Édition du mercredi 10 décembre 2025

Budget
Le PLFSS adopté, au prix d'une étrange recomposition
Les députés ont adopté, à une courte majorité, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, grâce au vote favorable du PS et à l'abstention de nombreux députés écologistes et Républicains. Ce vote a montré de profondes divisions jusqu'au sein des groupes politiques eux-mêmes, mais constitue une victoire pour le Premier ministre. 

Il s’en sera fallu de 13 voix. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a été adopté par 247 voix contre 234 – 93 députés s’étant abstenus. La stratégie adoptée par le Premier ministre s’est donc, au moins sur ce texte, révélée payante : Sébastien Lecornu a tenu son engagement de ne pas utiliser l’article 49-3 et d’obtenir le soutien ou la neutralité de plusieurs groupes d’opposition, à coups de concessions accordées jusqu’au dernier moment. 

Concessions

Au moins sur ce sujet du PLFSS, Sébastien Lecornu aura donc fait mieux que Michel Barnier, il y a un an presque jour pour jour, dont le gouvernement était tombé précisément à la suite de l’emploi du 49-3 pour faire passer son PLFSS, ce qui avait conduit à l’adoption, par les députés, d’une motion de censure. 

Mais depuis, la situation a quelque peu évolué, notamment depuis que le Parti socialiste, au début de l’année 2025, s’est engagé à ne pas censurer le gouvernement de François Bayrou lors de la discussion budgétaire, actant ainsi clairement sa rupture avec La France insoumise et la fin du Nouveau front populaire. 

L’autre évolution majeure a été  la promesse, faite par Sébastien Lecornu dès sa nomination en septembre, de laisser le débat parlementaire aller à son terme et de ne pas faire usage de l’article 49-3 pour passer en force. Cette décision apparaissait risquée, mais elle est, pour l’instant, payante. Le Premier ministre s’est ensuite acquis le soutien du Parti socialiste en s’engageant à « suspendre » – en réalité, décaler de quelques mois – la réforme des retraites. Il a, ensuite, consenti à reculer sur un certain nombre de mesures contenues dans le PLFSS initial et jugées inacceptables par la gauche, comme le gel des pensions et allocations ou l’augmentation des franchises médicales. 

Avec une conséquence prévisible : plus le gouvernement a cédé sur sa gauche, plus il a perdu de soutiens sur sa droite. À l’arrivée, les concessions faites au PS ont conduit à un PLFSS que beaucoup, à droite, jugent à leur tour inacceptable. C’est le cas de Bruno Retailleau, président des Républicains, qui a qualifié ce texte de « racket fiscal »… et même de l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe, qui a annoncé dès le week-end dernier que son groupe Horizons ne pourrait voter ce texte et s’abstiendrait. 

3 % pour l’Ondam

Une fois les calculs faits, à la veille du vote, il est apparu que, contre toute attente, c’était le groupe écologiste (38 députés) qui tenait la clé de ce vote décisif : s’il votait contre, le PLFSS serait rejeté ; s’il s’abstenait, le texte avait une chance de passer. Pour obtenir, a minima, une abstention des écologistes plutôt qu’un vote contre, le gouvernement a donc fait une dernière concession, à moins de 24 heures du scrutin, en déposant un amendement passant de 2 à 3 % l’Ondam (objectif national des dépenses d’assurance maladie) : autrement dit, les dépenses de l’assurance maladie augmenteraient de 3 % l’an prochain au lieu de 2 % – la copie initiale du gouvernement prévoyait 1,6 %. Cet amendement – qui a été adopté juste avant le vote final – augmente l’Ondam, en valeur absolue, de 5,6 milliards d’euros par rapport au projet initial du gouvernement. Mais – ont regretté les députés écologistes eux-mêmes, par la voix d’Hendrik Davi – « pas un euro de plus » n’est fléché vers l’Ondam hospitalier dans cette hausse, qui portera sur les soins de ville. Les députés LFI ont émis la même critique. Ce point sera à vérifier lorsque le texte sera publié. 

Quoi qu’il en soit, cette concession de dernière minute a tout de même suffi à rallier le groupe écologiste, qui a finalement annoncé qu’il s’abstiendrait « majoritairement » sur le texte – la présidente du groupe, Cyrielle Chatelain, expliquant à la tribune, de façon quelque peu étrange, que « son cœur et ses tripes » lui criaient de voter contre ce texte, mais qu’elle s’abstiendrait tout de même. 

Des dissensions au sein des groupes

Cette décision des écologistes a bel et bien sauvé la mise au gouvernement, puisque, malgré le vote contre de 9 membres du groupe, 26 députés écologistes se sont abstenus. S’ils avaient voté contre, le PLFSS aurait été rejeté.

L’analyse du scrutin montre que ce vote a suscité de lourdes dissensions au sein de la majorité des groupes politiques représentés à l’Assemblée. En réalité, seuls cinq groupes sur 11 ont voté de façon unanime : Ensemble pour la République et le MoDem, qui ont voté pour le texte ; LFI, le RN et le groupe ciottiste, qui ont voté contre. 

Dans les autres groupes, des défections individuelles, plus ou moins nombreuses, sont à constater. Le PS a presque unanimement voté pour le texte, mais six de ses députés se sont abstenus. Au PCF, 10 voix contre, 5 abstentions, une voix pour. Chez Horizons, la consigne d’Édouard Philippe de s’abstenir a été majoritairement suivie (25 abstentions, 9 vote pour). 

C’est chez les Républicains que les divisions semblent les plus profondes. Sur les 49 membres du groupe, 28 ont suivi la consigne donnée par le président du groupe, Laurent Wauquiez, et se sont abstenus, tandis que seulement 3 ont suivi celle du président du parti, Bruno Retailleau, et ont voté contre. Mais 18 députés LR ont, eux, voté pour le texte. Mathématiquement, on peut donc aussi dire que ces 18 députés ont sauvé le PLFSS de Sébastien Lecornu, puisque celui-ci a été adopté avec 13 voix d’avance seulement. 

Cadeau empoisonné

Quelle conclusion tirer de ce scrutin ? Les plus optimistes, du côté du gouvernement, parlent d’un exercice parlementaire remarquable, « d’une majorité de responsabilité », d’un « débat exigeant » et d’une « nouvelle manière d’exercer le rôle de législateur » (dixit Sébastien Lecornu). Le Premier ministre envoie au passage, dans le tweet qu’il a publié hier, un petit cadeau empoisonné au PS et aux écologistes, en les remerciant d’avoir « compris que le pouvoir est désormais partagé ». Une manière habile de dire qu’une partie de la gauche est désormais, de facto, alliée au gouvernement. 

Ce qui correspond précisément à la rhétorique de La France insoumise et du RN, qui fustigent les « trahisons » du PS et des écologistes (pour LFI) et des Républicains (pour le RN), et les conforte dans leur rôle de seule opposition cohérente. 

Si le PS, de son côté, se défend de toute « alliance » avec le camp macroniste et se félicite d’avoir fait « œuvre utile » tout en restant dans l’opposition, il reste à savoir si le message sera ainsi perçu par les électeurs. À trois mois des municipales, chacun joue très gros – et ce n’est qu’à ce moment que l’on verra les conséquences électorales des stratégies adoptées par les uns et les autres. 

À moins que d’ici là, les cartes soient à nouveau rebattues lors du vote sur le projet de loi de finances (PLF). Le gouvernement va-t-il, d’ici là, faire de nouveau des concessions pour arracher le soutien d’une partie de la gauche, au risque de perdre définitivement celui de la droite ? Le Parti socialiste va-t-il rester fidèle à son engagement de voter contre un budget qui ne contiendrait pas des mesures fiscales contraignantes contre « les plus riches » ? Les Républicains vont-ils finir par voter majoritairement contre un budget qui leur semblera trop « confiscatoire » sur le plan fiscal ? Réponse dans les jours prochains. Au train où va la politique ces temps-ci, si, finalement, socialistes et écologistes torpillent le projet de loi de finances, l’épisode du PLFSS sera bien vite oublié. 

Sébastien Lecornu fera sans doute tout pour l’éviter – tout, sauf recourir au 49-3, a-t-il encore affirmé ces derniers jours, malgré les demandes de plus en plus pressantes venues de son propre camp de rompre sa promesse. Même en ayant réussi à faire adopter son PLFSS, le Premier ministre marche toujours sur un fil. 




Normes
Simplification : le gouvernement présente le projet du méga-décret
Lors de la seconde édition du Roquelaure de la simplification, ce 9 décembre, la ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel, a présenté les grandes lignes du futur texte annoncé par le Premier ministre au Congrès des maires. La rencontre a permis également de faire un point d'étape des différentes actions de simplification opérées depuis six mois.

[Article initialement publié sur le site Maires de France] 

La méthode est « déterminée. Nous sommes des moines-soldats. Il est temps de vider la baignoire et de fermer le robinet ! » La ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel, poursuit le combat contre les normes qu’elle menait déjà au Sénat comme présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Point d'étape

Dans la foulée de l’annonce de Sébastien Lecornu d’un « méga-décret » de simplification au Congrès des maires et d’une nouvelle étape de décentralisation, Française Gatel a repris le flambeau du Roquelaure de la simplification, initié par son prédécesseur, François Rebasmen. La deuxième édition s’est tenue ce 9 décembre (la première a eu lieu le 28 avril 2025). L’occasion de faire un point sur les actions de simplification mises en œuvre depuis sept mois et de s’inscrire pleinement dans le chantier décentralisation pour laquelle un texte sera présenté au printemps prochain.

Au niveau législatif, des « compromis » ont permis l’adoption de la loi Huwart, sur l’urbanisme et l’environnement et de la loi sur le statut de l’élu, deux textes qui comportent leurs lots de simplification.

Décrets déjà publiés

Quatre décrets sur les ressources humaines «rendent plus fluides les recrutements et facilitent les mobilités » dans la fonction publique territoriale. Le décret faune-flore du 11 août 2025 élargit à cinq ans la durée de validité des inventaires faune-flore réclamés dans les dossiers de demandes d’autorisations environnementales. Les fameux décrets tertiaires imposant l’automatisation des systèmes de chauffage sont en cours de révision, comme le Premier ministre l’avait également annoncé au Congrès des maires. Les arrêtés sécurité incendie des ERP ont été révisés (décret n°2025-1100 du 19 novembre 2025). A ces textes s’ajoutent les textes de cet été faisant du préfet le seul interlocuteur des élus locaux.

590 solutions apportées aux préfets 

La cellule France simplification, mise en place sous le gouvernement Barnier, «a ouvert un canal direct des préfets à l’administration centrale. Tous les mois, une équipe commando formée auprès du Premier ministre rendent des décisions définitives sur des demandes remontées du terrain », explique Thierry Lambert, le délégué interministériel à la transformation publique. Les préfets ont fait « 1 300 propositions, 800 ont été soumises à un arbitrage et 590 solutions ont été apportées », selon le délégué interministériel.

Parallèlement, une circulaire du 28 mai 2025 avait demandé aux préfets de transmettre au ministère de l’Aménagement du territoire des propositions de simplification. Celui-ci a reçu 654 contributions couvrant essentiellement l’urbanisme, l’environnement, les ressources humaines, la commande publique et les normes techniques. « Le travail est engagé » pour simplifier, a assuré Françoise Gatel.

Le CNEN et le Conseil d’État en mission

Puis un travail plus fastidieux va également s’engager via le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil d’État. Le premier voit ses moyens renforcés : il pourra dorénavant s’appuyer les inspections générales de l’État pour travailler à réduire le stock de normes. « Cette task force ciblera chaque année certains domaines et proposera des mesures de simplification », a indiqué Françoise Gatel. La première année visera les codes de la construction, de l’habitat et les bâtiments publics. Gilles Carrez, président du CNEN, fera un premier point d’étape au printemps, pour ensuite éventuellement intégrer des mesures dès le projet de loi de finances 2027. Le Conseil d’État a, lui, pour mission de mettre à plat tous les documents de planification locale (Sraddet, Scot…) en vue de rendre celle-ci « performante, sans être redondante, intelligible et stabilisée ».

Agir aussi sur le flux des normes

Pour agir sur les flux des normes, une charte de simplification sera signée par le gouvernement, le CNEN et l’Assemblée nationale pour améliorer « l’hygiène de production législative », selon les mots de Françoise Gatel, à l’instar de la charte signée en 2023 au Sénat. Une meilleure communication des avis du CNEN aux commissions parlementaires, des études d’options figurent également parmi les réflexions.

Et puis, le ministère travaille avec les associations d’élus sur le futur méga-décret. Le texte ne sera finalement présenté que début janvier au CNEN, l’AMF ayant fait remonter des mesures sur le fonctionnement des collectivités qui ne lui convenaient pas. Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, a aussi fait part de sa «peur que la simplification soit plus orientée État que collectivités » et réitéré la demande l’AMF de « moratoire sur les nouvelles normes, de la suppression du contrôle a priori et de faire entrer dans le droit commun des mesures dérogatoires des lois Notre-Dame, Mayotte. » Françoise Gatel a répondu que les simplifications dans le fonctionnement de l'État bénéficiait aux collectivités. 

Le trésorier de l’AMF, aussi vice-président de l’Association des petites villes de France, Antoine Homé, a lui plaidé pour un changement de méthode : « sur le méga-décret, il serait bien que l’on puisse discuter avant la présentation en CNEN, que l’avis du CNEN et le vote du Sénat soient conformes pour éviter la publication de normes coûteuses pour les collectivités ».

Sept axes de simplification

A ce stade de la discussion, le méga-décret porterait les mesures de simplification sur sept axes en matière de fonctionnement des comités consultatifs, des collectivités territoriales (fusion des registres de délibérations par exemple), de fonction publique territoriale (suppression de certaines obligations de formation, prolongation à 6 ans des détachements sur emplois fonctionnels), de commande publique, de gestion des équipements, d’environnement et d’urbanisme, de gestion budgétaire et financière. En tout, une trentaine de mesures avant une seconde vague avec environ 70 mesures en 2026. 




Commerce
Grandes ou petites, comment les villes arrivent à maintenir une faible vacance commerciale
Les villes qui arrivent à conserver leurs commerces en centre-ville ont toutes plusieurs points communs, selon une étude. Outre « la diversité de l'offre », elles possèdent plus de commerces alimentaires, de restauration assise et de boutique d'habillement. A l'inverse, elles sont plus chichement dotées en agences bancaires, restauration rapide, coiffeurs et centres de soins.

« Le commerce français n’est pas condamné au déclin », et la vacance commerciale à un essor sans fin. Alors que le gouvernement a dévoilé il y a un mois son « plan » de lutte contre la désertification commerciale - après la publication d’un rapport sur le sujet - , la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT) vient de publier, « à l’approche des élections municipales », une étude documentant les dynamiques du commerce en France et l’évolution de la vacance commerciale dans les centres-villes. 

Et selon elle, « il n’y a pas de fatalité ! ». Malgré les crises et les mutations de la consommation que doit surmonter ce secteur qui fait travailler « près de 3 millions de Français », les résultats obtenus par la FACT sur les 155 000 emplacements commerciaux qu'elle a étudiés seraient même « porteurs d’espoir ».

Une vacance contenue dans les villes moyennes

Parmi les 355 villes françaises concernées par l’étude, ce sont plus de 37 % d’entre elles qui sont ainsi parvenues à réduire le pourcentage de locaux vacants entre 2019 et 2024 (elle n’était qu’environ 13 % lors de la mandature précédente), et même près de la moitié (48 %) s'agissant des villes de 50 à 100 000 habitants. Celles-ci ont ainsi pu stabiliser leur taux moyen de vacance, à « 10,8 % contre 10,6 % en 2019 ». 

Hors Île-de-France, la progression de la vacance commerciale en centre-ville a ainsi « fortement ralenti » lors de la mandature en cours avec une progression de seulement 1 %, contre une hausse de 3,2 % pendant la précédente. 

Des données qui traduisent « la transformation remarquable des acteurs français du commerce », mais attestent également « des succès plus fréquents des politiques mises en œuvre par de nombreuses collectivités, avec l’appui de l’Etat ».

« La hausse du nombre de villes qui sont parvenues à réduire le taux de vacance commerciale sur la période 2019-2024 semble attester des effets positifs de la mobilisation de très nombreuses collectivités autour des enjeux d’attractivité des centres-villes », expliquent ainsi les auteurs de l’étude en notant que la vacance des 245 villes ayant du plan Action Cœur de Ville a évolué « au même rythme que les autres ». Et ce, « en dépit d’une situation initiale moins favorable ».

« La mise en œuvre [de ce plan] a donc été opportune, et l’émergence du sujet de la dévitalisation dans le débat public a visiblement permis à davantage de collectivités de se mobiliser pour travailler à l’amélioration de l’attractivité de leurs centres-villes », jugent-ils.

Accélération dans les grandes villes

En revanche, quelques signaux d’alerte apparaissent avec notamment une hausse de la vacance qui s’est accélérée dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants (et particulièrement dans les plus grandes métropoles, hormis Marseille et Nice), celle-ci demeurant toutefois à « un niveau moyen très inférieur à la moyenne nationale » (8,7 % de vacance contre 11 % pour les 355 villes de l’étude). 

Si cette trajectoire « interroge », « il est difficile de ne pas y voir un lien avec la remise à plat des politiques de mobilité, au bénéfice des résidents et des touristes, mais certainement pas de l’accessibilité pour les habitants des bassins de vie », indiquent les auteurs de l’étude. D’ailleurs, le même phénomène est observé en Île-de-France où la tendance est inversée par rapport au reste de l’Hexagone. La région capitale a ainsi subi une progression de la vacance de 2,6 % lors de ce mandat, contre 1,5 % lors de la précédente mandature.

Finalement, si la vacance a globalement bien ralenti dans les 355 communes étudiées par rapport au mandat précédent, elle a tout de même continué de progresser en moyenne de 1,5 point (contre 2,7 % entre 2014 et 2019) pour atteindre les 11 %. D’autant que « les années de la crise Covid ont permis de faire sensiblement décroître la vacance, du fait de la baisse des défaillances d’entreprises », souligne l’étude.

Or depuis 2023, « on assiste à une reprise » de la croissance de la vacance commerciale et les dernières données déjà collectées en 2025 « laissent augurer une confirmation de cette tendance », nuance ainsi la FACT. 

L’impact négligeable de la démographie et du tourisme 

Dans ce contexte, la fédération prévient que toutes les « réussites » récentes « ne doivent pas masquer les menaces qui pèsent sur notre modèle ». Celle-ci pointe « les plateformes asiatiques » qui « déstabilisent le modèle français du commerce, fondé sur la qualité et la proximité ». « Le déferlement de leurs produits à bas coûts et souvent dangereux — sans ancrage territorial, sans respect d’une fiscalité équitable, sans souci de la sécurité du consommateur — fait peser le risque d’une décommercialisation progressive de notre pays », alerte-t-elle, alors que la taxation des petits colis en provenance de pays situés hors de l’Union européenne pourrait voir le jour dès l’an prochain.

La bonne nouvelle, c’est que les auteurs de l’étude assurent - même si cela peu paraître contre-intuitif - qu’il n’y a pas de corrélations entre l’évolution de la vacance et la démographie, le tourisme ou bien la présence d’enseignes nationales. Et donc « pas de fatalité », selon la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires qui fait remarquer que les évolutions de la vacance sont parfois « très différentes sur des territoires pourtant proches ».

« Même quand les territoires connaissent une baisse de leur population, il demeure possible de juguler la vacance commerciale », alors qu’il « serait a priori tentant de considérer que là où la population baisse, il est plus difficile de contrer la hausse de la vacance commerciale, et inversement », affirment-ils. 

Pour ce qui est du « potentiel touristique », l’étude constate que les villes à forte capacité touristique n’ont « pas mieux évolué » que les autres en la matière, entre 2019 et 2024. Sans effet notoire également, la présence plus ou moins forte d’enseignes nationales ou internationales reste d’ailleurs minoritaire dans les centres-villes français (environ 30 % des locaux occupés) et n’a « pas d’incidence » sur l’évolution du taux de vacance. 

Agir sur « tous les leviers »

Alors qu’est-ce qui fait la différence ? La composition de l’offre marchande, selon l’étude. La nature des services proposés (banques, agences immobilières…), la part de la restauration assise ou des petits commerces alimentaires sont ainsi « de véritables critères de différentiation ».

La clef du succès serait « la diversité de l’offre, la surreprésentation des commerces alimentaires, de la restauration assise et de l’habillement », concluent les auteurs de l’étude qui constatent que tous ces traits sont « communs aux villes qui connaissent une vacance faible ». Si le secteur de l’habillement est largement en déclin à l’échelle nationale, « réussir à conserver une offre significative en prêt-à-porter contribue à la complétude de l’offre proposée » notamment par les petites villes, souligne ainsi l’étude.

 À l’inverse, les agences bancaires et d’assurances, la restauration rapide, les coiffeurs, barbiers et autres centres de soins sont « nettement moins représentés » là où la vacance est la plus faible, mais bien plus dans les communes où elle est importante.

Des leviers identifiés par quatre maires dont les villes font partie du top 5 des villes de leur catégorie présentant le taux de vacance le plus faible. Fabien Roussel, Frédéric Aguilera, François Bayrou et Anne Vignot, respectivement maires de Saint-Amand-les-Eaux, Vichy, Pau et Besançon, mettent notamment en avant « l’embellissement et la mise en valeur du patrimoine », « une politique de stationnement et d’accessibilité équilibrée », mais aussi le rôle de « la culture, de l’événementiel et du sport » tout comme le « retour d’activités tertiaires et d’habitants en centre-ville ».

« C’est en agissant sur tous les leviers (logement, emploi, mise en valeur du patrimoine, accessibilité et stationnement, animations culturelles et sportives…) qu’ils ont obtenu des résultats exemplaires, en renforçant notablement le rôle de centralité de leur commune au sein de leur bassin de vie », concluent la FACT.

Consulter l'étude.
 




Égalité femmes-hommes
Dans les communes rurales, les inégalités entre les femmes et les hommes restent exacerbées
La ruralité ne crée pas des inégalités entre les femmes et les hommes mais elle les amplifie. C'est ce que montre une enquête de l'Institut Terram menée avec l'association Rura et présentée officiellement hier soir. Ses conclusions devraient intéresser les maires ruraux alors que les élections municipales approchent à grands pas.

C’est un sujet totalement absent du débat public, pourtant il concerne 11 millions de femmes, soit un tiers des Françaises. Faire sa vie en tant que femmes dans une commune rurale est, comme l’a rappelé hier Aurore Bergé, la ministre chargée de l'Égalité femmes-hommes, « un choix de territoire, d’ancrage, d’équilibre » qui peut malheureusement « se retourner contre elles ». 

Dans les territoires ruraux, « l’égalité se heurte à des contraintes spécifiques », selon Aurore Bergé. C’est ce que les deux auteurs de l’enquête – Salomé Berlioux et Félix Assouly – appellent le « malus rural du genre ». Largement invisibilisées politiquement, les femmes rurales jouent pourtant un rôle central dans ces territoires mais sont en première ligne face aux inégalités qui persistent en France. 

« Un cocktail explosif »

Si les femmes rurales et urbaines font face à de mêmes inégalités (division du travail domestique, insécurité financière, reconnaissance sociale), les femmes qui vivent à la campagne sont particulièrement confrontées aux inégalités sociales, territoriales et de genre présentes dans la société française car ces trois facteurs d’inégalité « s’enracinent dans les fragilités économiques que vit une large proportion des ruraux, sont nourries par les kilomètres à franchir, sont structurées par le patriarcat et ce qu’il induit de foncièrement inégalitaire pour les femmes ». 

« C’est un cocktail explosif », commente l’un des auteurs, Félix Assouly. À travers une enquête quantitative menée auprès de plus de 5 000 personnes et une enquête qualitative avec près de 100 entretiens avec des femmes rurales, les auteurs mettent en avant le fait « que les contraintes propres à la ruralité ne se contentent pas de s’ajouter aux inégalités de genre » mais qu’ « elles les amplifient, les rigidifient et les rendent parfois structurellement inextricables ».

Le fardeau de la distance sur les épaules des femmes 

L’étude commence par présenter des chiffres liés à l’emploi : 45 % des femmes rurales sont inactives. Il s’avère que les femmes rurales, pour trouver un emploi stable, doivent passer par un parcours d’obstacles de haut niveau, mêlant « éloignement des bassins d’emploi, faible diversification des postes accessibles, mobilités coûteuses, absence de solutions de garde [pour les enfants], poids des normes familiales et de genre ». Finalement, c’est un peu le serpent qui se mord la queue puisque « l’inégalité de genre nourrit l’inégalité territoriale, qui renforce à son tour l’inégalité de genre ». 

Comme dans beaucoup d’enquêtes dédiées à la ruralité, la distance est identifiée comme le point noir, la contrainte principale avec laquelle les habitants doivent composer. Les femmes payent le prix fort de ce qu’implique d’habiter à la campagne soit « là où les infrastructures, les services et les mobilités sont plus rares ». Concernant le travail domestique, il apparaît que 86,5 % des femmes rurales gèrent les démarches administratives du foyer, 70 % les trajets scolaires, 74 % les activités extrascolaires. « Ce qui, en ville, peut se mutualiser, se délègue rarement en ruralité », peut-on lire dans l’étude. 

« Le vrai métier des femmes rurales c’est chauffeur », dénonce avec ironie Jean Viard, sociologue et directeur de recherche au CNRS. Résultat : le temps personnel et libre de ces femmes est largement sacrifié. « 47 % des femmes rurales ont moins de 5 heures pour elles par semaine contre 25 % des hommes (22 points d’écart) », souligne Salomé Berlioux, co-auteure de l’enquête. 

Contre les violences, le rôle déterminant des élus locaux 

Ces contraintes montrent, selon les auteurs, que « s’attaquer aux inégalités de genre suppose aussi de corriger les inégalités d’accès, de distances et de services, qui les intensifient ». Le ministre chargé de la Ruralité, Michel Fournier, était également présent lors de la présentation de ce rapport. L’occasion pour lui de rappeler que les France services sont « une excellente réponse » tout comme les initiatives d’allers-vers mises en place localement comme les médico-bus par exemple. 

Mais « le maire reste le premier interlocuteur », rappelle l’ancien président de l’AMRF.  Une idée largement partagée par Aurore Bergé qui estime que « les élus locaux sont des maillons décisifs pour repérer des situations de danger » pour les femmes. Les statistiques qui concernent les violences faites aux femmes sont particulièrement préoccupantes dans les zones rurales. On retiendra surtout que 47 % des féminicides constatés chaque année a lieu dans ces communes. Un guide de l’AMF est mis à disposition des maires afin de les aider à agir sur la prévention, l’accueil et l’accompagnement des femmes victimes de violences. De son côté, l’AMRF porte le dispositif « Élus ruraux relais de l'égalité » (ERRE) qui compte aujourd’hui 2 500 élus référents.

Enfin, le monde rural est un espace encore trop masculin, a rappelé Jean Viard : la tête de liste aux élections municipales est le plus souvent un homme et l’espace public est lui aussi largement masculin (bars-PMU, terrains de sport, cours de récréation, etc) … Estimant que « ce sont les élus locaux qui dirigent les campagnes », le sociologue espère que cette enquête pourra toucher les maires ruraux et attirer leur attention. 

Les femmes rurales : l’angle mort politique déterminant 

La réforme du scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants s’est tout naturellement invité dans les échanges autour de l’étude.  Pour mémoire, la loi du 21 mai 2025 qui a étendu le scrutin de liste paritaire à toutes les communes à partir des élections de mars prochain. Pourtant encouragé par les associations d’élus, ce changement n’a pas fait l’unanimité chez les élus. Certains estiment qu’il sera difficile de trouver des femmes dans ces communes rurales qui souhaitent se présenter sur une liste. Justement, Michel Fournier estime qu’ « on a besoin d’un accélérateur pour que les femmes puissent s’engager mais aussi pour que les hommes acceptent cet engagement politique ». « Les femmes ont des responsabilités dans les milieux associatifs, pourquoi elles ne pourraient pas en avoir en tant qu’élue ? », a finalement lancé celui qui est aussi maire de Voivres.

D’ailleurs, une partie de l’enquête le montre, les femmes rurales ne sont évidemment pas plus apolitiques que celles qui vivent en milieu urbain. Ne pas les prendre en compte alors que d’importantes élections se profilent à l’horizon serait une lourde erreur. Les auteurs mentionnent l'existence d'un ressentiment rural en France qui serait aussi fort qu'aux États-Unis notamment quand 81 % des ruraux estiment que les politiques accordent trop d'importance aux préoccupations des villes.

Télécharger l'étude de l'Institut Terram. 




Littoral
Adoption définitive d'une proposition de loi permettant à toutes les collectivités de créer une « société portuaire »
L'Assemblée nationale a adopté définitivement, hier, un texte élargissant à plusieurs centaines de collectivités la possibilité de créer une « société portuaire » pour l'exploitation de leurs ports. Cette possibilité n'était, jusqu'à présent, réservée qu'aux 18 ports décentralisés par l'État. 

Une affaire rondement menée. La proposition de loi adoptée par les sénateurs le 18 juin dernier – sous le régime de la procédure accélérée – a été adoptée sans modification, hier soir, par les députés, ce qui signifie qu’elle est adoptée définitivement. Peu après le grand moment de l’adoption du PLFSS, où la quasi-totalité des députés étaient présents, l’hémicycle s’est presque entièrement vidé pour la séance du soir, consacrée à  cette proposition de loi sur les ports – qui n’a été adoptée qu’en présence de 67 votants. 

Restriction

Le principe de cette proposition de loi est assez simple : mettre à disposition de toutes les collectivités et EPCI un outil jusque-là restreint à quelques-unes seulement : la société portuaire. Cet outil, créé en 2006, permet à une collectivité de prendre des participations financières dans le capital d’un port. Une société portuaire est créée par le regroupement de deux acteurs : une collectivité (ou plusieurs) et la chambre de commerce et d’industrie (CCI). La société portuaire est ensuite chargée de l’exploitation du port, au titre de concessionnaire. 

Cet outil est particulièrement intéressant, écrivaient dans leur exposé des motifs les auteurs de la loi, les sénateurs Nadège Havet, Michel Canévet et Yves Bleunven, « parce qu’à la différence d’autres catégories de sociétés, elles permettent la participation au capital des CCI, et si les conditions en sont remplies, la conclusion de contrats en quasi-régie avec les actionnaires ». La participation des collectivités à une société d’exploitation d’un port lui donne « une assise financière plus large, permettant « des investissements d’infrastructures, de modernisation ou de transition que les CCI n’étaient pas ou plus en mesure de porter seules ».

Mais le problème est que la loi de 2006 qui a créé cet outil le réserve strictement aux seuls ports décentralisés par l’État au titre de la loi relative aux responsabilités et aux libertés locales de 2004, qui sont au nombre de 17 en métropole et un outre-mer. Les autres ports décentralisés, que ce soit en 1983 ou via la loi Notre de 2015, ne sont pas concernés – et ils sont au nombre de 600, dont une centaine de ports de pêche. 

Le texte vise donc à faire sauter la restriction prévue par la loi de 2006 et à permettre à tous les ports décentralisés d’être gérés par une société portuaire, avec participation des collectivités territoriales. 

Quasi-régie

Du côté des 18 ports ayant déjà cette possibilité, on ne peut pas dire que cet outil est plébiscité, puisque seuls deux sont gérés par une société portuaire : le port de Bayonne (dont la région Nouvelle-Aquitaine possède de plus de 70 % du capital) et celui de Brest (dont Brest métropole détient 10 % du capital et la région Bretagne 51 %). Mais, selon les sénateurs, « de nombreux autres ports souhaiteraient pouvoir en bénéficier », et en sont empêchés par la restriction prévue par la loi. C’est, disent-ils, notamment le cas des six ports de pêche du pays de Cornouailles, autour de Concarneau. 

Selon le rapport de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le port de Toulon serait également intéressé par ce modèle – mais l’adoption de la nouvelle loi, en l’espèce, ne changera rien, puisque ce port a été décentralisé en 2004 et peut donc déjà créer une société portuaire. 

On ignore donc si ce modèle rencontrera un grand plus grand succès dans les nouveaux ports concernés que dans les anciens ? Mais sénateurs et députés sont, en tout cas, d’accord sur l’utilité de leur en ouvrir la possibilité. Notamment, comme le notent les députés dans le rapport de la commission, parce que ce système est plus souple que les autres formes juridiques existantes. Les SPL (société publiques locales) ne peuvent avoir pour actionnaires que les collectivités et leurs groupements – les CCI en sont donc exclues. Quant aux sociétés d’économie mixtes (SEM), elles peuvent certes avoir à leur capital des sociétés privées, mais le régime dit de la « quasi-régie » leur est inapplicable. Ce régime, pour mémoire, permet de dispenser les collectivités de mise en concurrence et de publicité au moment de l’octroi de la concession. Les sociétés portuaires, elles, bénéficient de ce régime. 

En séance, hier, l’article unique de ce texte a été adopté sans grands débats et de façon conforme à la rédaction du Sénat. Au moment du vote, tous les groupes ont voté pour, à l’exception de La France insoumise, qui s’est opposée « fermement » à ce dispositif, disant vouloir privilégier « une gestion entièrement publique » des ports et refuse donc l’entrée de capitaux privés. 

Le texte étant ainsi définitivement adopté, il devrait être promulgué rapidement, ce qui donnerait donc la possibilité à quelque 600 ports de recourir à cet outil de gestion. 







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