Le projet de nouvel arrêté « loups », mis en consultation publique, déchaîne les passions
Par Franck Lemarc
Plus que le projet d’arrêté lui-même, dont les contours étaient déjà connus, c’est la quantité et la nature des réactions – cinq jours seulement après la mise en ligne du texte – qui sont intéressantes, démontrant le caractère plus que jamais clivant de ce sujet.
Modification des règles de tir
Cet arrêté est destiné à remplacer celui du 21 février 2024 (lire Maire info du 26 février 2024), qui fixe les conditions de dérogations aux interdictions de « destruction » (tir létal). Mais surtout, il modifie un autre arrêté, datant de 2007, classant le loup parmi les espèces « strictement protégées », conformément à la décision prise par la Convention internationale de Berne en décembre dernier, sur proposition de la Commission européenne.
Le loup passerait donc d’espèce « strictement protégée » à « protégée ». Cela permettra d’assouplir le cadre de la destruction de ces animaux – tout en précisant clairement que « toute destruction intentionnelle en dehors du cadre défini dans le projet d’arrêté demeurera considérée comme illégale et punie des peines actuellement encourues (3 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende) ».
Concrètement, les tirs pourraient se faire, dans certains territoires, « en l’absence d’autorisation individuelle, sur simple déclaration préalable en préfecture ». Les tirs létaux seraient possibles même « en l’absence de mesures de protection (chien, clôture électrifiée ou gardiennage) », ce qui est impossible aujourd’hui. Les éleveurs d’ovins ou de caprins verraient la durée de validité de leur déclaration individuelle portée à trois ans au lieu d’un.
L’arrêté ne modifie le plafond annuel de destruction, qui reste fixé à 19 % de la population chaque année. Toutefois, « le préfet coordonnateur aura la possibilité, si le niveau de consommation s’avérait trop précoce et avant l’atteinte du plafond, de suspendre temporairement ou jusqu’à la fin de l’année les déclarations et autorisations de tir sur les territoires qu’il détermine ».
Égale véhémence
Les plus de 5 500 contributions déjà déposées sur le site de la consultation publique se partagent, très inégalement mais avec une égale véhémence, entre positions défavorables et favorables.
D’un côté, et ultra-majoritaires, des défenseurs « de la biodiversité » qui s’indignent que « l’on puisse encore s’acharner à faire reculer la protection du vivant », avec des positions parfois extrêmes, comme ce contributeur qui affirme que « l’on peut se passer de l’élevage, pas de la biodiversité » – ce qui paraît quelque peu contradictoire dans la mesure où l’élevage fait aussi partie de la biodiversité. De façon plus mesurée, plusieurs contributeurs jugent que le loup est « un régulateur naturel », comme tous les prédateurs, et qu’il faut à ce titre le protéger bien davantage. D’autres rappellent que le Conseil national de protection nationale a, lui aussi, émis un avis défavorable à ce projet d’arrêté. Certains, là encore de façon assez excessive, affirment qu’il ne « faut pas éradiquer le loup », ce dont il n’est pourtant pas question dans ce texte.
Les avis favorables sont beaucoup plus rares – peut-être, en partie, parce que le milieu écologiste qui défend le loup est plus prompt à se saisir de l’outil internet que les éleveurs. La plupart de ces avis demandent que les éleveurs soient protégés, et beaucoup estiment que si l’on ne lutte pas contre la prolifération des loups et les dommages qu’ils causent aux troupeaux, « il ne faudra pas se plaindre qu’on fasse venir des produits douteux de l’étranger ». Classiquement, des contributeurs s’élèvent contre « des décisions prises en ville par ceux qui habitent loin de tout ça ». Pendant des avis extrêmes mentionnés plus haut, certains demandent, eux, « l’éradication totale du loup », notamment au motif qu’il serait susceptible de « s’attaquer à des enfants ».
Population « stable »
La mise en consultation publique de ce texte intervient juste après la publication, par l’Office français de la biodiversité, d’une nouvelle estimation de la population de loups en France : celle-ci s’établit autour de 1 082 loups (avec une estimation basse à 989 individus et une estimation haute à 1 187). Ce chiffre est très légèrement supérieur à celui de l’an dernier (1 013), attestant « la stabilisation des effectifs constatée ces dernières années ». Pour mémoire, selon les données du site loupfrance.fr, la population de loups était à peine supérieure à zéro en 1995 – le premier couple de loups depuis 1937 ayant été observé en France en 1992, dans le Mercantour.
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