Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 22 février 2019
Aménagement du territoire

Aménagement, transports, 80 km/h… Le Sénat adopte une proposition de loi pour le désenclavement des territoires

« Inégalités », « enclavement », « accroissement de la fracture territoriale » … Tour à tour et de façon unanime, les sénateurs ont décrit, mercredi, « le sentiment d’abandon »  exprimé par les Français vivant en zone rurale. Leur réponse : l’adoption - 305 voix pour, 0 contre, 45 abstentions - d’une proposition de loi RDSE visant à « faciliter le désenclavement des territoires », notamment pour ceux qui n'ont pas d'autre alternative à la voiture. Le gouvernement, par la voix d’Élisabeth Borne, ministre des Transports, « partage la philosophie »  de certains articles mais renvoie au 19 mars, date du début de l’examen de la loi d’orientation des mobilités (LOM).
Présenté au nom du groupe RDSE par les sénateurs Jacques Mézard, ancien ministre d’Emmanuel Macron et futur Sage du Conseil constitutionnel, Jean-Claude Requier et Yvon Collin, le texte fixe un nouvel objectif de désenclavement à horizon 2025, « qui tienne compte de la réalité d’une France polycentrée », martelait Jean-Yves Roux, sénateur des Alpes-de-Haute-Provence et auteur de la proposition de loi.
Il est ainsi inscrit dans l’article 1er que le 31 décembre 2025, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située « soit à plus de 50 kilomètres ou de 45 minutes d'automobile d'une unité urbaine de 1500 à 5000 emplois, d'une autoroute ou d'une route aménagée pour permettre la circulation rapide des véhicules, soit à plus de 60 minutes d'automobile d'une gare desservie par une ligne à grande vitesse ». Pour que ces ambitions se traduisent dans la réalité, les sénateurs demandent notamment à l’État de « veiller à adapter les infrastructures aux caractéristiques des territoires, en privilégiant par exemple l'aménagement de routes existantes plutôt que la construction d'autoroutes, lourdes et coûteuses (…) et s'assurer que les compagnies aériennes maintiennent leurs dessertes et remplissent leurs obligations ».
« Comment peut-on n'envisager la mobilité que par les airs et la route en omettant le rail ? », rétorquait alors le sénateur communiste de l’Isère Guillaume Gontard, qui regrette un texte « trop réducteur ». « Absentes de la proposition de loi, les petites lignes ferroviaires seraient-elles déjà condamnées ? », renchérissait son homologue socialiste du Lot Angèle Préville.

Une préfecture accessible en moins de 45 minutes
Pour Stéphane Piednoir, sénateur Les Républicains du Maine-et-Loire, ces objectifs chiffrés ne font pas toujours sens. « On a sorti la règle à calcul pour définir 50 km de distance à une autoroute, sans évoquer les sorties, 45 minutes d'un centre urbain et moins de deux heures d'un aérodrome, sans précision sur la vitesse maximale sur le trajet concerné », soulignait-il. « Cet objectif n'a rien d'irréaliste et il n'en sera tenu compte que lors de la révision des Sraddet (Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires élaborés avec les conseils départementaux et le préfet de région, ndlr) », a rétorqué Jean-Claude Requier.
Par amendement, les sénateurs, par la voix de Jean-Claude Requier, ont ajouté que « l'État veille à ce que les infrastructures de transports disponibles permettent à tout citoyen de se rendre à une préfecture ou sous-préfecture en moins de 45 minutes », alors que « le lien avec les préfectures s'est fortement distendu »  pour causes de « fermetures programmées de sous-préfectures et la numérisation des services de guichet ». Élisabeth Borne n’a pas caché sa réticence. « Je perçois l'enjeu symbolique mais le lien avec les préfectures et les sous-préfectures est-il prioritaire ? », s'interrogeait-elle.

Une remise en cause des 80 km/h
Les deux derniers articles tranchent une question qui s'est posée à plusieurs reprises lors des rencontres entre Emmanuel Macron et les maires (lire Maire info du 16 janvier). Ils reviennent, en effet, sur l’abaissement à 80 km/h de la limitation de la vitesse autorisée sur certaines routes. « Fixer une vitesse maximale à 80 km/h sur l'ensemble du réseau national n'a pas beaucoup de sens, estimait ainsi Alain Fouché, sénateur de la Vienne, membre du groupe Les Indépendants - République et Territoires. Dans certains secteurs du monde rural, voire hyper-rural, il est, en effet, tout à fait possible de rouler à 90 km/h sans présenter de danger majeur ». L’article 5 prévoit ainsi que « le président du conseil départemental peut, par arrêté motivé et après avis de la commission départementale de la sécurité routière, fixer pour tout ou partie des routes départementales une vitesse maximale autorisée supérieure à celle prévue par le Code de la route. »  Sans surprise, Élisabeth Borne s’est montrée « défavorable ». « Je suis bien consciente que les 80 km/h ont pu être mal vécus et perçus comme peu équitables. Cela dit, il faut mettre cette mesure en regard du bilan de mortalité routière. L'évaluation est prévue pour début 2020. Ce sujet est discuté dans le cadre du grand débat, n'en préemptons pas les conclusions ».
Ludovic Galtier
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