Édition du mercredi 17 décembre 2025

Agriculture
Dermatose : le gouvernement annonce une « accélération de la vaccination », sans parvenir à éteindre la colère
Après deux réunions organisées à Matignon avec les ministres et les préfets concernés, le gouvernement a annoncé, hier soir, un certain nombre de mesures sur la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Sans pour autant calmer la colère des éleveurs.

C’est à un véritable feu roulant de questions sur la crise agricole que le gouvernement a été confronté, hier, à l’Assemblée nationale : sur 17 questions posées par les députés, 10 avaient trait à cette crise. Cet épisode a permis à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, et au Premier ministre Sébastien Lecornu, de dévoiler certaines décisions prises en urgence par l’exécutif pour tenter d’éviter le blocage du pays par les éleveurs, à une semaine des fêtes.

Feu roulant de questions

Les députés se sont succédé pour dire leur « solidarité » avec les éleveurs et, pour certains, pour demander une inflexion de la stratégie gouvernementale d’abattage systématique des troupeaux où un cas a été repéré. Plusieurs parlementaires ont par ailleurs dénoncé l’intervention des forces de l’ordre dans l’Ariège, la semaine dernière, qui a choqué la population et les élus au-delà même des éleveurs (lire Maire info d’hier). À cela, le Premier ministre a répondu qu’il ne « laisserait pas croire que les forces de l’ordre sont utilisées contre les agriculteurs de France », expliquant – contre toute évidence – que ce n’était pas contre les éleveurs que les gendarmes mobiles avaient usé de la force, mais contre « quarante à cinquante militants de l’ultragauche venus s’immiscer au milieu des éleveurs ».

Au-delà de cette polémique, les deux ministres ont commencé à détailler les mesures envisagées : « accélération » de la vaccination, création d’une « zone tampon », contrôles accrus sur le transport du bétail et soutien financier renforcé aux éleveurs. « Aucun éleveur ne sera laissé au bord du chemin, l’État sera là », a affirmé la ministre de l’Agriculture.

Vaccination « accélérée »

En début de soirée, au sortir de la deuxième réunion de la journée organisée à Matignon, Annie Genevard a détaillé ce plan.

Premier point : la « vaccination généralisée des bovins » va être « accélérée » dans le sud-ouest. Elle sera désormais supervisée par « un préfet coordonnateur » (dont la nomination n’apparaît pas, ce matin, au Journal officiel). Il sera « chargé de mettre en œuvre la vaccination dans chacun des départements ». Un « cordon sanitaire » va être mis en place autour des départements touchés par la maladie : la vaccination généralisée touchera donc les départements de l’Ariège, de l’Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, des Pyrénées-Orientales, ainsi que le « cordon sanitaire » : Gers, Hérault, Landes, Pyrénées-Atlantiques et Tarn. La ministre chiffre le nombre de bovins concernés à « 750 000 ». Autrement dit, il n’y a rien de nouveau par rapport à ce qu’elle avait annoncé, en Occitanie, lundi, lorsqu’elle a déclaré qu’entre 600 000 et un million de bovins allaient être vaccinés.

La vaccination sera « la plus rapide possible ». Ainsi en Ariège, les 1 000 exploitations « seront intégralement vaccinées au 31 décembre », a assuré la ministre. Pour ce faire, des « vétérinaires volontaire, libéraux, retraités, en activité », seront appelés à la rescousse, ainsi que des vétérinaires des armées.

Annie Genevard a indiqué que le stock de vaccins dont dispose l’État est de 500 000 doses, actuellement « en cours d’acheminement » vers le sud-ouest. Une nouvelle commande a été faite et 400 000 nouvelles doses devraient arriver en France dans les prochains jours.

Fonds de soutien

Le gouvernement met également l’accent sur les contrôles – dans la mesure où ce sont, probablement, des transports illégaux de bovins qui ont permis la diffusion du virus. Des contrôles routiers vont donc être mis en place de façon systématique pour empêcher tout transport d’animaux des zones touchées vers les zones indemnes du virus. De lourdes amendes seront appliquées aux contrevenants, qui risqueront également, a indiqué la ministre, « des poursuites pénales ».

Enfin, le gouvernement a décidé « la mise en place d’un fonds de soutien de plus de 10 millions d’euros », destiné aux « petits élevages des zones touchées ». Il prendra la forme d’exonérations de charges sociales et fiscales. Là où les troupeaux ont été abattus, seront pris en charge par l’État, au-delà de l’indemnisation de chaque bête abattue à sa valeur marchande, « l’indemnisation des pertes économiques et la désinfection des bâtiments d’élevage ». La ministre a rappelé – puisque la question a été plusieurs fois posée, peu avant, à l’Assemblée nationale, que le gouvernement prévoit bien la défiscalisation des indemnités versées. Un amendement en ce sens a été adopté dans le projet de loi de finances… et reste donc suspendu à son adoption.

Le ministère a également accepté de mettre en place un « groupe d’experts » pour « étudier » le protocole alternatif présenté par les éleveurs de l’Ariège. Ce groupe rendra son verdict dans les prochains jours.

« Fake news »

Notons enfin que le ministère de l’Agriculture a ouvert, hier, une page spéciale sur son site consacrée à démentir les « fake news » sur cette crise – par exemple la rumeur selon laquelle des vétérinaires auraient été radiés de l’Ordre des vétérinaires pour avoir refusé d’abattre des bêtes, ou celle selon laquelle les bovins abattus seraient vendus à des fins de consommation humaine.

Cette page répond aussi aux arguments selon lesquels « d’autres pays ont trouvé une meilleure stratégie avec un abattage sélectif » – c’est faux, selon le ministère – ou encore selon lesquels « il suffirait d’éliminer uniquement les animaux qui présentent des symptômes ». Le ministère répond que des animaux ne présentant pas de symptômes peuvent être infectés et donc transmettre le virus. « Si l’on abat uniquement les animaux présentant des symptômes, on prend donc le risque de laisser se propager la maladie. »

Et maintenant ?

Ces annonces vont-elles calmer la colère des éleveurs ? Il ne le semble pas. Dès hier soir, des porte-parole Confédération paysanne ont balayé d’un revers de main toutes ces annonces, (« c’est du vent ») et annoncé qu’ils poursuivraient la mobilisation jusqu’à ce que le gouvernement renonce à l’abattage systématique des troupeaux.

La Coordination rurale ne dit pas autre chose : elle a appelé hier à la poursuite et l’amplification du mouvement, tant qu’un « nouveau protocole » ne sera pas mis en place, sans abattage systématique. Elle appelle, dès aujourd’hui, à des actions dans l’Aisne, dans le Bas-Rhin, en Normandie…

Les blocages en cours sur les autoroutes se poursuivent ce matin. Et le mouvement pourrait connaître un nouveau souffle à l’approche d’un vote crucial, cette semaine, au Parlement européen, sur l’accord Mercosur. Des appels à manifester à Bruxelles et à Strasbourg ont été lancés pour demain, où plusieurs milliers d’agriculteurs sont attendus. La crise semble loin d’être éteinte.




Budget
Avec l'adoption définitive du budget de la « Sécu », les députés actent la création du réseau France santé
Outre la mesure phare visant à décaler la réforme des retraites, le projet de budget de la Sécurité sociale doit permettre la création d'un réseau de 2 000 maisons labellisées France Santé « d'ici l'été 2026 » et 5 000 « d'ici 2027 » afin de lutter contre les déserts médicaux. Déjà critiqué, celui-ci reposerait sur des structures déjà existantes. 

En attendant d’avoir un budget pour l’État, l'Assemblée nationale vient de donner hier un budget à la Sécurité sociale pour l’an prochain. Sébastien Lecornu a ainsi réussi son pari puisque le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 a été définitivement adopté par 247 voix contre 232 - et sans recours au « 49.3 » - après avoir été largement modifié et amputé d’une partie des économies initialement prévues. 

Les députés Renaissance et MoDem ont ainsi unanimement voté pour, rejoints par une large majorité des groupes PS et Liot, membres de l'opposition. Les abstentions ont été très majoritaires chez les écologistes, tout comme chez les députés des groupes Horizons et LR, membres du camp gouvernemental. L'alliance RN-UDR et les Insoumis ont, eux, unanimement voté contre. Reste encore au texte à passer l’épreuve du Conseil constitutionnel pour que l’ensemble des dispositions qui le composent entrent en vigueur et que la loi soit promulguée. 

Suspension de la réforme des retraites 

C’était la condition majeure pour que les socialistes approuvent ce PLFSS : la suspension de la réforme des retraites. Le texte suspend donc « jusqu’au 1er janvier 2028 », après la prochaine élection présidentielle, le relèvement prévu de l’âge d’ouverture des droits et la durée de cotisation. L’âge légal de la retraite est reporté d’un trimestre de la génération 1964 jusqu’à celle de 1968 et la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein est réduite.

Les personnes nées en 1964 pourront, par exemple, réclamer leur pension non pas à 63 ans comme prévu mais à 62 ans et neuf mois et obtenir une pension à taux plein avec un nombre de 170 trimestres, et non plus 171 trimestres.

Durant l’examen du texte, le gouvernement avait fait adopter un amendement qui a étendu ce dispositif aux fonctionnaires relevant des catégories actives et super actives. Cette suspension ne s’appliquera toutefois qu’aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026 et son coût est estimé à 100 millions d'euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027.

Le budget de la « Sécu » prévoit aussi une amélioration des retraites des femmes ayant eu des enfants et la création d'un nouveau congé de naissance, qui s'ajouterait aux congés maternité et paternité existants, pour une durée d'un ou deux mois. Le montant de l'indemnisation sera fixé par décret, mais le gouvernement a indiqué qu'il serait de 70 % du salaire net le premier mois et 60 % le second. 

France Santé, une « simple opération d’affichage » ? 

Au-delà de la suspension de la réforme des retraites, on peut également retenir la création d'un « réseau France Santé », une mesure souhaitée par le Premier ministre pour lutter contre les déserts médicaux et améliorer ainsi l'accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

Sans même attendre la validation du dispositif dans le PLFSS, Sébastien Lecornu avait décidé, en octobre dernier, de labelliser un premier pôle France Santé dans la Manche. Avec l’adoption du budget de la « Sécu », les choses semblent s’accélérer puisqu’une quinzaine d’autres structures labellisées ont été dévoilées hier dans le département normand, bientôt autant dans les Côtes-d’Armor et 19 en Seine-Saint-Denis, l'Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France annonçant le déploiement dans la région de 120 Maisons France Santé d'ici Noël. 

Ce sont donc les premières pierres d'un réseau qui doit garantir aux Français un accès aux soins à moins de 30 minutes de chez eux. Pour le déployer, le Premier ministre a prévu de le faire reposer essentiellement sur des structures déjà existantes avec l'objectif de 2 000 maisons France Santé « d'ici l'été 2026 » et 5 000 « d'ici 2027 ». Il serait ainsi constitué de maisons de santé (animées par des médecins libéraux), de centres de santé (où des médecins salariés exercent), voire même de pharmacies qui recevront le label « France Santé », ainsi qu'un forfait d'environ 50 000 euros. Le tout était évalué à quelque 130 millions d'euros pour 2026.

Seulement, ce réseau est déjà très critiqué, notamment par les sénateurs qui l’avaient très largement rejeté lors de l’examen du PLFSS, ceux-ci craignant qu’il « se réduise à une simple opération d’affichage politique ». Malgré son « coût », il ne servirait qu’à rendre juste « visibles des structures » préexistantes et « ne crée[rait] pas de postes de nouveaux médecins ». Ce qu’a d’ailleurs confirmé la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, dans l’hémicycle. « Pour quoi et à quoi ça va servir ? », s’était ainsi interrogée la sénatrice de la Charente-Maritime Corinne Imbert (apparentée LR), estimant que « cela mérite un peu plus de concertation avec l’ensemble des acteurs ». Les socialistes avaient également jugé plus « sage d’attendre le projet de loi sur la décentralisation » prévu pour l’an prochain. 

La ministre de la Santé avait toutefois détaillé les trois « intérêts » de ce réseau : d’abord, il « va donner de la visibilité » aux maisons, centres ou bus de santé, ensuite les « consolider » via « un financement de 50 000 euros en moyenne » et, enfin, permettre de « créer un début d’accès aux soins […] là où il n’y a rien ». Et cela en « incitant des médecins à venir s’installer » ou en installant « de la téléconsultation » dans une pharmacie par exemple, avait-elle expliqué.

Attirer les jeunes médecins dans les zones prioritaires

Autre mesure visant à lutter contre la désertification médicale, le texte rétablit un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA), qui a déjà été mis en œuvre ces dernières années. 

Reposant sur un engagement d’exercice de « deux ans » avec « un soutien économique », il doit permettre de favoriser l’installation des jeunes médecins. Selon le PLFSS, le praticien territorial de médecine ambulatoire s’engage ainsi à « exercer la médecine générale à titre libéral, pendant une durée fixée par le contrat, qui ne peut être inférieure à deux ans, dans une zone définie comme prioritaire par l’Agence régionale de santé ». Ce contrat est « renouvelable une fois ».

On peut également signaler que le rehaussement de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) à hauteur de 3 % pour l’année 2026 – la condition pour que les députés écologistes s’abstiennent – qui a permis de relever l’enveloppe globale dédiée aux soins de ville et d’hospitalisation de près de 9 milliards d’euros.

Une revalorisation qui doit permettre de flécher 3,6 milliards d’euros supplémentaires en direction des hôpitaux, selon un communiqué du gouvernement de la semaine dernière, dans lequel il assurait que 100 millions d’euros supplémentaires seront aussi dirigés vers le fonds d’intervention régional (FIR) « au bénéfice des actions médicales ultramarines » et 150 millions pour soutenir les Ehpad.




Ecole
Le Sénat demande une nouvelle méthode d'élaboration de la carte scolaire, concertée avec les élus
Le Sénat a rendu public, la semaine dernière, un riche rapport sur « la compétence scolaire des collectivités territoriales ». Il appelle à sortir de « la logique arithmétique » et de « la méthode du couperet » en matière d'élaboration de la carte scolaire.

Seule la synthèse du rapport est actuellement disponible sur le site du Sénat, le rapport lui-même étant en cours de publication. Mais les réflexions de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat sur la carte scolaire vont, indéniablement, dans le sens de ce que réclame l’AMF depuis bien des années.

« Repenser l’organisation scolaire »

Les sénateurs partent du principe que depuis trop longtemps, l’élaboration de la carte scolaire se fait « sans véritable concertation » et « s’impose » aussi bien aux élus qu’aux enseignants et aux parents. C’est ce qu’ils appellent « la méthode du couperet » : le ministère prend des décisions à l’échelle nationale, et les Dasen (directeurs académiques des services de l’Éducation nationale) les appliquent sur le terrain, annonçant brutalement fermetures d’écoles ou de classes.

Les sénateurs appellent à remplacer cette façon d’agir par une approche s’appuyant sur des critères plus « qualitatifs » qu’arithmétiques et donnant plus de visibilité aux acteurs.

En effet, s’il ne s’agit pas de nier la baisse de la démographie scolaire (il y aura environ un million d’élèves de moins en 2029 qu’en 2017), cette réalité n’est pas obligatoirement synonyme de fermetures de classes ou d’écoles : elle pourrait, selon le Sénat, être « l’occasion de repenser l’organisation scolaire au service d’une plus grande proximité éducative et d’une qualité renforcée de l’offre éducative ».

« Décisions brutales »

Les sénateurs constatent que les fermetures d’écoles sont plus fréquentes, ces dernières années, dans le monde rural que la moyenne nationale. Dans les petites communes en effet, la fermeture d’une classe « est susceptible de précipiter la disparition de l’établissement dans son ensemble ».

La première recommandation du Sénat, face à cette situation, est de mettre en œuvre une programmation pluriannuelle. Comme c’est déjà le cas pour le budget des forces de l’ordre, de la justice ou des armées, il serait de bon sens de programmer les dépenses du ministère de l’Éducation nationale sur plusieurs années, en tenant compte des projections de l’Insee en matière démographique. Le Sénat propose une loi de programmation « sur six ans », « fixant la stratégie nationale en emplois, ouvertures et fermetures de classes ou d’écoles ».

Par ailleurs, rappelant que l’AMF s’est émue en 2024 « de décisions brutales, sans concertation, de fermetures de classes et d’écoles sur l’ensemble du territoire », et ce alors que le président Macron avait promis, en 2019, qu’aucune école ne serait fermée sans l’accord du maire, les sénateurs esquissent des solutions pratiques. Parmi elles, la suppression de « l’écart entre les seuils d’ouverture et de fermeture de classes, afin qu’une école ayant subi une fermeture de classe puisse en obtenir la réouverture lorsque ses effectifs retrouvent leur niveau antérieur ».

Par ailleurs, les sénateurs critiquent une application trop rigide du taux P/E (taux d’encadrement, soit le nombre de postes d’enseignants pour 100 élèves). Ce ratio « ne reflète pas la diversité des situations territoriales ». Et, de surcroît, il « ne comptabilise pas systématiquement les enfants de moins de trois ans », comme l’exige pourtant la loi.

Une approche territorialisée

Les sénateurs constatent que l’approche « uniforme » et « mathématique » qui est celle du ministère « conduit à des décisions inadaptées aux réalités locales ». Ils appellent donc à sortir de « la méthode Excel » et de mettre en œuvre « une carte scolaire concertée ». Les Conseils départementaux de l’Éducation nationale (CDEN), où siègent les élus locaux, ne sont trop souvent que des « chambres d’enregistrement » plutôt que le lieu de la concertation nécessaire.

Ils prônent donc l’élaboration, après une vaste concertation, d’une carte scolaire non pour un an mais pour trois ans, afin de donner aux élus « davantage de prévisibilité ». Il s’agirait d’établir « des conventions triennales », où l’État s’engagerait sur les ouvertures et fermetures de classe, « en contrepartie d’un engagement des acteurs locaux sur une réflexion sur l’organisation du tissu scolaire ». Dans les très petites communes et les communes du réseau FRR, « les fermetures de classe seraient neutralisées pendant les deux premières années du conventionnement ». Cette proposition reprend en fait le principe des « conventions de ruralité » introduites à titre expérimental en 2014 mais qui, « en dépit du dynamisme des élus locaux », n’a pas été pérennisé.

Les rapporteurs proposent aussi d’élaborer de nouveaux critères « complémentaires au ratio P/E », plus qualitatifs que quantitatifs : proportion de classes multiniveaux, temps de transport des écoliers, rôle de l’école dans la vitalité locale, part d’élèves allophones ou à besoins particuliers, projets urbanistiques de la commune… Autant de critères qui devraient entrer en ligne de compte avant toute décision de fermeture de classes, selon les sénateurs – ce qui paraît du bon sens.

Pour sa part, l’AMF, auditionnée dans le cadre de cette mission parlementaire, s’est félicitée de la prise en compte de sa démarche visant à poser une méthode de concertation avec les maires sur la construction de la carte scolaire, comme le prévoit le protocole d’accord qu’elle signé avec le ministère de l’Éducation nationale le 8 avril 2025. Elle considère toutefois qu’il est  nécessaire de laisser le temps de la mise en place de cette nouvelle méthode de concertation, axée notamment sur une prévisibilité à trois ans des mesures de carte scolaire, puis d’une véritable évaluation, avant de légiférer.

Il reste à savoir l’accueil que le gouvernement réservera à ces propositions. L’occasion pour le Premier ministre, qui se dit chaud partisan de la décentralisation et de la différenciation, de mettre ces principes en œuvre, avec les élus locaux.




État civil
Un maire et ses adjoints démissionnent pour ne pas célébrer le mariage d'un étranger en situation irrégulière
Après celle de Béziers, une nouvelle affaire de mariage impliquant une personne sous OQTF a éclaté en Seine-et-Marne, où un maire et tous ses adjoints ont décidé de démissionner plutôt que célébrer un tel mariage. Explications.

Après Robert Ménard, maire de Béziers, qui a été convoqué par la justice pour avoir refusé de marier un couple dont l’un des membres était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), c’est Olivier Bourjot, maire de Chessy, en Seine-et-Marne, qui a été enjoint par le tribunal judiciaire de Meaux de célébrer un mariage « avant la fin de l’année », bien que le futur époux soit sous OQTF.

Pour ne pas avoir à le faire, le maire et tous ses adjoints ont démissionné, tout en restant membres du conseil municipal. Privée de ce fait d’officiers d’état civil, la commune ne peut célébrer le mariage.

« Fidélité aux convictions » vs « infraction pénale »

L’affaire a débuté en mars dernier, lorsque la demande de mariage a été déposée en mairie. La municipalité a auditionné les demandeurs – une « ressortissante européenne », n’ayant pas la nationalité française, indique le communiqué de la mairie, et un homme en situation irrégulière, sous OQTF depuis 2022. Ayant un « doute » sur la possibilité d’un mariage blanc, le maire saisit le procureur, qui ne s’oppose pas au mariage, disant « ne pas douter de la sincérité de la relation ». Le procureur a de plus indiqué, depuis, que l'OQTF de cette personne n'est « plus opérante ».

Le maire a tout-de-même décidé de « ne pas célébrer cette union » qui lui paraissait « insincère », et les demandeurs l’ont attaqué en référé devant le tribunal judiciaire.

Le tribunal a rejoint l’avis du procureur, jugeant la relation sincère et estimant que plusieurs éléments confirment « la nature personnelle et amoureuse de leur relation ». Le tribunal a donc enjoint, le 10 décembre, la commune à « publier les bans dans un délai de 48 heures et de fixer la date de la célébration du mariage avant la fin de l’année ».

Il faut rappeler, en effet, qu’aucune loi n’interdit à une personne en situation irrégulière de se marier. En l’état actuel du droit, la seule possibilité de ne pas célébrer un mariage (en dehors de la minorité, de la polygamie ou de la consanguinité) est la suspicion d’un mariage blanc. Dès lors que le procureur, puis la justice, ont estimé que ce risque était écarté, le maire est légalement obligé de procéder au mariage.

C’est pour « rester fidèles à (ses) convictions » que le maire a finalement décidé de démissionner avec ses adjoints. Dans son communiqué, il indique avoir eu un choix entre deux solutions : « Rester maire et persister à refuser de célébrer, entraînant des conséquences juridiques et financières » pour la commune ; ou « démissionner pour nous mettre dans l’impossibilité juridique de célébrer ».

C’est ce deuxième choix qu’ont fait le maire et ses adjoints, créant une « situation administrative inédite ». Mais celle-ci ne réglera pas le problème : le procureur de la République de Meaux a d’ores et déjà indiqué que cette démission « ne saurait faire disparaître » le fait que l’opposition du maire au mariage « est susceptible de caractériser une infraction pénale ».

Interrogé sur cette affaire ce matin sur FranceInfo, le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a déclaré que « marier quelqu'un qui fait l'objet d'une OQTF, qui normalement n'a pas à être là, comme citoyen ça me choque ». Il a ajouté que « ce n'est pas parce qu'il va se marier avec quelqu'un qui est résidente en France qu'on ne va pas le reconduire. Ce n'est pas un obstacle. »    

Proposition de loi rejetée

Le maire de Chessy, qui a bénéficié du soutien à titre personnel de David Lisnard, maire de Cannes, et d’autres ténors de la droite comme Valérie Pécresse, a certes créé un précédent en démissionnant de ses fonctions. Mais au moment où cette affaire se déroule, il n’est toujours pas inscrit dans la loi qu’un mariage ne peut être célébré si l’un des époux est en situation irrégulière. Le maire, du point de vue du droit, n’a donc en effet pas le droit de refuser de célébrer le mariage si aucune suspicion de mariage frauduleux n’existe.

Pour mémoire, cette année, des parlementaires ont tenté de changer la loi sur ce sujet, via la proposition de loi du sénateur de la Somme Christian Demilly, qui proposait d’inscrire dans le Code civil que « le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national ». Du Sénat à l’Assemblée nationale, au long de la navette parlementaire, la plupart des acteurs de ce débat, ministre de la Justice compris, ont estimé que cette disposition ne passerait pas la barrière du Conseil constitutionnel, la jurisprudence de celui-ci, en la matière, étant constante :

la « liberté matrimoniale » est un droit fondamental qui ne peut « souffrir aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion », comme il est dit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen.

La proposition de loi a finalement été recalée à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 27 juin 2025).

Un certain nombre de maires s’indignent – et ils l’ont répété lors de ce nouvel épisode – que leurs collègues puissent être obligés de marier une personne qui n’a pas le droit de se trouver sur le territoire français. Il n’en reste pas moins que cette situation risque de perdurer : seule une modification de la Constitution pourrait changer les choses, et celle-ci n’est, pour l’instant, pas à l’ordre du jour.




Logement
L'Europe s'attaque à la crise du logement
Pour la première fois de son histoire, l'Union européenne s'attaque à l'immense crise du logement qui frappe le Vieux continent en présentant mardi un plan pour encourager la construction et encadrer les locations de courte durée.

Les statistiques sont vertigineuses. Près de 1,3 million de personnes vivent sans abri dans l’UE – soit deux fois la population du Luxembourg. Au cours des 15 dernières années, le prix des logements a augmenté de 60 %. Celui des locations a lui grimpé de près de 30 %, selon l’institut européen des statistiques.

« Le logement abordable est l’un des défis les plus urgents en Europe », a déclaré mardi la vice-présidente de la Commission européenne, Teresa Ribera.

Afin de tenter d’endiguer cette crise, qui frappe l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne, ses équipes ont élaboré un « plan pour le logement abordable », présenté mardi après-midi.

Encadrer les locations de courte durée

Parmi ses principales mesures figure la présentation prochaine d’une proposition de loi pour encadrer les locations de courte durée, du type Airbnb, notamment dans les grandes villes touristiques, où de nombreux habitants leur reprochent de contribuer à la flambée des loyers. Celle-ci pourrait entre autres inclure un plafonnement du nombre de nuitées autorisées. La crise est particulièrement marquée en Espagne, pays qui a accueilli en 2024 un nombre record de visiteurs.

Bruxelles veut également dynamiser le secteur de la construction. L’idée n’est pas d’exiger que chaque État membre construise un certain nombre de maisons ne dépassant pas un certain prix. Mais plutôt de contrer les pénuries de main d’œuvre via un grand programme de formation d’apprentis et de modifier certaines normes environnementales afin d’accélérer la délivrance de permis de construire.

La Commission estime que le continent aura besoin de plus de deux millions de logements par an pour répondre à la demande actuelle. Elle souhaite également faciliter les investissements des États membres dans ce secteur et mobiliser le secteur privé.

Selon ses calculs, jusqu’à 375 milliards d’euros pourraient être mobilisés à cet effet d’ici 2029.

« Première avancée » 

Pourquoi avoir tant attendu pour agir sur ce dossier ? Le logement ne fait en principe pas partie des compétences de l’Union européenne comme le sont l’agriculture, l’immigration ou le commerce : il revient aux États membres d’agir directement. Mais la gauche pousse pour que l’Europe se saisisse malgré tout du problème.

« Nous défendons cette cause depuis des années, mais nous avons eu du mal à la placer au cœur de la politique européenne », assure l’eurodéputée socialiste Irene Tinagli. Pour l’élue italienne, cette crise « est répandue à travers tout le continent » et loin d’affecter uniquement les centre-villes des métropoles européennes.

À la tête de la Commission logement du Parlement européen, elle assure d’ailleurs avoir rencontré une ribambelle de maires européens réclamant que la Commission prenne le dossier à bras le corps.

Les édiles sont nombreux à avoir salué la publication de ce plan. Le maire de Barcelone, Jaume Collboni, l’a qualifié de « tournant pour la crise européenne du logement ». « C’est une première avancée qu’il y ait un plan », a renchéri Jacques Baudrier, adjoint chargé du logement à la mairie de Paris, auprès de l’AFP.  « Il reste encore plein de choses à définir, mais c’est une étape dans la bataille. »







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