Les associations d'élus demandent une loi pour garantir la fibre pour tous
Par Lucile Bonnin
Depuis le lancement du Plan France très haut débit en 2013, les associations d’élus n’ont pas perdu de vue l’engagement politique initial pris par le gouvernement et les opérateurs concernant le déploiement de la fibre : l'accès à la fibre doit être possible pour tous les Français. D’autant que désormais, le plan de fermeture du réseau cuivre est bien lancé et l'ADSL va disparaître d'ici à 2030.
Pas question alors pour les élus de laisser les citoyens sur le bord de la route. « Cette promesse ne pourra se contenter d’une situation finale où des millions de citoyens et des milliers d’entreprises et de services publics en resteraient à l’écart » , soulignent l’AMF, l’Avicca (1), Départements de France et la FNCCR (2) dans un communiqué de presse commun diffusé hier.
C’est un enjeu de complétude des réseaux fibre qui se joue dans cette dernière ligne droite. En dehors des zones très denses (communes à forte concentration de population), il existe une obligation dite « de complétude » des déploiements des réseaux en fibre optique contrôlée par l’Arcep. Pour rappel, la complétude est l'obligation faite aux opérateurs de couvrir l'ensemble d'une zone cohérente (par exemple un quartier ou un bourg) lorsqu'ils déploient un réseau fibre.
Cependant, depuis que les premières expérimentations ont été menées avec le lancement des premiers lots du plan de fermeture du réseau cuivre, les opérateurs indiquent que le 100 % fibre (notamment le taux de déploiement) est parfois impossible à atteindre dans certaines communes où des cas particuliers sont à relever.
Un cadre plus précis pour les opérateurs
C’est dans ce contexte que l’Arcep a mis en consultation en novembre dernier un projet de recommandation sur la mise en œuvre de cette obligation de complétude, qui vise à ajuster cette obligation pour certains cas particuliers (lire Maire info du 13 novembre). En début d’année, les associations d’élus avaient « réaffirmé leur attente commune d'une recommandation aussi exigeante sur le fond comme sur la forme, avec des objectifs, des délais, des seuils clairs et précis » (lire Maire info du 15 janvier).
C’est au début du mois d’avril que l’Arcep a rendu publique cette recommandation. Son importance est de taille puisqu’elle apporte des précisions quant à la possibilité de considérer un réseau « complet » alors même que tous les locaux ne sont pas raccordables au réseau FttH et donc de fermer dans la foulée le réseau cuivre. Ce document renseigne les élus sur ce que les opérateurs sont en droit de faire ou de ne pas faire pour éviter des abus ou des oublis. L’Arcep a notamment pris en considération les expériences des premières communes où l’ADSL a définitivement disparu.
Refus de tiers, raccordement sur demande et immeubles neufs
Dans cette recommandation, l’Arcep apporte des clarifications sur ce que doivent faire les opérateurs dans le contexte de fermeture du réseau cuivre, et notamment sur des cas de figure susceptibles d’empêcher ou retarder la complétude des déploiements des réseaux en fibre optique.
Par exemple, dans certaines communes, les opérateurs doivent faire face à des « refus de tiers » c’est-à-dire que les autorisations de travaux sont refusées pour diverses raisons (refus de permission de voirie, refus de passage en façade, refus des architectes des bâtiments de France) par des syndicats de copropriétés, de propriétaires, d’administrations. Dans ce cas précis, le gendarme des télécoms recommande aux opérateurs d’infrastructure de « documenter les efforts produits pour éviter ou résoudre ces situations » et d’effectuer un suivi dans le temps de ces dernières. Les opérateurs doivent aussi proposer des alternatives.
Sur ce point, les associations d’élus demandaient un contrôle plus ferme et une définition plus précise de ce qui peut être qualifié de refus de tiers pour éviter notamment que certains opérateurs « ne dissimulent leur inappétence à remplir leur obligation »
Autre cas partiellement éclairé par l’Arcep : certains logements ne sont pas raccordés d’office, mais peuvent l’être si les habitants en font la demande. L’Arcep précise que les opérateurs doivent, avant de qualifier un logement de « raccordable sur demande », apprécier l’appétence pour la fibre des potentiels utilisateurs. L’Autorité estime qu’il faut « considérer que la présence d’une ligne cuivre active (ou inactive depuis moins de 24 mois) desservant un logement ou local à usage professionnel, constitue un indice fort d’appétence pour la fibre, nouveau réseau fixe de référence » tout comme « l’expression directe du consommateur à l’attention des opérateurs (commerciaux ou d’infrastructure) ou des collectivités locales. »
Enfin, concernant la problématique des immeubles neufs et de nouvelles constructions, l’Arcep précise les responsabilités des opérateurs d’infrastructures dans la détection des immeubles neufs et dans leur raccordement au réseau fibre. Si l’Arcep rappelle qu’il appartient à l’opérateur d’infrastructure de construire les infrastructures de génie civil manquantes en domaine public jusqu’à la limite de domaine privé pour le raccordement au réseau FttH, un flou demeure sur « la portion de génie civil entre le point d’accès au réseau (PAR) et le domaine privé ».
Les associations d’élus dénoncent une décision « insuffisante »
En réaction à cette nouvelle recommandation, l’AMF, l’Avicca, Départements de France et la FNCCR ont publié un communiqué de presse commun dans lequel les associations d’élus estiment qu’elle ne tient pas compte « des demandes formulées notamment par l’ensemble des associations de collectivités en faveur de l’aménagement du territoire pour limiter les situations autorisant le non-respect de l’obligation de complétude de couverture ».
Pour les associations d’élus, la publication de cette recommandation est « une simple étape, à la fois nécessaire et attendue d’ailleurs depuis plusieurs années », mais qui reste largement « insuffisante ».
Ainsi, les collectivités sont « dans l’attente d’une loi pour réellement atteindre cet objectif politique majeur » : « Il est impératif que le gouvernement, le législateur et le régulateur se saisissent de cette problématique de complétude », peut-on lire dans le communiqué.
Cette loi devrait permettre, selon les demandes des quatre associations, de prendre des mesures pour obliger au partage d’informations (open data) des opérateurs aux collectivités ; de lever l’ambiguïté sur les « refus de tiers » et les blocages ; de limiter le nombre des locaux raccordables sur demande qui est un processus resté jusqu’ici « en grande partie inopérant » et enfin de préciser les conditions du raccordement des immeubles neufs en précisant clairement quel acteur sera « en charge de la redevance d’occupation du domaine public (RODP) et en capacité d’instruire les déclarations de travaux (DT-DICT) ».
Sur ce dernier point, les associations estiment qu’il est temps qu’une évolution législative et réglementaire intervienne « pour indiquer à qui affecter ce segment d’infrastructure » afin de « clarifier des situations entre-deux qui n’ont que trop duré, des collectivités ayant pris souvent l’initiative, à leurs frais, de la construction et de la gestion de ces portions, et ce, dans l’intérêt général ».
Les associations d’élus rappellent au passage que « ce qui peut sembler marginal aux yeux d’un opérateur est souvent essentiel pour un territoire et ses habitants » et c’est pourquoi elles demandent de « finaliser un cadre global pour les décennies à venir » garantissant un accès réel et complet à la fibre pour tous.
(1) Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel ; (2) Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

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