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Édition du mardi 15 février 2022
Aide sociale

Précarité : un tiers des foyers éligibles au RSA n'en fait toujours pas la demande

Le taux de non-recours n'a baissé que de 2 % en une dizaine d'années et représente 750 millions d'euros de prestations qui ne sont pas versées chaque trimestre. Les personnes jeunes, en couple sans enfant, diplômées, ainsi que les ruraux et les Parisiens sont les plus représentées.

Par A.W.

Le système statistique public n'avait plus mesuré le non-recours au revenu de solidarité active (RSA) depuis plus de dix ans, mais les choses n’ont guère changé. 

Dans une étude inédite publiée la semaine dernière, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) estime que 34 % des foyers éligibles ne recouraient toujours pas, en 2018, au RSA chaque trimestre… soit seulement deux points de moins que lors de la création de ce dispositif qui est venu remplacer le revenu minimum d’insertion (RMI). 

Des données à rapprocher également de celles présentées, en début d’année, par la Cour des comptes qui évaluait à « environ 30 % »  la population éligible ne bénéficiant pas de l’allocation et à « 60 % les allocataires ne disposant pas de contrat d’accompagnement »  (permettant la subsistance de « situations de grande précarité et d’exclusion » ).

330 euros par mois 

Sur les 1,76 million de foyers fiscaux qui étaient éligibles au RSA en 2018, 600 000 d'entre eux ne recouraient ainsi pas au RSA « chaque trimestre ». Pire, un foyer sur cinq (soit 20 %), soit 360 000 foyers, n’y recourait également pas de façon durable, c’est-à-dire au moins durant trois trimestres consécutifs. 

Des estimations qui restent, toutefois, « toujours perfectibles », précisent les auteurs de l’étude, « dans la mesure où les informations nécessaires à l’application des règles de calcul du droit aux prestations ne peuvent jamais être observées complètement ».

La Drees chiffre le montant des prestations non versées à 750 millions d’euros par trimestre, une somme qui représenterait 32 % de l’enveloppe budgétaire qui pourrait être allouée. Des droits non demandés qui sont loin d’être négligeables et sont même « relativement importants ». Le montant de RSA auquel les foyers « non recourants »  pourraient prétendre s’élèverait ainsi à 330 euros par mois et par unité de consommation. « Un montant du même ordre de grandeur que celui perçu par les recourants »  et qui s’élève à 340 euros. Et si « les non-recourants sont un peu plus nombreux à être éligibles pour de petits montants », ils sont également surreprésentés parmi les plus hauts montants, soulignent les auteurs de l’étude.

Pour les foyers non recourants, ne pas percevoir le RSA conduirait à « une perte monétaire moyenne de 57 % », les personnes seules subissant la perte relative de revenu la plus importante.

Les bénéficiaires d’autres prestations mieux informés

La Drees constate également que le non-recours est « plus limité »  pour ceux qui bénéficient déjà d’autres prestations. Parmi les personnes éligibles au RSA, « 18 % des bénéficiaires d’aides au logement, 21 % de ceux percevant des prestations familiales et 16 % des allocataires de la prime d’activité n’y recourent pas, contre respectivement 57 %, 40 % et 39 % des non-bénéficiaires de ces prestations ». La proximité avec les services du réseau des caisses d’allocations familiales serait susceptible de faciliter l’accès à l’information sur les droits au RSA et les démarches permettant d’en bénéficier.

À l’inverse, le taux de non-recours au RSA apparaît plus élevé pour les personnes de moins de 30 ans, en couple sans enfant, diplômées, hébergées chez leur parent ou propriétaires de leur logement, résidant dans des communes rurales ou dans l’agglomération parisienne.

Ainsi, « 16 % des femmes seules avec enfants éligibles à la prestation seraient en situation de non-recours au RSA contre [près de] la moitié (49 %) des couples éligibles sans enfant »  et « il en va de même pour 15 % des locataires en HLM contre 33 % des locataires du parc privé et 61 % des propriétaires (y compris accédants) ». Le non-recours au RSA est également élevé chez les jeunes entre 25 et 29 ans (44 %) et parmi les diplômés du supérieur (54 %).

Par ailleurs, « seul »  un cinquième des foyers éligibles résidents dans une agglomération de taille moyenne serait non-recourant contre presque la moitié dans les communes rurales et les unités urbaines de moins de 5 000 habitants (45 %) ou dans celle de Paris (46 %). Dans des zones rurales, « l’accès limité aux services publics et aux guichets administratifs pourrait expliquer en partie ce résultat ».

Manque d’informations pour la prime d’activité

À noter que l’enquête de la Drees aborde également la question du non-recours à la prime d’activité, mais n’a pas, pour l’heure, été en mesure de l’estimer puisque que « des données complémentaires [sont] aujourd’hui non disponibles ».

Cette estimation s’avère ainsi « plus délicate »  du fait du « manque d’informations précises sur les variations de revenus au cours de l’année ». Cette lacune est « une source potentielle d’erreur trop forte pour cette prestation, dont le montant est calculé à partir des déclarations mensuelles de revenus d’activité », pointent les auteurs de l’étude. 

Selon eux, « le projet d’appariement expérimental de l’ERFS [l’enquête sur les revenus fiscaux et sociaux produite annuellement par l’Insee, NDLR] au dispositif de ressources mensuelles (DRM), qui contient la chronique mensuelle des différents revenus individuels, serait la voie idéale pour d’une part mieux apprécier les trajectoires de revenus au cours de l’année et d’autre part fiabiliser la mesure du non-recours ».

Télécharger l’étude.
 

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