Maire-info
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Édition du vendredi 23 octobre 2020
Polices municipales

Polices municipales : la Cour des comptes souhaite une intervention accrue de l'État  

La Cour des comptes vient de rendre public un volumineux rapport sur les polices municipales. Un rapport qui prône, une fois de plus, davantage d’intercommunalisation des polices municipales, mais aussi une véritable clarification, par l’État, de la répartition des rôles entre polices municipales et forces nationales (police et gendarmerie).

Pendant la dernière décennie, constate la Cour des comptes, les polices municipales ont continué de se renforcer, quoiqu’à un rythme moindre que pendant la décennie précédente. Mais ce développement est divers : si de nombreuses communes – y compris des villes grandes et moyennes – font le choix de ne pas avoir de police municipale, d’autres disposent d’effectifs pléthoriques de policiers municipaux, approchant même « la parité d’effectifs avec la police nationale », comme à Cannes. La Cour note cependant que des polices municipales se sont récemment créées dans des régions « où elles étaient quasiment absentes il y a dix ans, comme la Normandie, la Bretagne ou les Hauts-de-France ». 

Encore et toujours la police intercommunale
Le rapport pose, d’emblée, la question du développement des polices municipales à l’échelle intercommunale. Les magistrats ne cachent pas leur préférence pour cette solution, estimant que « le déploiement des polices intercommunales, (…) permettrait un accès plus large aux polices municipales pour des populations qui n’en bénéficient pas à ce jour ». Ils estiment en outre que « le choix de mutualiser permet un gain financier et un surcroît d’efficacité opérationnelle ». 
 Le rapport pointe « les réticences des maires à mutualiser cet instrument essentiel, marque d’une autorité de police qui est la leur ». Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, reconnaît d’ailleurs cette réticence dans la réponse qu’elle a faite à ce rapport, mais en évoquant davantage des problèmes « juridiques » : « Les maires des villes moyennes se montrent effectivement réservés quant aux processus de mutualisation humains et matériels des polices municipales à l’échelle intercommunale, puisque l’exercice combiné des pouvoirs généraux de police (tranquillité publique, sécurité, stationnement, salubrité…) leur incombe toujours, et implique une complexité juridique dans le partage de cette compétence. » 
Quoi qu’il en soit, la Cour des comptes recommande – en accord avec le rapport Fauvergue-Thourot – un « assouplissement »  des règles de mutualisation à l’échelle intercommunale et « la révision, voire la suppression, de certains seuils contraignants ». Mais la Cour des comptes va bien plus loin, donnant sa préférence à une réforme beaucoup plus profonde : « Le développement de la coopération se trouve limité par l’impossibilité de déléguer à l’autorité intercommunale le pouvoir de police générale du maire (…), et le législateur n’a pas souhaité dessaisir les maires de leur pouvoir de police générale. Une évolution législative dans ce sens pourrait présenter des avantages. »  La Cour des comptes note cependant qu’une telle réforme « rencontre l’opposition »  non seulement des associations d’élus mais également des services de l’État. Elle cite la DGCL, qui lui a répondu que « le maire est le mieux à même d'exercer les pouvoirs de police administrative générale compte tenu de sa proximité avec ses administrés et de l'impact important sur la vie de ces derniers que peuvent avoir les mesures de police dans des domaines extrêmement variés. » 

Réforme de la CCPM
De façon plus consensuelle, la Cour demande que les polices municipales bénéficient enfin d’un accès accru aux fichiers de police – pas seulement les fichiers des cartes grises et des permis de conduire, comme c’est le cas depuis 2018, mais surtout au FOVeS (fichier des objets et des véhicules signalés). Ce point fait consensus chez les associations d’élus. Beaucoup plus que l’accès aux fichiers des personnes radicalisées – comme le demande Christian Estrosi, maire de Nice. Ce point fait largement débat chez les maires. 
Au passage, la Cour des comptes n’est pas tendre à l’égard de la Commission consultative des polices municipales CCPM : « Cette commission est trop peu souvent convoquée et ses réunions sont accaparées par les questions statutaires, au détriment des sujets stratégiques. »  La Cour en fait porter la responsabilité à l’État, « réticent à définir un champ d’intervention clair des polices municipales ». Les magistrats proposent une première solution radicale : sortir les questions statutaires de la CCPM, en réservant celles-ci au seul Conseil supérieur de la fonction publique territoriale – dont c’est la raison d’être – et « recentrer »  les travaux de la CCPM sur « les enjeux stratégiques et opérationnels ».  

Le rôle de l’État
Plus largement, la Cour des comptes attend de l’État qu’il mène un véritable travail de « clarification des missions des polices municipales »  et qu’il « soutienne », y compris financièrement, celles-ci. « À ce jour, l’État s’est abstenu de définir une véritable politique vis-à-vis des polices municipales. Invoquant le libre choix des maires et l’adaptation aux réalités locales, le ministère de l’intérieur reste dans une position de relative neutralité », regrette la Cour des comptes. Si les magistrats reconnaissent qu’une « doctrine unifiée »  n’aurait « pas de sens »  dans une république décentralisée, ils estiment cependant que l’État « doit adopter une politique explicite »  vis-à-vis des polices municipales. D’abord en enrichissant les « conventions de coordination »  concernant les polices municipales de plus de trois agents, clarifiant localement « la répartition des rôles et la coopération entre les forces », quitte à « élargir »  le champ d’intervention des polices municipales. Deuxièmement, en intervenant financièrement, par une « réallocation des crédits du FIDP [Fonds interministériel de prévention de la délinquance] de la vidéoprotection vers l’équipement et la formation des policiers municipaux ». 
Mais la Cour des comptes épingle surtout le fait qu’il est de plus en plus souvent demandé aux polices municipales les plus dimensionnées de pallier les « carences »  des forces de l’ordre nationales, et déplore « la fragilité des forces étatiques ». En effet, dans les communes disposant d’important effectifs de police municipale, ces derniers se substituent plus souvent pour les interventions police secours à la police nationale qui se concentre alors davantage sur la grande délinquance. Cette réalité est moins vraie en zone rurale ou périurbaine, où les effectifs de police municipale, plus réduits, entrainent davantage un travail en complémentarité aux côtés de la gendarmerie nationale.

La Cour plaide pour, en quelque sorte, que chacun reste dans son « cœur de métier » : tranquillité et salubrité publique pour les polices municipales, recherche active et répression de la délinquance pour la police et la gendarmerie nationales. Ce qui ne peut se faire que si les forces de l’ordre nationales « réinvestissent leur mission d’intervention en matière de lutte contre la délinquance »  – ce qui suppose des moyens, humains et matériels. 
Ce dernier point est pleinement partagé par l’AMF dont le président, en mars dernier, à la lecture d’une première version du rapport, écrivait à la Cour des comptes : « Nous partageons pleinement votre souhait de voir freiner, dans certaines communes, l’implication des polices municipales dans des missions de recherche active et de répression de la délinquance, alors qu’il s’agit du cœur de métier des forces nationales. Nous confirmons, malheureusement, votre constat de leur fragilité en termes de moyens, ceux-ci devenant insuffisants pour assurer pleinement leur rôle. »  François Baroin estimait dès lors nécessaire que « les forces nationales réinvestissent certaines de leurs missions et soient dotées des moyens suffisants ». 

Franck Lemarc

Télécharger le rapport.

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