Pour lutter contre la désertification bancaire, des députés suggèrent de créer un service universel
Par Lucile Bonnin
En France, le réseau d’agences bancaires « se restreint d’année en année », souligne dans l’avant-propos de sa proposition de loi le député de la Loire Pierrick Courbon. Un phénomène qui contribue largement selon lui « aux logiques de dévitalisation du tissu économique et social des communes rurales, des périphéries urbaines et des quartiers défavorisés des grandes villes ». Concrètement, entre 2018 et 2024, une agence bancaire sur dix et un distributeur automatique de billets sur cinq ont disparu.
La menace a même tendance à s’accroitre : 6 700 agences sont menacées de disparaitre d’ici à 2027 – soit 20 % des sites actuellement en activité et le « Crédit agricole, particulièrement présent dans les départements ruraux, pourrait même fermer la moitié de ses agences dans les vingt prochaines années ». Rappelons qu’aujourd’hui déjà plus de 28 000 communes sont dépourvues de distributeurs automatiques de billets.
C’est dans ce contexte que le député de la Loire a déposé en octobre une proposition de loi visant à « garantir l'accès à l'argent liquide dans tous les territoires ». Le texte est à l’ordre du jour ce 11 décembre à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la niche parlementaire du PS.
Développer le service du retrait d’espèces à l’achat
Les premiers articles de ce texte ont pour but de faciliter le développement de la pratique du cash back commerçant en facilitant son accès pour le client et en développant son intérêt économique pour les commerçants.
Le cash back – ou « retrait d’espèces à l’achat » en français – fonctionne déjà dans certains commerces. Ce service permet simplement aux clients de retirer de l’argent en espèces auprès des commerçants simultanément à un achat de biens ou de services par carte bancaire, « la dépense et le retrait étant facturés en une seule opération monétique » : on achète une marchandise valant 10 euros, pas exemple, en payant 50 euros en carte de crédit, et le commerçant rend 40 euros en espèces. Selon le rapporteur du texte, ce service présente « un double intérêt pour la revitalisation des territoires » : « Non seulement il permet à un particulier de se fournir en espèces, mais encore il l’incite à pousser la porte d’un commerce de proximité, parfois le dernier de la localité ou du bourg, pour y consommer. »
Le but est donc d’inciter commerçants et clients à opter massivement pour cette nouvelle habitude. Pour y arriver, la proposition de loi prévoit notamment de porter le plafond des retraits d’espèces à 150 euros par transaction – au lieu de 60 euros actuellement ; d’admettre en déductibilité de l’impôt sur les sociétés tous les frais inhérents à ce service et de mettre à disposition du public par la Banque de France une carte actualisée de l’ensemble des points de retrait d’espèces, incluant les commerces fournissant des espèces à l’achat.
Service universel de la monnaie fiduciaire
La seconde moitié du texte propose de mandater La Poste comme prestataire d’un service universel de la monnaie fiduciaire.
Au-delà d’encourager des solutions de substituions, le député souhaite en premier lieu pouvoir préserver les agences bancaires et les distributeurs dans les territoires. Cependant, « dans le système concurrentiel qui régit le marché bancaire européen, quand bien même la Banque de France désirerait freiner ce mouvement, elle ne dispose d’aucun pouvoir contraignant ». L’opérateur bancaire privé ne peut pas être contraint à maintenir une activité bancaire.
« C’est pourquoi il s’avère indispensable de créer un service universel de la monnaie fiduciaire » qui serait ainsi « confié à La Poste, en sus de ses missions historiques ». Sur la base d’un contrat pluriannuel souscrit entre l’État et La Poste, le groupe sera responsable de « l’installation, l’approvisionnement et l’entretien de distributeurs automatiques de billets là où les autres opérateurs bancaires s’avèrent défaillants », de « la prise en compte des réclamations des usagers » et de « l’état de maintenance des distributeurs automatiques de billets ».
Les maires pourront être associés à la mise en œuvre de ce nouveau service universel en accueillant par exemple un conseiller bancaire de La Banque postale dans la Maison France services locale ou encore en organisant l’ouverture d’une permanence de retrait d’espèces, les jours de marché, dans un local municipal. Lors de son examen en commission, les députés ont également voté un amendement pour renforcer le rôle des élus. Ainsi, dans le cadre de la création de ce service universel de la monnaie fiduciaire, l’avis de l’AMF serait recueilli – en plus de celui de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Sur le fond, la question de la compensation financière reste très hypothétique. Le rapporteur estime qu’il faudrait mettre à contribution les « groupes bancaires oligopolistiques français » alors que la situation financière de l’État comme de La Poste sont fragiles. « Une solution de financement pérenne devra donc être déterminée dans le cadre du débat parlementaire, soit lors de l’examen de la proposition de loi, en concertation avec le gouvernement, soit à l’occasion d’un projet de loi de finances ultérieur, en créant une taxe ad hoc affectée à La Poste. »
Sur la forme, rappelons que 11 textes au total ont été inscrits à l’ordre du jour et qu’il n’est pas certain que ce texte soit effectivement examiné, sachant que la séance devra être levée à minuit ce soir. En début de séance, ce matin, les députés ont adopté la très importante proposition de loi sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique territoriale, très attendue par les élus. Maire info reviendra sur ce texte dans son édition de demain.
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