| Édition du jeudi 6 novembre 2025 |
Commerce
Contre la désertification commerciale, un rapport préconise d'élargir les pouvoirs des maires
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Pour redynamiser les centres-villes victimes de « concurrence déloyale », les auteurs recommandent d'instaurer un avis obligatoire du maire sur les demandes d'implantations et de cessions de commerces dans les territoires prioritaires. Ils défendent aussi le plafonnement de certains loyers et l'alourdissement de la fiscalité sur les locaux vacants.Â
Sauver le commerce de centre-ville face à la concurrence des plateformes étrangères de e-commerce. En pleine polémique sur l'ouverture à Paris du premier magasin du géant chinois de l’ultra fast fashion Shein, c’est l’équation à laquelle tentent de répondre les auteurs d’un rapport sur « l’avenir du commerce de proximité », remis hier au gouvernement. « La reconquête de nos cœurs de ville et de nos quartiers est possible, à condition d'agir vite, fort et collectivement », assurent-ils.
Dressant un état des lieux de la situation assez inquiétant, Frédérique Macarez, maire LR de Saint-Quentin (Aisne) et vice-présidente de Villes de France, Antoine Saintoyant, directeur de la Banque des territoires, et Dominique Schelcher, PDG de Coopérative U, appellent l’exécutif à s'attaquer réellement à la « distorsion de concurrence » qui favorise les plateformes en ligne. Au détriment du commerce physique, qu’il soit en centre-ville ou dans les quartiers populaires.
Plus de 10 % de vacance commerciale
Premier constat : alors que les ménages consomment moins, ciblent les petits prix et épargnent davantage, le commerce en ligne s'est lui généralisé avec des ventes qui sont passées de 65 à 175 milliards en dix ans. Avant, les gens « faisaient du lèche-vitrine en centre-ville. Aujourd'hui, ils scrollent sur leur canapé pour énormément d'achats non alimentaires », résumait ainsi simplement hier Dominique Schelcher.
Résultat, les corapporteurs constatent « une augmentation des défaillances d'entreprises, touchant de nombreuses enseignes dites “locomotives” du centre-ville ». Dans ce contexte, la vacance commerciale est « repartie à la hausse après la crise sanitaire » et dépasse désormais les 10 % dans les centres-villes et les 16 % dans les galeries marchandes. Un phénomène en « nette accélération observée depuis deux ans ».
« On assiste à une sur-offre commerciale », s’émeut ainsi un des élus auditionnés, en rappelant que « 50 millions de mètres carrés ont été créés depuis 2020 alors que la consommation n’a progressé que de 5 % ». Sans compter « l’inadaptation ou la mauvaise localisation » des mètres carrés commerciaux actuellement disponibles.
Le « déclin » du prêt-à-porter est « particulièrement alarmant » avec une perte de « près de 50 000 emplois en dix ans ». Une situation qui tranche avec celle du secteur de la restauration qui est devenu « le premier employeur du commerce » avec la création de « près de 100 000 emplois entre 2019 et 2024 ». D’ailleurs, si le commerce de proximité apparaît paradoxalement en forme - avec 25 % d'emplois supplémentaires en vingt ans - , c'est grâce à la restauration et l'alimentaire.
Toutefois, toutes les communes ne sont pas traitées à la même enseigne. Dans les villes Action cœur de ville, la baisse du chiffre d’affaires de la restauration est de 30 % (contre 13 % en moyenne). « Pourquoi les villes Action Cœur de ville sont-elles moins bien dotées en restauration ? Il faut des activités le midi et des personnes qui viennent le soir pour des événements culturels, par exemple », affirment les auteurs du rapport.
Risque de « désertification alimentaire » dans les QPV
En parallèle, les quelque 1 600 quartiers prioritaires de la ville (QPV) et leur plus de 6 millions d’habitants doivent, eux, affronter des « défis spécifiques ». Caractérisés par « une faible attractivité », ils souffrent d'une « carence structurelle en services de santé, en services bancaires et en commerces de première nécessité » qui ferait même peser un risque de « désertification alimentaire » et un taux de « renoncement aux soins plus élevé ».
Par ailleurs, « l'immobilier commercial y est souvent obsolète et inadapté, tandis que l'insécurité constitue un frein majeur à leur attractivité, pour les clients comme pour les entrepreneurs ».
Plus globalement, « les Français partagent largement le constat d'une dévitalisation de leur centre-ville », notent les auteurs, chaque fermeture étant vécue comme « une perte », si ce n’est « une déstabilisation » affectant « directement le quotidien ».
Un français sur deux estime ainsi que son centre-ville est « en perte de vitesse », un sur quatre qu’il est « peu fréquenté voire quasi-désert avec de nombreux commerces fermés ». Et si ce déclin est partagé par « l'ensemble des territoires », il l’est encore plus fortement par les habitants des zones rurales.
« Pour l’opinion, les causes de ce déclin sont multiples : pression sur le pouvoir d’achat (recherche des prix les plus bas dans les zones commerciales de périphérie ou en ligne), difficultés d’accès au centre-ville en transport, l’insécurité et les incivilités (notamment dans les grandes agglomérations), et un phénomène de cercle vicieux (moins il y a de commerces, moins l’on se rend au centre-ville) », relate l’étude.
Contre la concurrence déloyale, déférencer et taxer
Mais si les centres-villes font face à « une mutation profonde du commerce » qui « fragilise les territoires », les cœurs de ville « ne sont pas morts », assurent Frédérique Macarez, Antoine Saintoyant et Dominique Schelcher. Pour les redynamiser, ils présentent donc une « feuille de route opérationnelle » comprenant une trentaine de recommandations, dont 12 prioritaires, afin de réimplanter des commerces dans les centres-villes et les quartiers.
Faisant écho à l’actualité, les auteurs préconisent une stratégie nationale de « reconquête commerciale » en luttant d’abord contre la « concurrence déloyale » des plateformes en ligne et l'économie souterraine. Pour cela, ils réclament la mise en place pour les biens importés d’un « plan massif de contrôles pour le respect des normes » en ciblant particulièrement les petits colis issus du e-commerce international qui « échappent aujourd’hui majoritairement aux vérifications ».
Ils proposent aussi de déréférencer les plateformes contrevenant aux règles sanitaires, environnementales et sociales européennes, « seul levier réellement dissuasif pour mettre fin à une concurrence devenue intenable et garantir véritablement la sécurité des citoyens européens ». Autre proposition, le déploiement d’une taxe sur les achats en ligne de « deux euros minimum » dans le but de « répondre aux enjeux fiscaux, logistiques et concurrentiels posés par l’explosion des flux de petits colis ».
Elargir les pouvoirs des maires
Ils suggèrent d’ailleurs de flécher cette dernière vers le financement des volets commerce des programmes Action Cœur de ville, Petites villes de demain et Quartier prioritaire de la politique de la ville. « En allouant directement les fonds issus de cette taxe à des actions de soutien au commerce local au sein des territoires prioritaires (aide à la rénovation des vitrines, soutien à la digitalisation des commerçants, aménagement des espaces publics marchands), une dynamique plus vertueuse pourrait être mise en place », assurent-ils, en proposant aussi de taxer les entrepôts logistiques comme des surfaces commerciales.
Surtout, ils proposent une série d'outils pour mieux piloter l'action au niveau local, alors que l’attente envers les acteurs locaux reste particulièrement « forte ». En effet, l’étude montre que « les acteurs sur lesquels les Français comptent le plus pour revitaliser les centres-villes sont avant tout les mairies et collectivités locales, les commerçants et les habitants eux-mêmes ».
Les auteurs du rapport recommandent ainsi d’élargir les pouvoirs des maires pour toute nouvelle demande d'installation dans les territoires prioritaires, avec l’instauration d’un avis obligatoire sur les demandes d’implantations commerciales et de cessions de commerces.
En outre, ils proposent de plafonner certains loyers via la création d’un « bail commercial d’utilité sociale » dédié aux territoires en difficultés (ORT, QPV, FRR...) et d’alourdir la fiscalité sur les locaux commerciaux vacants.
La poursuite du développement des foncières de redynamisation et la création d’un mécanisme facilitant le changement de destination des locaux commerciaux obsolètes font aussi partie de leurs priorités. Ils proposent ainsi d’« assouplir ou faciliter ces procédures » et enjoignent la puissance publique à « s’engager pour la transformation des anciens locaux commerciaux situés dans les rues qui ont perdu leur fonction commerciale » lorsque « les propriétaires n’ont pas les moyens techniques et financiers » pour le faire.
Le ministre du Commerce, Serge Papin, devrait annoncer demain les mesures qu'il compte retenir, à l'occasion d'un déplacement à Saint-Quentin.
Consulter le rapport.
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Fonction publique
En commission, les députés rétablissent un financement pour l'apprentissage dans la fonction publique territoriale
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Dans le cadre de l'examen du volet dépenses du budget, la commission des lois de l'Assemblée nationale a débattu des crédits de la mission « Transformation et fonction publique », en s'inquiétant de l'accroissement du recours aux contractuels dans la fonction publique. La commission a également rétabli des crédits alloués au CNFPT pour l'apprentissage.Â
La commission des lois de l’Assemblée nationale a débattu, la semaine dernière, des crédits alloués à la fonction publique, et la rapporteure pour avis, Céline Thiébault-Martinez (Seine-et-Marne, PS), s’est inquiétée du poids grandissant des contractuels dans l’effectif de la fonction publique.
15 millions pour le CNFPT
Présentant les crédits de la mission, elle a jugé cette partie du budget « décevante et peu ambitieuse », avec des crédits « en forte baisse ». Plusieurs programmes sont « en voie d’extinction » – notamment le fonds interministériel d’amélioration des conditions de travail (Fiact), « qui finançait des projets utiles, concrets et peu coûteux ». La rapporteure a également déploré que les crédits de 15 millions d’euros alloués au CNFPT pour soutenir l’embauche d’apprentis dans la fonction publique territoriale (FPT) disparaissent.
Rappelons qu’à la suite d’un accord conclu en 2021 entre l’État, le CNFPT et les associations d’élus, un nouveau mode de financement de l’apprentissage dans la FPT avait été trouvé : les employeurs territoriaux avaient accepté de payer une cotisation supplémentaire de 0,1 % de la masse salariale, reversée au CNFPT (soit 40 millions d’euros par an) ; l’État mettait au mot 15 millions d’euros, tout comme France compétences. Le CNFPT avait accepté de compléter le montage avec 10 millions d’euros prélevés sur ses fonds propres.
Mais les promesses du gouvernement n’ont qu’un temps : alors que les ministres avaient promis, la main sur le cœur, que ce dispositif était « pérenne », à peine un an plus tard, le gouvernement annonçait que la contribution de l’État avait vocation à « s’éteindre d’ici fin 2025 au plus tard ». Cette promesse-là, en revanche, a bien été ténue : dans le projet de budget pour 2026, cette contribution de 15 millions d’euros a bel et bien disparu.
Cette suppression, a regretté la rapporteure, « va inévitablement fragiliser le développement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale ». Elle a donc présenté un amendement permettant de rétablir ces crédits de 15 millions d’euros, qui a été adopté par la commission. Reste à savoir si ce rétablissement sera également acté en séance publique.
Hausse « tendancielle » du nombre de contractuels
Céline Thiébault-Martinez a également souhaité mettre l’accent sur « l’augmentation tendancielle » du nombre de contractuels dans la fonction publique, désormais une « caractéristique majeure de l’emploi public en France ».
Pour mémoire, le dernier rapport sur l’état de la fonction publique publié en octobre par la DGAFP (sur les données de 2023) chiffre à 23 % le nombre d’agents contractuels dans la fonction publique, tous versants confondus. C’est d’ailleurs, souligne la DGAFP, presque entièrement l’augmentation du nombre de contractuels qui porte la hausse de l’emploi public entre 2022 et 2023. Dans la FPT, le nombre de contractuels a augmenté de 30 000 (+ 6,2 %).
Selon les projections, si le nombre de contractuels continue de croître à ce rythme, la part de ceux pourrait atteindre les 30 % en 2031.
Au-delà des raisons traditionnelles expliquant le recours aux contractuels (remplacement temporaire, pic d’activité ou recours à des compétences rares), cette augmentation est surtout liée, selon la rapporteure, « aux difficultés plus générales que rencontrent les employeurs publics pour recruter », du fait de la faible attractivité de la fonction publique.
La rapporteure a également noté que l’emploi contractuel répond aussi à « une certaine appétence » des jeunes générations « pour la mobilité professionnelle ».
Mais ce recours toujours accru aux contractuels pose un certain nombre de difficultés : les contrats sont souvent de courte durée (presque 60 % des CDD sont inférieurs à un an), « ce qui peut induire une forme d’instabilité qui fragilise le maintien des compétences au sein de la fonction publique ».
Mais surtout, contrairement aux fonctionnaires qui « reçoivent une formation initiale robuste », leur permettant « d’acquérir les fondamentaux du fonctionnement des services publics » et « les règles déontologiques », les contractuels ne bénéficient pas d’une telle formation. Ce qui est toutefois à nuancer : tous les fonctionnaires, notamment en catégorie C, ne reçoivent pas forcément la « formation robuste » dont parle la députée.
Enfin, « l’augmentation tendancielle du nombre d’agents contractuels pose la question de la coexistence, au sein du même employeur public, d’agents affectés à des emplois identiques ou similaires et remplissant les mêmes fonctions, mais qui se verraient appliquer des règles différentes en matière de carrière et de rémunération », a souligné la rapporteure.
Céline Thiébault-Martinez a fait plusieurs recommandations sur ce sujet, notamment celle d’une « réflexion stratégique » qui débuterait par l’élaboration d’un rapport, par le gouvernement, sur le coût du recrutement et de la gestion des contractuels. Le principe de ce rapport a été acté par la commission, via un amendement.
Par ailleurs, la rappporteure a pointé un autre problème souvent évoqué par les associations d’élus : l’augmentation continue du taux de cotisations à la CNRACL (caisse de retraite des agents des collectivités) renchérit le coût de la rémunération des fonctionnaires, ce qui, dans la situation tendue des finances locales, ne peut conduire les employeurs territoriaux qu’à se tourner davantage vers l’emploi contractuel.
La rapporteure recommande de se pencher sur cette question et « d’envisager sérieusement la création d’une ressource fiscale supplémentaire bénéficiant à la CNRACL et assise sur la masse salariale des agents contractuels ».
Gel du GVT et jours de carence
Plusieurs amendements ont été déposés, en commission des finances, sur le volet fonction publique du projet de budget, et ils seront à surveiller.
L’ancien ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, désormais député, va représenter des mesures sur lesquelles il avait dû reculer, l’an dernier : le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, et les trois jours de carence dans la seule fonction publique territoriale… au prétexte que les agents de la FPT ont « un taux d’absence bien plus élevé » que ceux des autres versants. Sans rappeler que ce taux d’absence s’explique par une moyenne d’âge, un nombre d’agents de catégorie C et une pénibilité bien supérieure à celle des autres versants.
Un autre amendement, déposé par des députés Horizons, vise à geler le GVT (glissement vieillesse technicité) en 2026, au motif que cela permettrait d’économiser « plusieurs centaines de millions d’euros ».
En séance, la partie dépenses du projet de loi de finances sera examinée à partir du 18 novembre – à condition que la partie recettes soit adoptée. La date du vote solennel de la première partie du budget, initialement prévue le 4 novembre, a été d’abord repoussée au 12, puis maintenant au 17 novembre – ce qui rend de plus en plus improbable l’adoption finale du budget dans les délais constitutionnels.
Rappelons que si la partie recettes du PLF n’est pas adoptée par les députés, l’ensemble du texte sera transmis au Sénat, sans que l’Assemblée nationale puisse examiner le volet dépenses.
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Numérique
Ingérences étrangères : les élections municipales loin d'être épargnées
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Les commissions des lois et de la culture du Sénat ont organisé hier une table ronde sur les risques de manipulations numériques en période électorale. Si l'utilisation de nouveaux moyens de communication numériques permet aux acteurs politiques de renouveler leurs méthodes de campagnes, des dérives sont à craindre.
Alors que les citoyens seront appelés aux urnes les 15 et 22 mars prochains pour les élections municipales, puis pour l’élection présidentielle en 2027, les préoccupations autour des risques de manipulations numériques en période électorale sont plus que jamais d’actualité. C’est notamment pour cette raison que le Sénat a organisé hier une table-ronde réunissant les principaux acteurs garants de la sûreté numérique.
Ces dernières années « l’agressivité numérique de puissances hostiles » a atteint très haut niveau, a indiqué Hugues Moutouh, secrétaire général du ministère de l’Intérieur. Une montée en puissance de la menace qui se fait d’autant plus sentir lors des rendez-vous démocratiques.
Ingérences étrangères : une menace protéiforme
L’exemple de l’élection présidentielle en Roumanie est un cas d’école. Pour la première fois dans l’Union européenne, un scrutin a été annulé après des soupçons d'ingérence étrangère. En cause : la manipulation d'algorithmes et l’instrumentalisation d'influenceurs sur le réseau social TikTok sur fond d'ingérence russe.
Utilisation de comptes inauthentiques, recours à des influenceurs numériques, usurpation d’identité de médias ou de candidats : ces menaces hybrides numériques présentent en effet un « risque d’altération de la sincérité et de l’intégrité du vote », selon le ministère de l’Intérieur.
Anne-Sophie Dhiver, directrice adjointe du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) estime que « l’état de la menace est préoccupant ». « Depuis le milieu des années 2010, aucun rendez-vous électoral et référendaire majeur n’a été épargné par une tentative de manipulation de l’information impliquant des acteurs étrangers et la menace informationnelle est permanente et croissante ».
Selon Viginum, quatre grandes stratégies sont utilisées pour interférer dans les élections : la polarisation de l’opinion publique autour de thématiques clivantes ; l’alimentation de la défiance à l’égard des médias d’information traditionnelle, l’exposition réputationnelle de candidats et, enfin, la décrédibilisation de la procédure électorale – en insinuant qu’elle est illégitime. Sur cette dernière technique, l’exemple de la présidentielle américaine de 2020 montre la puissance que peut avoir la désinformation sur les réseaux sociaux. Plus de 360 000 membres du réseau Facebook avaient alors rejoint le groupe Stop the Steal (Arrêtez le vol), un record. Le mouvement a pris de l’ampleur sur d’autres réseaux. Quelques mois plus tard, le 6 janvier 2021, le Capitole était pris d’assaut par des milliers de sympathisants de Donald Trump alors qu’il avait été battu par Joe Biden et qu’il rejetait en bloc le résultat des suffrages.
Cela serait une erreur de croire que les élections municipales, étant donné leur enjeu très local, seraient épargnées par la menace. « Elles en font d’ores et déjà l’objet », constate la représentante de Viginum. Depuis septembre dernier déjà, selon un groupe de recherches américain intitulé Insikt, une centaine de faux sites d'informations locales a été créé par un réseau d'influence russe dans la perspective des élections municipales de 2026. Ainsi des sites comme Suddouestdirect.fr ou infosdupays.fr ont été créés par des Intelligences artificielles (IA) dans le but, selon une enquête menée par Franceinfo, d'exacerber la fragmentation politique en France.
Sensibilisation des équipes de campagne
Autre exemple marquant d’ingérence à l’occasion d’une élection : l’affaire Macron Leaks en 2017. Pour mémoire, un piratage visant les ordinateurs de l'équipe de campagne du candidat Emmanuel Macron a été fomenté par un groupe de hackers russe qui ont publié sur twitter des mails et des faux documents.
Afin de protéger le débat public numérique en contexte électoral, Viginum, rattaché au secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), est créé en 2021. Ce dispositif de protection contre les ingérences numériques étrangères a publié deux ressources essentielles en amont de l’élection européenne, mais qui peuvent aussi bien être utiles aux équipes de campagne des futurs candidats aux élections municipales.
Un guide de sensibilisation à l’attention des équipes de campagne est accessible sur le site de Viginum ainsi qu’un autre guide édité cette fois par l’Anssi et intitulé 10 règles d’or pour les équipes de campagne. Des conseils sur la cybersécurité sont par exemple détaillés dans ces ressources.
Les présidents des commissions des lois et de la culture, Muriel Jourda et Laurent Lafon, ont rappelé l’existence « d’un cadre juridique pléthorique » pour lutter contre les manipulations numériques en période électorale soulignant au passage la nécessité d’intensifier les actions de contrôle en amont des élections.
Rôle capital des médias et de l’éducation
Laurent Cordonier, directeur de la recherche de la Fondation Descartes, explique qu’il est à ce jour difficile d’estimer l’impact précis des campagnes numériques qui ont été menées par exemple en Roumanie ou dans la fameuse affaire Cambridge Analytica. Les chercheurs n’ont cependant pas de doute sur le fait que « là où les campagnes de manipulation deviennent plus dangereuses c’est lorsqu’elles s’infiltrent dans les médias traditionnels ». Il cite la psychose autour des punaises de lit qui s'était répandue en France juste avant la tenue des Jeux olympiques et paralympiques. « Il faut aider les médias à ne pas devenir les relais involontaires de campagnes de manipulation », alerte Laurent Cordonier. La Fondation Descartes travaille d’ailleurs sur la mise en place d’un outil pour détecter les récits sur les réseaux sociaux qui sont poussés de manière artificielle. Benoit Loutrel, directeur général de l’Arcom, en a profité pour souligner que si « les médias jouent un rôle stratégique » dans nos démocraties, « leur modèle économique s’érode notamment » pour « les médias de proximité ».
Plusieurs sénateurs, lors de cette table-ronde, en ont profité pour souligner l’importance de mener une politique publique plus proactive sur l’éducation aux médias en direction des jeunes et des moins jeunes. Pour le directeur de l’Arcom, il est essentiel de travailler au développement « « d’un sens critique » et « d'enseigner l’utilisation à bon escient des Intelligences artificielles (IA) ». « Il y a aussi des choses à inventer via un partenariat entre État et territoires comme cela a été fait pour le déploiement des réseaux mais cette fois-ci pour les innovations numériques », a-t-il expliqué, estimant que ces menaces numériques ne sont finalement que de nouvelles formes de sujets anciens.
Ce sujet sera abordé au prochain congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, dans le cadre du forum « Elections municipales 2026 : Bien préparer le scrutin et anticiper la suite » qui aura lieu le mercredi 19 novembre de 14h à 18h, en salle Egalité.
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Emploi
Les élus appelés à signer une tribune contre la baisse des crédits des missions locales
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L'union nationale des missions locales (UNML) invite les élus à signer une tribune pour maintenir, voire « réévaluer » le financement du réseau des missions locales, alors que le gouvernement envisage de diminuer leur financement de 13 %.  La question a également été abordée à l'Assemblée nationale, sans réponse satisfaisante du gouvernement.Â
C’est l’un des innombrables sujets d’inquiétude que provoque, chez les maires, le projet de loi de finances pour 2026 : après une première baisse de 5,6 % en 2025, le budget alloué au soutien des missions locales pourrait diminuer de 13 % en 2026. Cette diminution représente, sur deux ans, l’équivalent de « 1 100 postes en moins sur le réseau, moins d’accueil et moins d’allocations versées », s’est inquiété, dans la presse, Stéphane Valli, maire de Bonneville (Savoie) et président de l’UNML.
Missions locales « saignées »
Mardi 4 novembre, lors de la séance de questions au gouvernement, le député Liot de La Réunion Stéphane Viry a interpellé l’exécutif sur ce sujet : « Aujourd’hui, plus de 600 000 jeunes sont en errance, victimes d’un échec ou d’un manque de chance. (…) Les missions locales ne les abandonnent pas : elles sont la première porte d’entrée vers l’emploi, (…) elles incarnent tout simplement l’espoir républicain pour des milliers de jeunes. Pourtant, monsieur le Premier ministre, vous saignez leurs moyens dans votre budget pour 2026 avec une diminution de 13 % de leur financement l’année prochaine et de 20 % en deux ans. Ma question est simple : souhaitez-vous supprimer les missions locales ? ».
Jean-Pierre Farandou, le ministre du Travail et de l’Emploi, a certes répondu que « les missions locales resteront au cœur de l’action [du gouvernement] pour l’insertion », ce qui n’engage à rien, mais assumé le fait de « faire un effort de redressement » sur l’ensemble des dispositifs d’insertion.
« Fausse économie »
L’Union nationale des missions locales s’est également emparée du sujet, avec le lancement d’une tribune en ligne que les élus sont invités à signer le plus largement possible (près de 500 l’ont déjà fait à l’heure où nous écrivons). Cette tribune déplore que la baisse des crédits risque de « fragiliser toute une génération » en « mettant en péril le premier service public de proximité dédié à l’insertion des jeunes ».
Quant à l’AMF, elle partage les inquiétudes de l’UNML considérant que le bloc communal contribue au financement des missions locales derrière l’État et qu’une baisse des financements étatiques ne sera pas neutre sur le fonctionnement de ces structures.
L’UNML rappelle que les missions locales, fortes de 6 800 lieux d’accueil, accompagnent plus d’un million de jeunes chaque année. « Présidées et pilotées par les élus locaux, (elles) incarnent ce que nos territoires savent faire de mieux : la solidarité, l’efficacité grâce à la proximité ».
Pour l’UNML, la baisse des crédits est « une fausse économie », parce qu’elle risque d’aboutir à une hausse « des coûts sociaux (hébergement d’urgence, santé) et d’entamer la cohésion sociale ».
D’autant que cette diminution des crédits des missions locales n’est pas le seul point noir du projet de budget en matière d’insertion : de nombreuses dispositions du PLF risquent « de s’avérer très handicapants pour toute une génération », souligne l’UNML, qui met notamment en avant la mise en place de cotisations sociales pour les apprentis et la suppression de l’aider au financement du permis de conduire pour ceux-ci, la perte « de 20 000 postes dans les dispositifs d’insertion par l’aide économique », la diminution de 53 millions d’euros sur deux ans des « allocations ponctuelles accordées aux jeunes dans leur parcours d’insertion »… « Les collectivités qui, demain, se tourneront vers les missions locales pour répondre aux besoins des jeunes, pourraient trouver des partenaires exsangues ».
Fonds d’urgence
L’UNML demande au Parlement de renoncer à la diminution des crédits des missions locales, et de créer « un fonds d’urgence pour soutenir les missions locales en difficulté financière ». Elle demande également la reconduction de l’objectif de « 200 000 jeunes engagés dans le contrat d’engagement jeunes » et la préservation des 53 millions d’euros du budget du Parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) que le gouvernement veut supprimer.
En conclusion, l’UNML appelle les élus à « se mobiliser pour défendre un modèle unique, décentralisé et efficace d’insertion professionnelle et sociale des jeunes », modèle qui donne aux jeunes « les moyens de se construire un avenir et de devenir acteurs à part entière de la société ».
Signer la tribune.
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Budget
Coupe massive envisagée dans le remboursement des cures thermales
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Le gouvernement a confirmé mercredi sa volonté de couper massivement dans le remboursement des cures thermales, un « coup de massue » et « une catastrophe sanitaire et économique » pour les acteurs du secteur réunis aux rencontres du thermalisme à La Bourboule.
Si le Parlement entérine ce choix, le taux de remboursement des cures thermales passerait de 65 % actuellement à 15 %, a indiqué la ministre déléguée chargée de la Solidarité, Charlotte Parmentier-Lecocq. Couplée à la suppression du remboursement à 100 % pour les personnes en ALD (Affection de longue durée) déjà annoncée, la mesure permettrait « une économie de 200 millions d'euros » pour les comptes sociaux, selon la ministre qui s'exprimait au Sénat.
Ce serait « une catastrophe pour la santé » et une « aberration parce que ça priverait de soins efficaces un certain nombre de patients », assure Thierry Dubois, président du Conseil national des établissements thermaux (CNETh) qui regroupe la totalité des 103 établissements thermaux. Plus de 470 000 curistes, dont 25 % en ALD, ont profité en 2024 des cures thermales. Sur une dépense moyenne d'environ 680 euros pour une cure, ils ne seraient plus remboursés qu'à hauteur de 130 euros, et les soins reviendraient à 1 800 euros, en comptant les frais annexes comme l'hébergement ou les transports, selon Thierry Dubois.
Dans cette hypothèse, « il y aura beaucoup moins de curistes », prédit-il. Résultat : « On va perdre entre 3,5 et 3,8 milliards » d'euros sur les ressources générées par les cures, évaluées à 4,8 milliards. Idem pour les emplois qui passeraient de 25 000 équivalents temps plein à 5 000. « Une décision aussi brutale mettrait à mal les communes thermales », car les cures « contribuent à l'aménagement du territoire, suscitent de l'activité en terme de commerces de bouche, d'hébergements, d'emplois », souligne de son côté Julien Dubois, maire de Dax (Landes) qui représente les élus de 80 communes thermales.
Fermeture
Première destination thermale de France et plus gros employeur du bassin de Thau dans l'Hérault, la station de Paul-François Houvion accueille 52 000 curistes par an à Balaruc-les-Bains. « J'ai 3 500 emplois indirects qui vont être touchés » et 50 % de curistes en moins si la mesure entre en vigueur, dit-il, se disant moins en danger que d'autres « parce que j'ai une grosse station solide financièrement ». « Mais qu'est-ce qu'on fait de tous ces patients qu'on va laisser sur le bord de la route ? », interroge-t-il.
Pour Benjamin Monssus, directeur de la station thermale familiale de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire) avec 4 400 curistes par an, la mesure est « une catastrophe économique et sanitaire ». « Pour nous c'est le coup de massue et c'est la fermeture car c'est 90 % de patients qui ne viendront pas se soigner », avec des conséquences sur leur santé, affirme-t-il. « Il y a quand même beaucoup de gens avec peu de moyens (...) des gens qui ont des petits boulots, qui ont été cassés physiquement par leur travail mais qui font cet effort financier », souligne de son côté Camille Preziosi, médecin qui assure le suivi thermal des curistes de Vals-les-Bains (Ardèche).
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Journal Officiel du jeudi 6 novembre 2025
Ministère de l'Intérieur
Ministère de l'Intérieur
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