Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 9 octobre 2020
Budget de l'état

Budget 2021 : après un long débat en commission, les députés maintiennent la baisse des impôts économiques 

Les députés ont adopté, mercredi soir, la première partie (sur les recettes) du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 largement consacré aux conséquences de la crise sanitaire, économique et sociale qui frappe le pays et au plan de relance qui doit permettre d’y faire face. Peu de modifications importantes sont à retenir, la majorité ayant notamment préservé la baisse de 10 milliards d’euros des impôts dits économiques en rejetant la quasi-totalité des amendements des oppositions. 
Ni les amendements de suppression de l’article 3 (abaissant les impôts de production), ni ceux visant à exclure les plus grandes entreprises du dispositif, ni ceux favorisant les petites et moyennes entreprises (PME) n’ont fait fléchir les députés de la majorité en commission. La baisse de 10 milliards d’euros l’an prochain a bien été adoptée, le rapporteur Laurent Saint-Martin (LaREM) estimant que ces impôts n’étaient « pas justifiés », voire « absurdes »  et que cette baisse ferait « gagner en compétitivité nos entreprises » : « C’est bon pour la relance, c’est bon pour l’emploi dans notre pays ».

Compétitivité contre cadeau aux entreprises
Une « aberration »  pour les oppositions de gauche qui ont critiqué un « cadeau aux entreprises », « sans contrepartie »  en termes d’emplois ou d’environnement, alors « qu’il n’existe aucune étude empirique établissant un lien entre CVAE et compétitivité ». 
Sans compter que l’essentiel de la baisse des impôts de production ne bénéficierait finalement que peu aux petites et moyennes entreprises (PME), selon des députés de tout bord : « En l’état des textes, la suppression de la moitié du produit de la CVAE, conjuguée avec la baisse du plafonnement de la CET, profiterait essentiellement aux grandes entreprises », ont-ils tenté d’alerter. « La moitié des entreprises ne contribuent qu’à la cotisation minimum de la CVAE, soit 250 euros par an pour 289 000 entreprises, a fait valoir le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin (Écologie Démocratie Solidarité). La baisse ne sera donc [pour elles] que de 125 euros par an, bien loin du soutien annoncé aux TPE et PME… » 
« Ce n’est pas une mesure pour les grandes entreprises », a rétorqué le rapporteur. « Les PME et les ETI (entreprise de taille intermédiaire) seront les principales bénéficiaires de ces baisses d’impôts, et particulièrement de la CVAE : 68 % de gain sur la baisse de plafonnement sur la CET pour PME et ETI réunies, 80 % pour la baisse de taux de la CVAE », selon les chiffres présentés par Laurent Saint-Martin qui a par ailleurs fait adopter un amendement visant à relever à 10 millions d'euros (au lieu de 7,6) le plafond de chiffre d'affaires des PME afin qu’elles bénéficient du « taux réduit PME »  en matière d'impôt sur les sociétés.
« Est-ce qu’on sait combien d’emplois ça va créer ? Non », a-t-il toutefois reconnu alors que le président du groupe LaREM à l’Assemblée, Christophe Castaner, avait pourtant déclaré en début de semaine que « l’essentiel de la baisse »  visait à « préserver 300 000 emplois dans le secteur industriel »  et que le rapport annexé au PLF prévoit « 240 000 emplois créés », selon Matthieu Orphelin.

CVAE : « Vous gelez les injustices » 
Plusieurs députés ont critiqué l’absence de simulations concernant cette disposition et la teneur des compensations aux collectivités : « Bien entendu que tous les gouvernements nous expliquent que la compensation se fait à l’euro tout le temps. Mais au bout des années, l’addition est lourde. C’est des milliards d’euros qui ne sont plus compensés aux collectivités », a rappelé le député du Val-d’Oise François Pupponi (Libertés et territoires), faisant écho aux inquiétudes des associations d’élus (lire Maire info du 7 octobre) et dénonçant une réforme faite « à l’aveugle ».
En désaccord et jugeant cette analyse « malhonnête », le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-René Cazeneuve (LaREM), a réaffirmé « une fois pour toute »  que la compensation se ferait bien à « l’euro près »  et « même mieux que ça »  puisque la compensation de CVAE « se fait sur la base de 2020, qui est le maximum de CVAE touché par les régions ».
« J’imagine alors que vous poserez dans ce PLF des amendements de suppression sur les variables d’ajustement et qu’il n’y aura pas de ponction ni sur la DCRTP ni sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle », a lancé la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune (PS) qui a, par ailleurs, rappelé que, « sur la compensation aux collectivités, tout le monde sait que la répartition de la CVAE sur le territoire est totalement inique… Vous vous apprêtez donc à geler l’injustice sur des années ».

Une réforme « nécessaire »  de la fiscalité locale 
Le président de la commission des finances, Eric Woerth (LR), a par ailleurs évoqué un amendement d’appel - proposé par Les Républicains mais retiré en attendant la séance publique - visant la suppression totale de la CVAE en défendant « la nécessité de réformer de manière structurelle la fiscalité locale ». « On ne peut pas continuer comme ça à baisser les impôts sans se poser cette question », a-t-il expliqué en proposant, « par exemple », une « partition »  des impôts nationaux entre les collectivités et l’Etat.
Une éventualité qui n’est pas du goût du député de la Marne Charles de Courson (Libertés et Territoires) : « Le grand combat du ministère des Finances qui expliquait qu’il ne pouvait plus y avoir de fiscalité locale est en train d’être gagné. Perte complète d’autonomie fiscale et de territorialisation de l’impôt. Ce qui fait que l’on a complètement coupé les citoyens électeurs de leurs élus. Ceux-ci vont juger leurs élus sur quoi ? Sur la bonne gestion des dotations de l'État ? Mais mettez des fonctionnaires… » 
A noter que, sur un tout autre sujet et contre l'avis du rapporteur, la commission a voté un amendement évitant aux chambres de commerce une diminution de 100 millions d'euros de leurs ressources. 
La première partie du projet de budget pour 2021 doit dorénavant être examiné, en séance publique, par l’Assemblée à partir de lundi.


A.W.


Consulter le dossier législatif.
Regarder le débat sur l’article 3 du PLF 2021.


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