Édition du jeudi 13 novembre 2025

Budget
Suspension de la réforme des retraites adoptée, PLFSS non voté... et maintenant ?
Les députés ont validé hier la « suspension » de la réforme des retraites, mais n'ont pas pu achever dans les temps l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui part maintenant au Sénat. L'Assemblée nationale va maintenant reprendre l'examen du projet de loi de finances. Le point. 

Ce fut, forcément, une séance très agitée à l’Assemblée nationale, qui a examiné hier – et adopté – le décalage de la réforme des retraites : le principe est de « geler » l’application de cette réforme jusqu’à l’élection présidentielle.

Réforme des retraites gelée

Ce gel, s’il devait être confirmé dans le texte final, profiterait aux salariés nés en 1964 et au premier trimestre 1965, qui partiraient quelques mois plus tôt que prévu. La suspension a été étendue aux carrières longues, comme le demandait le Parti socialiste. Pour connaître très précisément les modalités de ce nouveau dispositif, il faudra attendre, d’une part, que le PLFSS soit définitivement adopté, s’il l'est, et surtout les décrets d’application qui suivraient. Selon les chiffres évoqués lors du débat, cette suspension de la réforme coûterait 300 millions d’euros en 2026 et 1,9 milliard d’euros en 2027. 

On se rappelle que cette suspension correspond à un « deal » entre le Parti socialiste et Sébastien Lecornu – le premier promettant au second de ne pas le censurer s’il cédait sur ce point. 

Le succès de ce deal a été relativement large, puisque la suspension a été votée par 255 voix contre 146. Ont voté pour la suspension les groupes socialiste, écologiste, RN et Liot, ainsi qu’environ un tiers du groupe MoDem. Le groupe macroniste s’est très majoritairement abstenu, tandis que les groupes PCF, LFI, Horizons et LR votaient majoritairement contre. La position du PCF et de LFI peut surprendre, dans la mesure où ces deux groupes ont toujours milité contre la réforme des retraites. Ils s’en sont expliqué en dénonçant « une arnaque », une suspension qui n’est qu’un « décalage », et en continuant de réclamer la seule « abrogation ».

Dans la foulée de ce vote, les réactions ont évidemment été radicalement opposées dans le spectre politique. Si le Parti socialiste revendique « une victoire contre ce totem de la macronie », l’ancien ministre de l’Intérieur et actuel président des Républicains, Bruno Retailleau – redevenu depuis hier sénateur – s’est dit « effaré par la lâcheté du gouvernement ». Pour le Medef, il s’agit d’un « grave recul », tandis que les syndicats de salariés, toutes tendances confondues, se réjouissent de ce répit. 

Nombreuses modifications

L’examen – partiel – du PLFSS a également abouti à un certain nombre de modifications importantes par rapport au projet initial du gouvernement : hausse de la CSG sur les revenus du capital, nouveau « congé de naissance » plus long de deux mois que l’actuel congé parental, suppression des cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 250 salariés… In extremis, peu avant la fin des débats, les députés ont également validé une rallonge d’un milliard d’euros pour l’Ondam (objectif national des dépenses de l’assurance maladie). 

Ils ont aussi supprimé plusieurs mesures rejetées par la gauche et le RN : le gel des retraites et des prestations sociales, l’augmentation des franchises médicales, la surtaxe des mutuelles, la fin de l’exonération de cotisations sociales pour les apprentis. 

Débat interrompu

L’examen du texte n’est toutefois pas allé à son terme : le gouvernement a choisi d’appliquer avec une extrême rigueur la lettre de l’article 47-1 de la Constitution, qui dispose que « si  l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours ». Le délai de vingt jours prenant fin à minuit hier soir, il a été mis fin aux débats, alors qu’il restait près de 300 amendements à examiner. Pourtant, estiment plusieurs constitutionnalistes, il n'aurait pas été impossible de poursuivre un peu ces débats. Une partie de l’opposition a d'ailleurs vivement critiqué ce choix.. 

En réalité, en coupant court aux débats, le gouvernement s’est évité le risque d’un échec politique : si la suspension de la réforme des retraites a été, en effet, largement adoptée, il n’est pas du tout sûr qu’il en aurait été de même sur l’ensemble du texte, puisqu’il est probable que le RN, LFI, les écologistes et Les Républicains auraient unanimement voté contre, ce qui aurait conduit à un rejet du texte. 

S’agit-il, comme le dit aujourd’hui LFI, d’un « 49-3 déguisé » ? Pas tout à fait, puisque le gouvernement s’est engagé à transmettre le texte au Sénat avec les modifications votées par les députés, et non son texte initial. Ce qui, de toute façon, ne changera pas grand-chose puisque le Sénat, à majorité LR, va probablement défaire une grande partie de ce qui a été voté à l’Assemblée, à commencer par la suspension de la réforme des retraites. 

Le Sénat a 15 jours pour se prononcer sur le texte – soit jusqu’à la fin du mois de novembre. Après quoi, le PLFSS reviendra pour un tour à l’Assemblée nationale.

Retour au PLF

Dans l’intervalle, les députés vont, dès aujourd’hui, reprendre l’examen de la première partie (recettes) du projet de loi de finances, en pause depuis une dizaine de jours. Maintes fois reporté, le vote solennel sur cette première partie doit intervenir lundi 17 novembre. Et il reste une multitude de sujets clivants à traiter, comme la suppression de la niche fiscale des retraités, la taxe sur les petits colis, l’augmentation du timbre fiscal sur les titres de séjour… 

Que va-t-il se passer maintenant ? Quelles que soient les hypothèses, le résultat sera en fait assez similaire. Première hypothèse : les députés rejettent le PLF dans son ensemble, lundi prochain. Dans ce cas, le texte est transmis au Sénat – sur la base du texte initial – et les députés n’examinent pas la partie « dépenses », comme le prévoit la Constitution. Deuxième hypothèse : les députés adoptent la première partie du texte, qui est alors également transmise au Sénat, mais cette fois dans sa version amendée… mais l’examen complet de la partie « dépenses » n’aura pas davantage lieu : les délais constitutionnels supposent en effet que l’ensemble du texte (recettes et dépenses) soit transmis au Sénat avant le 23 novembre à minuit. Un examen complet de la partie « dépenses » dans ce délai est impossible. 

On semble de plus en plus certainement se diriger vers une impossibilité d’adopter le budget dans les délais impartis par la Constitution, puisque le Sénat n'aurait, lui, que 15 jours pour se prononcer. Ce qui ouvrirait la voie à une situation inédite dans la Ve République, à savoir l’adoption d’un budget par ordonnances. Une situation qui pourrait conduire à la censure du gouvernement, à la fin de l’année ou au tout début de l’année prochaine – ce qui, à moins de trois mois des municipales, transformerait une situation déjà compliquée en casse-tête absolu. 




Aménagement du territoire
Baisse des ressources du fonds postal national de péréquation territoriale : les élus montent au créneau
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une baisse de la dotation budgétaire de l'État affectée à la mission d'aménagement du territoire dans le cadre du contrat de présence postale. La nouvelle a fait vivement réagir l'AMF et l'AMRF qui craignent une remise en cause de la présence postale dans les territoires.

Depuis sa création en 2008, le contrat de présence postale (signé entre La Poste, l’État et l’AMF) fixe le cadre de contribution de La Poste pour « contribuer à la mission d’aménagement et au développement du territoire », adapter son réseau composé de 17 000 points de contact « pour répondre aux besoins des populations desservies » , et pour « associer les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) aux orientations et aux travaux de l’Observatoire national de la présence postale ».

Cette année, le contrat a été prolongé d’un an, jusqu’à fin 2026, en raison de l’absence de présidence du groupe La Poste à l'été. Depuis, Marie-Ange Debon a été nommée présidente du groupe, prenant la succession de Philippe Wahl. 

Bien que ce contrat soit absolument essentiel pour maintenir un maillage postal, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit pourtant une réduction des crédits. Une manœuvre immédiatement dénoncée par les élus. 

Une enveloppe qui passerait à 122 millions d’euros

Dans un contexte de disette budgétaire, les crédits consacrés au contrat de présence postale ne semblent pas devoir être épargnés par Bercy. 

Dans le projet de loi de finances pour l’année 2026 une diminution de 44 millions d’euros de la dotation budgétaire de l’État affectée à la mission d’aménagement du territoire confiée à La Poste est prévue, faisant passer la dotation de 120 à 76 millions d’euros. Parallèlement, le rendement de l’abattement de fiscalité locale accordé à La Poste serait en baisse (46 millions d’euros au lieu de 54), en raison de la suppression progressive de la CVAE. Ainsi, le fonds postal national de péréquation territoriale passerait, si ces deux évolutions sont maintenues dans le texte, de 174 à 122 millions d’euros.

Rappelons que ce fonds postal de péréquation territorial peut bénéficier « d’un financement maximal de 531 millions d’euros » sur les trois années du contrat, soit 177 millions d’euros par an au maximum. Ces 177 millions d’euros se décomposent en une enveloppe principale de 174 millions « provenant d’une dotation budgétaire votée annuellement par le Parlement et des abattements appliqués à la fiscalité locale due par La Poste » ; et d’une enveloppe « complémentaire », optionnelle, de 3 millions d’euros, « financée par un abattement sur les taxes foncières dues par les filiales directes et indirectes de La Poste ». Cette enveloppe complémentaire est destinée à être activée si la totalité de l’enveloppe principale est engagée – ce qui n’est jamais arrivé pour l’instant.

Par ailleurs, le montant de ce fonds de péréquation n’a pas évolué depuis 2019. Si cette diminution est actée, cela serait donc une première. La somme de 174 millions d’euros apparaît même déjà relativement faible alors que l’intégralité du coût net de la mission d’aménagement du territoire a été évalué à 322 millions d’euros pour l’année 2023 par l’Arcep.

Sentiment de « déjà-vu » 

C’est loin d’être la première fois que le sujet est mis sur la table. L’année dernière, à l’occasion du congrès de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l’ex-patron de La Poste, Philippe Wahl, avait annoncé la mauvaise nouvelle aux élus : Bercy souhaitait geler 50 millions d’euros sur ce montant de 174 millions d’euros (lire Maire info du 30 septembre 2024). 

L’affaire avait suscité l’indignation des associations d’élus si bien que Michel Barnier, à l’époque Premier ministre, avait reculé. Il avait alors assuré que les crédits seraient finalement maintenus, « jusqu’à la fin de ce contrat de présence postale ». Une promesse qui semble finalement s’être perdue entre les multiples changements de gouvernement (lire Maire info du 7 octobre 2024). 

La présence postale menacée 

C’est dans ce contexte que l’Association des maires et des présidents d’intercommunalité de France (AMF) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ont adressé la semaine dernière un courrier au Premier ministre Sébastien Lecornu. 

Les associations d’élus mettent en lumière le double impact que ferait peser « cette perte de ressource ». Elle compromettrait d’une part le financement des dépenses obligatoires (estimées à 146,2 millions d’euros) nécessaires au fonctionnement des agences postales communales et intercommunales ainsi que des relais poste. « D’autre part, elle fait disparaitre, de fait, les autres dépenses gérées par les commissions départementales de présence postale territoriale » qui adaptent les services postaux aux besoins des habitants et participent activement au maintien d’un service public de proximité.

« Sans un article rétablissant la dotation budgétaire de 44 millions d’euros complétée de 8 millions d’euros compensant la baisse d’abattement de la CVAE, c’est donc la mise en œuvre du contrat de présence postale territoriale (…) qui est menacée pour l’année 2026 ». Un amendement allant dans ce sens a d’ailleurs été déposé la semaine dernière par les députés Jean-Pierre Bataille et Michel Castellani.

Au-delà du malus financier que représenterait cette coupe budgétaire, les associations d’élus considèrent que c’est « un signal inquiétant adressé à l’AMF et à La Poste au moment où s’ouvrent les négociations du 7e contrat qui les conduisent à s’interroger sur la volonté de l’État de soutenir la présence physique de La Poste sur l’ensemble de notre territoire ». 




Budget de l'état
Budget 2026 : en commission, les députés réduisent la ponction sur les bailleurs sociaux
Cette mesure représenterait un gain de 600 millions d'euros pour les ressources des organismes HLM. En contrepartie, la création d'un véritable statut du bailleur privé doit être validée avec l'objectif de relancer l'investissement privé dans la location longue durée.

Un premier pas pour tenter d’enrayer la crise du logement. La première partie du compromis scellé, fin octobre, entre les parlementaires du bloc central et d'une partie de la gauche vient d’être entérinée par la commission des finances, à l’occasion de l’examen de la partie « dépenses » du projet de budget en fin de semaine dernière. 

Une ponction divisée par deux

Les députés ont décidé de quasiment diviser par deux la ponction qui frapperait les bailleurs sociaux l’an prochain. Après 1,1 milliard d’euros en 2025, la réduction de loyers de solidarité (RLS) serait ainsi abaissée à 700 millions d'euros, au lieu des « 1,3 milliard d'euros » prévus pour 2026, selon le calcul de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui s’en est félicitée hier, dans un communiqué, et a appelé les députés à confirmer ce vote en séance. 

Portée par des amendements identiques des députés socialistes et écologistes, soutenus par la commission des affaires économiques, cette mesure a également reçu l’avis favorable du rapporteur spécial pour le logement et l'hébergement d’urgence, François Jolivet (Horizons), lui-même à l’origine d'un amendement sur le sujet. 

« Une réduction qui n’est pas astronomique », a estimé le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques Iñaki Echaniz en rappelant que la contribution des organismes HLM au Fonds national des aides à la pierre (Fnap) serait, dans le même temps, augmentée de 375 millions d’euros en 2026, afin de soutenir les programmes de construction et de rénovation thermique.

« On revient donc à un niveau quasi identique à celui qui a été voté l’année dernière. Or cette baisse de 200 millions d’euros en 2025 est efficace puisqu’elle a permis au secteur de relancer la machine de la construction et de la rénovation. Et donc de loger les Françaises et les Français », a-t-il défendu, estimant « faire œuvre de compromis » en ne demandant pas la suppression « pure et simple » de la RLS.

Un « amendement cadeau »

Car derrière cette mesure se cache son pendant : la création d’un statut fiscal avantageux pour les bailleurs privés voulu par le bloc central.

Durant les discussions en commission, Iñaki Echaniz a d’ailleurs bien pris le soin de préciser que, « pour que [son] groupe regarde d’un œil bienveillant le statut du bailleur privé pour relancer l’investissement », la disposition favorable aux bailleurs sociaux devait être adoptée. « Si le bloc central est prêt à mettre 1 ou 2 milliards pour le logement privé, nous considérons qu’il est en capacité de faire un geste vers le logement social », a-t-il fait valoir.

L’exécutif a d’ailleurs déjà déposé un amendement - qui doit encore être discuté en séance – qui propose la mise en place d’un avantage fiscal (destiné à inciter les particuliers à investir dans un logement pour le louer via une déduction de 2 % du prix d’acquisition, chaque année, sur les revenus fonciers). Mais les députés à l’origine du compromis soutiendraient plutôt un amortissement fiscal forfaitaire de 3,5 % par an (circonscrit à 80 % de la valeur du logement, plafonné à 10 000 euros par an et dans la limite de deux logements par foyer). En outre, il ne serait possible qu’à la condition de fixer des plafonds de loyer et de ressources pour le locataire.

Reste que cet accord transpartisan est loin de réjouir tout le monde au sein du bloc central puisque le député de l'Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian (Renaissance) a critiqué, en commission, l’adoption d’un « amendement cadeau au logement social de 600 millions d’euros ». Et l’ancien ministre du Logement de regretter que, « dès qu’on dit qu’il faut toucher à l’exonération de taxe foncière des bailleurs sociaux, [on entend] dire : "Mon dieu, c’est scandaleux !" », celui-ci pestant aussi contre la « dévitalisation des conventions d’utilité sociale »

« À chaque fois, on retourne sur la vieille ficelle de donner des chèques en plus » alors qu’il « y a plein de solutions » pour permettre aux bailleurs sociaux de dégager des fonds, a critiqué l’élu d’Eure-et-Loir. Telles que « les surloyers que l’on pourrait rendre plus dynamiques », « le logement intermédiaire que l’on pourrait rendre plus intéressant » ou encore « la vente de logements sociaux », selon lui.

Hausse de 8 % des agréments HLM en 2025  

« Les excellents chiffres des demandes d’agréments des bailleurs pour 2025 sont le signe incontestable qu’une décision budgétaire a, sur la production de logements sociaux, un effet positif, immédiat et tangible », a, de son côté, expliqué la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse. 

« Après plus de six ans de baisse de la production de logements sociaux, la première étape de réduction de la RLS en 2025 s’est traduite immédiatement par une hausse significative de 8 % des agréments de logements HLM », a-t-elle vanté, assurant que, « cette année, le secteur devrait enfin renouer avec une programmation nettement supérieure à 100 000 logements ». 

Après avoir échoué cette nuit, faute de temps, à voter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), les députés reprennent aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 dans l’hémicycle. Si l'avenir du PLF est encore bien incertain, ce sera l’occasion pour eux d’examiner le statut du bailleur privé alors que l’ensemble du texte doit être transmis au Sénat d’ici le 23 novembre à minuit, selon les délais constitutionnels.

À noter que, après le vote favorable à la suspension de la réforme des retraites dans le projet de budget de la Sécu (lire l'article ci-contre), c’est la version de ce texte largement remaniée par l’Assemblée nationale qui sera transmise au Sénat, a confirmé ce matin Bercy.
 




Social
L'Anses publie une étude inquiétante sur la santé des agents de nettoyage, dans le privé comme dans le public
L'Agence de sécurité sanitaire (Anses) vient de publier une vaste et inquiétante étude sur les conditions de travail des agents de nettoyage, soumis à des risques professionnels particuliers. Elle recommande de sensibiliser les employeurs, y compris territoriaux, sur ces problématiques. 

C’est un document de plus de 400 pages qu’a rendu public hier l’Anses, intitulé Analyse des conditions de travail des agents du nettoyage et de leurs impacts sur la santé. Cette vaste étude, assortie de nombreuses recommandations, met en lumière les risques spécifiques de cette profession qui apparaît comme l’un des parents pauvres du monde du travail. Si les agents publics – fonctionnaires ou contractuels – chargés du nettoyage sont un peu mieux protégés que les autres, le recours croissant à l’externalisation, y compris dans la fonction publique, pose un certain nombre de problèmes.

Externalisation

Le secteur des agents du nettoyage concerne entre 1,2 et 1,4 million de salariés, selon l’Anses, qui fait état de difficultés à quantifier de façon très précise le nombre de travailleurs concernés. En effet, si certains travailleurs sont agents de nettoyage à plein temps et référencés comme tels, d’autres, dans la fonction publique notamment, sont des agents de service qui ne consacrent pas forcément la totalité de leur temps de travail à des tâches de nettoyage. 

Mais l’Anses donne tout de même des indications : il y a en France 500 000 travailleurs relevant spécifiquement du secteur de la propreté – c’est-à-dire employés par des entreprises de nettoyage, et qui interviennent, de façon externalisée, dans d’autres entreprises ou services publics ; environ 350 000 salariés sont employés à des tâches de nettoyage par des entreprises hors du secteur de la propreté (les agents du nettoyage internes aux entreprises) ; et, enfin, quelque 600 000 « salariés du nettoyage relevant du secteur public ». 

L’Anses note que le recours à l’externalisation est de plus en plus important, y compris dans le secteur public. Il n’a pas été possible à l’agence de quantifier le nombre de travailleurs des entreprises privées de nettoyage travaillant pour un donneur d’ordre public. Mais en revanche, il apparaît clairement que le secteur public a de plus en plus recours à des agents externes pour nettoyer les locaux : de 2005 à 2017, « les marchés publics de nettoyage ont crû de plus de 125 % ». La part des marchés dédiés aux administrations publiques était de 14,8 % en 2016, elle est passée à 17,3 % en 2020.

Les risques spécifiques concernant les agents travaillant dans des entreprises prestataires de services concernent donc aussi – et de plus en plus – le secteur public.

Salaire médian inférieur au seuil de pauvreté

C’est en effet dans ces entreprises que les conditions de travail sont les plus difficiles et les salaires les plus bas. Notamment parce que les contrats de prestation de service sont généralement à temps partiel – contrairement à un emploi d’agent de service. Selon l’Anses, un agent de service du service public, en interne, travaille en moyenne 32 h 45 par semaine, tandis qu’un salarié externalisé travaille en moyenne 24 h 30 par semaine. Conséquence : le salaire médian des agents d’entretien externalisé est « en dessous du seuil de pauvreté monétaire », à 900 euros. Les agents de service du service public touchent un salaire médian de 1 400 euros, et ceux du secteur privé (internalisés) 1 160 euros. 

Cette profession – féminisée à 75 % – est donc plus pauvre que la plupart des autres, soumise à des horaires de travail plus atypiques – très tôt le matin ou tard le soir, plus fragile parce qu’elle est majoritairement, dans le privé, constituée de travailleurs d’origine immigrée. Le taux de syndicalisation y est également particulièrement faible.

État de santé « dégradé »

À cela s’ajoute – ce qui est au centre de l’étude de l’Anses – des risques en matière de santé liés à la pénibilité et aux produits utilisés. Gestes répétitifs, postures, charges, sont autant de facteurs qui multiplient les TMS (troubles musculosquelettiques), notamment « lombalgies, pathologies au niveau des épaules, canal carpien et genoux ») auxquels cette population est plus exposée que la moyenne. L’Anses écrit que l’état de santé des agents du nettoyage est globalement « dégradé », avec « une fréquence et une gravité » des accidents du travail supérieure à la moyenne, un taux de travailleurs reconnu en maladie professionnelle « deux fois plus élevé » que dans l’ensemble du monde du travail, des licenciements pour inaptitude « deux fois plus fréquents » qu’ailleurs. 

Les données dont dispose l’Anses sont, de surcroît, probablement « sous-évaluées », parce que plusieurs facteurs (précarité, fragilité, méconnaissance des droits) de cette population conduit fréquemment à une sous-déclaration des maladies et accidents professionnels. 

Enfin, ces agents sont exposés en permanence à des produits chimiques potentiellement nocifs pour leur santé. D’où une prévalence plus élevée, dans cette profession, de l’asthme et des dermatites, mais également des bronchopneumopathies chroniques obstructives, de certains cancers – voire de malformations congénitales pour les enfants de travailleuses exposées à des produits chimiques pendant leur grossesse. 

Recommandations

L’Anses se livre à des recommandations de plusieurs types, dont certaines semblent plus facilement applicables que d’autres. 

Avant tout, elle préconise de moderniser les instruments de travail dont disposent les agents en privilégiant des outils automatisés ou semi-automatisés ou, à tout le moins, ergonomiques. Elle recommande de diminuer au maximum l’usage de produits détergents nocifs. 

La réflexion peut être pensée en amont de la construction des bâtiments tertiaires : il faut, estime l’Anses, « penser l’aménagement des locaux existants dans la mesure du possible, et surtout futurs, en fonction aussi des contraintes liées à leur nettoyage : accessibilité d’un point d’eau et à l’électricité par étage, escaliers, revêtements et éclairage adaptés, zone de stockage du matériel et des produits d’entretien, vestiaires… ».

Au-delà, il apparaît qu’un énorme travail serait à faire pour diminuer le recours aux temps partiels et au travail fragmenté, pour favoriser le nettoyage pendant les horaires de bureau et non avant ou après. Et, surtout, l’Anses pose la question des rapports de travail qu’impliquent le recours grandissant à la sous-traitance et à l’externalisation, qui fait que les donneurs d’ordre ne regardent pas d’assez près les conditions de travail des entreprises sous-traitantes auxquelles elles ont recours et, sans mauvais jeu de mots, s’en lavent les mains.

L’Anses préconise, en tout état de cause, qu’un sérieux travail de sensibilisation soit effectué vis-à-vis des donneurs d’ordre, qu’il s’agisse « des entreprises ou des collectivités territoriales », sur l’ensemble de ces problématiques.




Sports
Agence nationale du sport : « aucune décision arrêtée » sur un éventuel recentrage
« Aucune position n'est arrêtée » concernant un éventuel recentrage de l'Agence nationale du sport, a indiqué mercredi la ministre des Sports Marina Ferrari, qui a reçu la semaine dernière un rapport d'évaluation de cet opérateur de l'État.

Bras armé de la politique sportive, l'ANS – créée en 2019 – réunit l'Etat, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et des représentants des entreprises. Elle décide des orientations pour renforcer la performance des sportifs de haut niveau, mais aussi pour développer les pratiques sportives.

« Une évaluation a été demandée pour 2025, le rapport m'a été remis en fin de semaine dernière, je suis en train d'une faire une lecture très attentive, à ce stade aucune position n'est arrêtée », a déclaré la ministre mercredi en fin de journée devant la Commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat. Marina Ferrari est revenue sur « les deux positions qui peuvent s'affronter : recentrer l'ANS uniquement sur la haute performance, ou conserver à la fois la haute performance et le développement de la pratique ». 

Rappelons que lors des discussions autour du projet de loi de finances pour 2025, il avait largement été question de redéfinir le cadre d’intervention de l’ANS en lui retirant notamment la gestion des financements accordés aux collectivités territoriales, pour la recentrer sur le sport de haut niveau.

« Au stade des réflexions que je mène aujourd'hui, je pense que je suis comme de nombreux élus à considérer que l'ANS a parfaitement répondu à l'objectif qui lui était assigné en matière de développement de la haute performance, mais qu'en revanche en ce qui concerne le développement de la pratique (sportive), il est plus difficile aujourd'hui de voir vraiment la plus-value qui a été apportée par l'ANS », a ajouté la ministre. « Toutefois, je m'interroge: c'est un GIP (un groupement d'intérêt public, NDLR), et aujourd'hui il me semble que les potentialités offertes par ce statut n'ont pas été complètement explorées jusqu'au bout », a complété Marina Ferrari, estimant notamment que « par les temps budgétaires que nous connaissons, le GIP aurait vocation à aller chercher davantage de financements extérieurs pour pouvoir contribuer au développement de la pratique » sportive.

Interrogé en juin dernier par Maire info sur la question, David Lazarus, vice-président de l'Agence Nationale du Sport et coprésident de la commission Sport de l’AMF, estime de son côté que « l’Agence doit conserver sa spécificité : elle est le lieu de rencontre de l’ensemble de l’écosystème autour du sport, un lieu d’échange de débats et de remontée d’informations. Elle permet de prendre des décisions collégiales, plus proches de la réalité du terrain. Elle doit conserver les moyens de pratiquer le développement de la pratique sportive. Venir rogner ou supprimer ce deuxième pilier serait mortel pour l’Agence. » 

« À ce stade nous n'avons pas arrêté de décision. Mais je m'interroge sur le fait soit de recentrer l'ANS uniquement sur la haute performance, soit si nous conservons les deux volets il faudra bien que nous développions le volet développement de la pratique », a réitéré la ministre. L'ANS doit présenter le 18 novembre sa nouvelle feuille de route, baptisée « Ambition Bleue 2025-2032 ».






Journal Officiel du jeudi 13 novembre 2025

Ministère de la Culture
Arrêté du 20 octobre 2025 portant classement du site patrimonial remarquable de Louveciennes (Yvelines)

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