à la majorité pour clore les débats, celle-ci souhaitant pouvoir revenir au texte initial et en faire porter la responsabilité à l’opposition. 

Résultat des courses : le texte reprend la navette parlementaire, mais cette fois, sans que le Sénat puisse réellement le modifier, puisque l’Assemblée nationale aura le dernier mot. 

Retour à la case départ

Dès hier soir, la commission des lois du Palais-Bourbon a réexaminé le texte et l’on peut dire qu’elle a fait le ménage : toutes les dispositions adoptées par le Sénat ont été supprimées, à une ou deux exceptions près – à la marge. Le nouveau texte de la commission a rétabli toutes les formulations issues de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, a supprimé la possibilité de « territorialiser »  le pass vaccinal en fonction de la circulation du virus, rétabli le pass vaccinal pour les mineurs (sauf lors des activités scolaires, extrascolaires et périscolaires), rétabli les vérifications d’identité par les gestionnaires d’ERP, rétabli la possibilité de demander un pass vaccinal à l’entrée de certains grands magasins et centres commerciaux, sur décision du préfet. Enfin, les membres de la commission des lois ont également rétabli la possibilité, supprimée par les sénateurs, d’infliger des amendes aux employeurs qui ne respectent pas les règles en matière de télétravail. Ils ont toutefois fait passer l’amende maximum de 1 000 à 500 euros. 

Le texte ainsi rétabli va être débattu en séance publique cet après-midi à l’Assemblée nationale, puis demain au Sénat – qui pourrait refuser de l’examiner. Puis, ultime retour à l’Assemblée nationale, dimanche ou lundi, pour le vote définitif du texte. 

Cela ne signifiera pas pour autant une promulgation immédiate, puisque plusieurs groupes ont déjà annoncé qu’ils allaient saisir le Conseil constitutionnel. Peu de chance, donc, de voir ce texte entrer en vigueur avant la fin de la semaine prochaine. 

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