Maire-info
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Édition du mercredi 17 décembre 2025
Agriculture

Dermatose : le gouvernement annonce une « accélération de la vaccination », sans parvenir à éteindre la colère

Après deux réunions organisées à Matignon avec les ministres et les préfets concernés, le gouvernement a annoncé, hier soir, un certain nombre de mesures sur la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Sans pour autant calmer la colère des éleveurs.

Par Franck Lemarc

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© Gouvernement

C’est à un véritable feu roulant de questions sur la crise agricole que le gouvernement a été confronté, hier, à l’Assemblée nationale : sur 17 questions posées par les députés, 10 avaient trait à cette crise. Cet épisode a permis à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, et au Premier ministre Sébastien Lecornu, de dévoiler certaines décisions prises en urgence par l’exécutif pour tenter d’éviter le blocage du pays par les éleveurs, à une semaine des fêtes.

Feu roulant de questions

Les députés se sont succédé pour dire leur « solidarité »  avec les éleveurs et, pour certains, pour demander une inflexion de la stratégie gouvernementale d’abattage systématique des troupeaux où un cas a été repéré. Plusieurs parlementaires ont par ailleurs dénoncé l’intervention des forces de l’ordre dans l’Ariège, la semaine dernière, qui a choqué la population et les élus au-delà même des éleveurs (lire Maire info d’hier). À cela, le Premier ministre a répondu qu’il ne « laisserait pas croire que les forces de l’ordre sont utilisées contre les agriculteurs de France », expliquant – contre toute évidence – que ce n’était pas contre les éleveurs que les gendarmes mobiles avaient usé de la force, mais contre « quarante à cinquante militants de l’ultragauche venus s’immiscer au milieu des éleveurs ».

Au-delà de cette polémique, les deux ministres ont commencé à détailler les mesures envisagées : « accélération »  de la vaccination, création d’une « zone tampon », contrôles accrus sur le transport du bétail et soutien financier renforcé aux éleveurs. « Aucun éleveur ne sera laissé au bord du chemin, l’État sera là », a affirmé la ministre de l’Agriculture.

Vaccination « accélérée » 

En début de soirée, au sortir de la deuxième réunion de la journée organisée à Matignon, Annie Genevard a détaillé ce plan.

Premier point : la « vaccination généralisée des bovins »  va être « accélérée »  dans le sud-ouest. Elle sera désormais supervisée par « un préfet coordonnateur »  (dont la nomination n’apparaît pas, ce matin, au Journal officiel). Il sera « chargé de mettre en œuvre la vaccination dans chacun des départements ». Un « cordon sanitaire »  va être mis en place autour des départements touchés par la maladie : la vaccination généralisée touchera donc les départements de l’Ariège, de l’Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, des Pyrénées-Orientales, ainsi que le « cordon sanitaire » : Gers, Hérault, Landes, Pyrénées-Atlantiques et Tarn. La ministre chiffre le nombre de bovins concernés à « 750 000 ». Autrement dit, il n’y a rien de nouveau par rapport à ce qu’elle avait annoncé, en Occitanie, lundi, lorsqu’elle a déclaré qu’entre 600 000 et un million de bovins allaient être vaccinés.

La vaccination sera « la plus rapide possible ». Ainsi en Ariège, les 1 000 exploitations « seront intégralement vaccinées au 31 décembre », a assuré la ministre. Pour ce faire, des « vétérinaires volontaire, libéraux, retraités, en activité », seront appelés à la rescousse, ainsi que des vétérinaires des armées.

Annie Genevard a indiqué que le stock de vaccins dont dispose l’État est de 500 000 doses, actuellement « en cours d’acheminement »  vers le sud-ouest. Une nouvelle commande a été faite et 400 000 nouvelles doses devraient arriver en France dans les prochains jours.

Fonds de soutien

Le gouvernement met également l’accent sur les contrôles – dans la mesure où ce sont, probablement, des transports illégaux de bovins qui ont permis la diffusion du virus. Des contrôles routiers vont donc être mis en place de façon systématique pour empêcher tout transport d’animaux des zones touchées vers les zones indemnes du virus. De lourdes amendes seront appliquées aux contrevenants, qui risqueront également, a indiqué la ministre, « des poursuites pénales ».

Enfin, le gouvernement a décidé « la mise en place d’un fonds de soutien de plus de 10 millions d’euros », destiné aux « petits élevages des zones touchées ». Il prendra la forme d’exonérations de charges sociales et fiscales. Là où les troupeaux ont été abattus, seront pris en charge par l’État, au-delà de l’indemnisation de chaque bête abattue à sa valeur marchande, « l’indemnisation des pertes économiques et la désinfection des bâtiments d’élevage ». La ministre a rappelé – puisque la question a été plusieurs fois posée, peu avant, à l’Assemblée nationale, que le gouvernement prévoit bien la défiscalisation des indemnités versées. Un amendement en ce sens a été adopté dans le projet de loi de finances… et reste donc suspendu à son adoption.

Le ministère a également accepté de mettre en place un « groupe d’experts »  pour « étudier »  le protocole alternatif présenté par les éleveurs de l’Ariège. Ce groupe rendra son verdict dans les prochains jours.

« Fake news » 

Notons enfin que le ministère de l’Agriculture a ouvert, hier, une page spéciale sur son site consacrée à démentir les « fake news »  sur cette crise – par exemple la rumeur selon laquelle des vétérinaires auraient été radiés de l’Ordre des vétérinaires pour avoir refusé d’abattre des bêtes, ou celle selon laquelle les bovins abattus seraient vendus à des fins de consommation humaine.

Cette page répond aussi aux arguments selon lesquels « d’autres pays ont trouvé une meilleure stratégie avec un abattage sélectif »  – c’est faux, selon le ministère – ou encore selon lesquels « il suffirait d’éliminer uniquement les animaux qui présentent des symptômes ». Le ministère répond que des animaux ne présentant pas de symptômes peuvent être infectés et donc transmettre le virus. « Si l’on abat uniquement les animaux présentant des symptômes, on prend donc le risque de laisser se propager la maladie. » 

Et maintenant ?

Ces annonces vont-elles calmer la colère des éleveurs ? Il ne le semble pas. Dès hier soir, des porte-parole Confédération paysanne ont balayé d’un revers de main toutes ces annonces, (« c’est du vent » ) et annoncé qu’ils poursuivraient la mobilisation jusqu’à ce que le gouvernement renonce à l’abattage systématique des troupeaux.

La Coordination rurale ne dit pas autre chose : elle a appelé hier à la poursuite et l’amplification du mouvement, tant qu’un « nouveau protocole »  ne sera pas mis en place, sans abattage systématique. Elle appelle, dès aujourd’hui, à des actions dans l’Aisne, dans le Bas-Rhin, en Normandie…

Les blocages en cours sur les autoroutes se poursuivent ce matin. Et le mouvement pourrait connaître un nouveau souffle à l’approche d’un vote crucial, cette semaine, au Parlement européen, sur l’accord Mercosur. Des appels à manifester à Bruxelles et à Strasbourg ont été lancés pour demain, où plusieurs milliers d’agriculteurs sont attendus. La crise semble loin d’être éteinte.

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