Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 27 février 2020
Aménagement rural

La Cour des comptes étrille les abattoirs publics

Il convient de « se poser la question du maintien de ces services publics ». C’est la conclusion brutale du chapitre du rapport annuel de la Cour des comptes consacré à la gestion des quelque 80 abattoirs publics communaux et intercommunaux.
« Surdimensionnés », « sous-exploités », « utilisés de façon quasi privative par les industriels de la viande »  … Les magistrats ne mâchent pas leurs mots pour décrire une situation déjà épinglée dans de précédents rapports (en 1990 et 1996) sans que des progrès notables, estiment-ils, aient été faits depuis. 

Cote d’alerte
Les 80 abattoirs publics (il en existant 114 en 1989) ne représentent que 7,2 % de la production de viande dans le pays. Les élus concernés les maintiennent néanmoins, parce que leur existence permet « aux petites exploitations (…) d’obtenir les recettes nécessaires à leur maintien ». Ces abattoirs publics ont donc, pour beaucoup d’entre eux, « une fonction socio-économique », dont la fermeture pénaliserait les exploitants « en leur faisant subir des coûts de transport supplémentaires ». 
Cet argument ne suffit pas à convaincre les magistrats de la rue Cambon, qui pointent la « situation financière très dégradée »  que connaissent les abattoirs publics dans leur grande majorité. « 55 d’entre eux [sur 80] cumulent un déficit d’exploitation et une capacité d’autofinancement négative », à quoi s’ajoute, pour 22, « une trésorerie négative ». 20 % des abattoirs publics « présentent une capacité de désendettement allant au-delà du seuil d’alerte communément estimé à douze ans pour les collectivités locales »  – elle est de 69 années pour l’un d’entre eux, de 44 ou de 31 années pour d’autres. 
La Cour dénonce aussi la pratique de certains abattoirs qui « figent »  leurs prix pour fidéliser des clients, obérant ainsi leurs propres capacités de financement. 

Un mode de gestion « coûteux » 
Sept abattoirs publics sont gérés en régie directe, les autres faisant l’objet d’une délégation de service public (DSP). La plupart reçoivent des subventions pour équilibrer leur fonctionnement, qui se chiffrent en centaines de milliers d’euros. Dans certains cas, la Cour constate des versements s’apparentant à « des subventions déguisées ». De plus, le fait qu’une partie des charges des abattoirs soit prise en compte sur le budget principal de leur collectivité de rattachement « fausse »  le résultat budgétaire de certains d’entre eux. 
Ces structures coûtent aussi de l’argent à l’État, constate la Cour des comptes, qui relève que « 230 fonctionnaires du ministère de l’Agriculture sont affectés de manière permanente au contrôle des abattoirs publics, ce qui représente une masse salariale estimée à 13,37 millions d’euros ». 

Une intervention qui ne serait « plus justifiée » 
La Cour des comptes estime tout simplement que l’intervention des collectivités locales dans le secteur de l’abattage n’est « plus justifiée ». Pourtant, les élus concernés brandissent un certain nombre d’arguments : mise en place des circuits courts ou, on l’a dit, « utilité économique »  vis-à-vis des exploitants. Mais aucun de ces arguments ne trouve grâce aux yeux des magistrats. Les circuits courts, par exemple, ne sont pas tellement une question de proximité géographique que « d’intermédiation », c’est-à-dire de limitation du nombre d’intermédiaires. « En matière de circuit court, une cantine publique peut tout à fait passer un marché avec un producteur éloigné à condition que le seul autre intervenant soit le transporteur pour la livraison. » 
La Cour propose donc des « solutions alternatives », visiblement désireuse d’en finir avec le principe même d’abattoirs « financés uniquement par l’État et les collectivités territoriales ». Parmi ces solutions : le développement de « l’abattage mobile », « via un camion ou un caisson d’abattage »  (une expérimentation sur ce point est prévue par la loi Égalim). Ou encore « la gestion privée collective »  des abattoirs par les Cuma (coopératives d’utilisation du matériel agricole) ou les Scic (sociétés coopératives d’intérêt collectif). « Il conviendrait d’encourager le développement de ces solutions qui ont l’avantage de ne pas limiter à la seule sphère publique le portage économique et la gestion des abattoirs de proximité », concluent les rapporteurs.

F.L.

Télécharger le chapitre du rapport consacré aux abattoirs publics. 

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