| Édition du lundi 6 octobre 2025 |
Crise politique
La démission surprise du Premier ministre acte la mort du « socle commun » et aggrave un peu plus la crise politique
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Une quinzaine d'heures après la nomination de son gouvernement, le Premier ministre Sébastien Lecornu a remis sa démission au président de la République, qui l'a acceptée. Le « socle commun » a vécu, et l'unité du « bloc central » vole en éclats. Récit.
Socle commun : heure du décès, lundi 6 octobre, 9 h 45. Sébastien Lecornu avait promis, lors de sa prise de fonction, une « rupture », mais il ne pensait pas forcément à celle-là. Quelques heures après l’annonce d’un gouvernement presque copié-collé du précédent, pourtant renversé par les députés, le « socle commun » a explosé, et le Premier ministre a démissionné.
Copié-collé
Le Premier ministre a donc décidé de prendre les devants, quelques heures avant une réunion des instances des Républicains lors de laquelle ceux-ci se préparaient à annoncer leur sortie du gouvernement. Déjà, dès hier soir, le « bloc central » (Renaissance, MoDem, Horizons et UDI) s’était trouvé privé d’un de ses membres, l’UDI, et l’on sentait le « socle commun » – l’alliance du bloc central avec Les Républicains mise en place par Michel Barnier – au bord d’exploser. C’est le résultat de l’annonce, hier, d’un nouveau gouvernement, annonce par laquelle le chef de l’État et le Premier ministre ont réussi l’exploit de fâcher tout le monde.
On attendait un nouveau gouvernement, on a eu un (petit) remaniement. Dix-huit ministres ont été nommés hier, dont la liste a été aussitôt officialisée dans une édition spéciale du Journal officiel, ce qui signifie que, même après la démission de ce gouvernement, c'est bien cette équipe qui assurera les « affaires courantes » dans les jours ou les semaines à venir. Sur ces 18 ministres, 14 faisaient déjà partie de l’équipe précédente, et n’ont pas changé de portefeuille. À commencer par les quatre ministres d’État, Élisabeth Borne (Éducation nationale, Enseignement supérieur et Recherche), Manuel Valls (Outre-mer), Gérald Darmanin (Justice) et Bruno Retailleau (Intérieur).
Deux sorties étaient en revanche certaines : celle d’Éric Lombard, ancien ministre de l’Économie, qu’il n’était tout de même pas possible de garder au gouvernement dans la mesure où c’est précisément sur les questions budgétaires que le gouvernement Bayrou est tombé ; et celle de François Rebsamen, ancien ministre de la Décentralisation, qui avait annoncé dès la semaine dernière qu’il ne souhaitait pas participer au nouveau gouvernement.
Il avait été remplacé par Éric Woerth, député ex-LR et aujourd’hui macroniste de l’Oise et ancien maire de Chantilly. C’est donc à lui qu’aurait dû échoir la mise en œuvre du « grand acte de décentralisation » voulu par Sébastien Lecornu. Ce choix n’avait rien de surprenant, dans la mesure où Éric Woerth a été récemment chargé d’un rapport sur la décentralisation, rapport qui a été rendu en mai 2024 et qui plaidait pour « un nouvel acte de confiance et de partage du pouvoir » entre État et collectivités (lire Maire info du 24 mai 2024) – ce qui est très exactement ce que disait souhaiter l'ex-Premier ministre.
Quant aux clés de Bercy, elles avaient été confiées au très macroniste député Roland Lescure – qui a déjà été ministre pendant deux ans, sous Élisabeth Borne et Gabriel Attal, à l’Industrie et à l’Énergie.
Il restait enfin à remplacer Sébastien Lecornu lui-même au ministère des Armées. C’est là qu’est intervenue la principale surprise : le retour de l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire – qui affirmait le 22 septembre dernier qu’un retour au gouvernement était « totalement exclu » et que son « retrait de la vie politique » était irrévocable. Bruno Le Maire a pourtant décidé de « ne pas se dérober », a-t-il twitté hier.
Seuls deux ministres sur 18 faisaient leur apparition pour la première fois au gouvernement : le macroniste Mathieu Lefèvre, en tant que ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, ce qui promettait d’être un poste particulièrement difficile pour ce député pourtant peu connu pour son sens du compromis. Enfin, la députée MoDem Naïma Moutchou prenait la place à la fois de Laurent Marcangeli et de Clara Chappaz, en devenant ministre d’un étonnant ministère de la Transformation et de la Fonction publique, de l’Intelligence artificielle et du Numérique.
On notait également deux départs importants du gouvernement : ceux de Valérie Létard (Logement) et de Françoise Gatel (Ruralités). Ces deux ministres sont membres de l’UDI, formation de centre-droit qui faisait partie du « bloc central »… jusqu’à hier soir. En fin de soirée, après avoir réuni ses instances à la suite de l’annonce de ce gouvernement, l’UDI a en effet annoncé « reprendre son entière liberté », c’est-à-dire qu’elle quitte le bloc central. Ce qui n’est pas sans importance, lorsque l’on se souvient que l’UDI compte 23 sénateurs – qui ne compteront donc plus automatiquement parmi les soutiens du gouvernement.
Vers la fin du « socle commun »
Plus que cette annonce de rupture de l’UDI, le coup de tonnerre de la soirée a pris la forme d’un tweet du ministre de l’Intérieur et président des Républicains, Bruno Retailleau : « La composition du gouvernement ne reflète pas la rupture promise. Devant la situation politique créée par cette annonce, je convoque demain le comité stratégique des Républicains. » Cette réunion devait décider si Les Républicains restaient au gouvernement ou en sortaient – à peine quelques heures après y être rentrés, ce qui serait inédit dans les annales de la Ve République.
La participation du parti de droite au gouvernement avait pourtant été actée, quelques heures plus tôt, lors d’une réunion des responsables et des parlementaires LR, malgré l’opposition de Laurent Wauquiez, qui avait tenté de défendre une sortie du gouvernement, estimant que « participer, c’est cautionner ». Bruno Retailleau l’avait emporté, mais sans vraiment convaincre les parlementaires LR, échaudés par la « lettre de cadrage » envoyée la veille par le Premier ministre et qualifiée, de l’avis général des cadres du parti, « d’indigente ».
Mais après l’annonce officielle du gouvernement, il semble que la base du parti ait rué dans les brancards : alors que Bruno Retailleau demandait « qu’un tiers » du gouvernement soit LR, c’est au final un peu moins d’un quart (4 ministres sur 18, Bruno Retailleau, Annie Genevard, Rachida Dati et Philippe Tabarot). Certes, on peut arguer que certains ministres sont d’anciennes figures des LR, comme Sébastien Lecornu lui-même, Gérald Darmanin, Catherine Vautrin, Bruno Le Maire ou Éric Woerth, mais cela ne pesait visiblement guère dans l’appréciation du parti de ce nouveau gouvernement. Après la nomination de Sébastien Lecornu, un très proche du président, à Matignon, le nouveau gouvernement, majoritairement composé de macronistes, apparaît comme un « resserrement autour de Renaissance », selon des cadres LR.
Pire encore, il semblerait, d’après l’entourage de Bruno Retailleau, que Sébastien Lecornu n’avait pas prévenu le ministre de l’Intérieur du retour au gouvernement de Bruno Le Maire, ce qui a été vécu comme une trahison par Les Républicains.
Devant la colère des militants et des cadres du parti, dont beaucoup, à quelques mois des municipales et alors que des législatives anticipées semblent de plus en plus probables, n’ont pas du tout envie d’accrocher leur barque à un paquebot gouvernemental aux allures de Titanic, Bruno Retailleau n’a pas eu d’autre choix que d’envisager un recul. D’autant plus que plusieurs figures du parti, au-delà de Laurent Wauquiez, demandent un retrait du gouvernement. C’est le cas de Xavier Bertrand, ce matin, ou encore du maire de Cannes, David Lisnard, qui a annoncé hier qu’il quitterait le parti « si cette participation au gouvernement (était) confirmée ».
Motion de censure
Le président de la République et le Premier ministre étaient donc, à nouveau, dans l’impasse. Non seulement du fait de la perspective d’un départ de LR du gouvernement, mais également à celle de la réunion des parlementaires RN, prévue également aujourd’hui, qui devait décider de leur attitude face au nouveau gouvernement – autrement dit, s’ils décidaient de le censurer immédiatement ou pas. On se rappelle que Jordan Bardella avait déclaré, au moment de la nomination de Sébastien Lecornu, que ce serait « la rupture ou la censure ». Marine Le Pen ayant estimé hier que la nomination du gouvernement est « un bras d’honneur aux Français », il semble que c’est la deuxième partie de cette alternative qui tenait la corde.
Rappelons que La France insoumise et les écologistes avaient promis qu’ils déposeraient une motion de censure dès la reprise des travaux parlementaires, c’est-à-dire demain. Le PS, ce matin, s’orientait vers le vote de cette motion de censure.
Si le RN et le PS votaient la motion de censure, c’en était fini du gouvernement Lecornu avant la fin de la semaine.
Et au-delà de l’explosion du « socle commun », il n’est même pas certain, au vu des déclarations récentes des uns et des autres, que le « bloc central » existera encore dans les semaines à venir : lorsque l’on voit les déclarations de Gabriel Attal fustigeant le « spectacle affligeant » offert par le monde politique, l’attitude d’Édouard Philippe qui s’est bien gardé d’accepter le poste de ministre des Armées qui lui a été proposé, ou celle de Marc Fesneau demandant, pour le MoDem, « des clarifications » à Sébastien Lecornu, on se dit que le bloc central n’a désormais plus de bloc que le nom.
« Appétits militants »
Sébastien Lecornu, deux heures après sa démission, s’est adressé à la presse lors d’une brève allocution où, de façon quelque peu baroque, il a souhaité faire passer « un message d’espoir et d’optimisme ». Selon lui, les négociations menées ces trois dernières semaines lui laissent penser qu’il existe « un chemin » pour les « compromis », les « lignes rouges » pouvant se transformer en « lignes vertes ». « Il suffirait de peu pour que cela fonctionne. » Il a toutefois acté que les conditions pour remplir la mission que lui a confiée le chef de l’État « ne sont plus réunies », reconnaissant que le processus de nomination du gouvernement n’a « pas été fluide » et a « donné lieu à des réveils d’appétits partisans ». Entre les lignes, l’ex-Premier ministre a reproché à ses différents interlocuteurs d’avoir les yeux rivés sur les prochaines échéances électorales, et a conclu son intervention, policée, par une cinglante formule : « Je suis un militant, je respecte l’engagement militant, mais il faut toujours préférer son pays à son parti. »
Au fil des rebondissements de cette séquence politique inouïe, au sens propre du terme, il semble que la dissolution de l’Assemblée nationale est en train de devenir, chaque jour un peu plus, la seule option possible. Sans aucune certitude que celle-ci permettra de sortir de l’impasse politique totale dans laquelle est englué le pays.
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Finances locales
Budget 2026 : la baisse de la CVAE brièvement remise sur la table
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Avant sa démission, ce matin, Sébastien Lecornu avait fait savoir qu'il comptait réduire de 1,1 milliard d'euros la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dès 2026 et envisageait son extinction en 2028.
La saga CVAE est de retour et, avec elle, sa manne de quelque 4 milliards d’euros. Enfin presque... C’est ce que l’on pensait jusqu’à ce matin, un peu avant 10 heures. À peine relancée ce week-end, l’idée de baisser à nouveau la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est déjà remise en cause par la démission inattendue du Premier ministre Sébastien Lecornu, après l’implosion immédiate de son nouveau gouvernement, nommé hier soir (lire article ci-contre).
C’est le destin de cet impôt versé par les entreprises dont l’avenir est continuellement remis sur la table depuis quelques années, avant que les modalités de sa suppression définitive ne soient revues, corrigées, voire annulées.
1,1 milliard dès 2026
S’il est impossible de savoir si l’idée prospérera dans le prochain budget au regard de la nouvelle donne politique du jour, le projet pour 2026 transmis jeudi au Conseil d'État et au Haut conseil des finances publiques (HCFP) par Sébastien Lecornu prévoyait une réduction dès l’an prochain de « 1,3 milliard d'euros » de la CVAE – sur les 4 milliards d'euros restants – , selon une information publiée ce week-end par Les Echos.
Plus exactement ce sont « 1,1 milliard d’euros si l'on prend en compte le surplus d'impôt sur les bénéfices qui sera payé par les entreprises, du fait de l'amélioration de leurs marges », expliquait ainsi le quotidien économique.
Un dernier chiffre confirmé par l’entourage de Sébastien Lecornu qui envisageait, en outre, la « suppression progressive » de cet impôt dû par certaines entreprises « d'ici trois ans » – en 2028 donc – à condition, toutefois, que les « finances publiques le permettent ». Ce qui n’a rien d’évident en l’état actuel des choses.
Le gouvernement entendait ainsi « baisser un impôt de production qui pèse principalement sur les PME, notamment du secteur industriel. Cette suppression bénéficierait à environ 300 000 entreprises, pour trois quarts aux PME et ETI », affirmait l'entourage de l’ancien chef de l’exécutif, vantant « un soutien direct au produire en France ».
Une décision saluée dans la foulée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), deuxième organisation patronale française, qui s’est réjouie de cette « victoire pour les PME », alors que cet impôt devait initialement disparaître intégralement en 2024, après la suppression de la première moitié en 2023.
Une compensation « défavorable » aux collectivités
Une annonce qui ressemblait, toutefois, à s’y méprendre à celle voulue il y a deux ans par l’ancien patron de Bercy, Bruno Le Maire, nommé brièvement ministre des Armées hier. Celle-ci visait également « 300 000 entreprises, industrielles, quasiment toutes des TPE et des PME ». Toutes celles qui payaient la cotisation plancher particulièrement modeste de… 63 euros.
On connaît la suite, la décision de supprimer entièrement cet impôt a été reportée à plusieurs reprises en raison des difficultés budgétaires du pays, pour être actuellement fixé en 2030.
Bien que les collectivités soient à l'origine les principales victimes de la suppression de cet impôt, l'Etat a déjà décidé de compenser à ces dernières la totalité de la CVAE, et non pas seulement la part supprimée en 2023. Seul le budget de l'État serait donc, en l'état, impacté si la baisse de la CVAE était actée dans le prochain budget.
On peut rappeler, cependant, que les modalités choisies par le gouvernement d'Elisabeth Borne, à l'époque, avaient été jugées « défavorables » par l’AMF puisque « plus de 650 millions d’euros manqu[ai]ent à l’appel » pour l’année 2023.
Les maires reprochaient, en effet, le mode de calcul de cette compensation, basé sur les recettes perçues par les communes, les intercommunalités et les départements durant les années 2020, 2021, 2022 et 2023 et qui « pénalis[ait] clairement les communes et leur intercommunalité ». Ils proposaient notamment que « l’année 2021, qui a enregistré une baisse exceptionnelle de la CVAE en raison de la crise sanitaire, [soit] exclue de ce calcul ».
Plusieurs rapports critiques
Une compensation qui n’a pas permis de rétablir l'équilibre financier des collectivités et a même contribué à alourdir le déficit public, confirmait, dans un rapport récent, le sénateur écologiste Thomas Dossus.
Celui-ci a ainsi alerté sur « la dégradation financière » des collectivités en pointant à la fois les conséquences de la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et celles de la suppression de la taxe d'habitation.
Selon lui, ces deux réformes ont profondément désorganisé les recettes des collectivités qui « ne tirent plus parti financièrement » du développement économique local ni de la construction de logements, remettant « en question la libre administration des collectivités ».
« On estime le coût de ces réformes à 35 milliards d'euros quand on cherche aujourd'hui 40 milliards d'économies », ironisait le sénateur du Rhône, avant de souligner : « On demande aux collectivités de contribuer au redressement des comptes publics, c'est une forme de double peine car les leviers fiscaux ont été retirés. »
Dans un bilan final du plan de relance, présenté à l’automne 2020, qui devait permettre à la France de retrouver son niveau économique précédant la crise sanitaire, France Stratégie estimait, de la même manière, que la baisse des « impôts de production » n'avait profité qu'à une partie des territoires et des entreprises. Selon elle, entre 2020 et 2021, la réduction de CVAE, de CFE et de TFPB a ainsi largement bénéficié aux zones très denses en activité économique et industrielle, peu aux petites entreprises et conduit à une baisse de l’autonomie fiscale des collectivités.
L'éventualité d'un retour d'une baisse de la CVAE reste, pour l'heure, bien lointaine au regard du champ de ruines politique auquel assiste le pays. Y aura-t-il même un budget pour l’an prochain ? Dans l’immédiat, cela semble improbable puisque le Parlement doit disposer des 70 jours – prévus par la Constitution – pour en débattre. A défaut, le projet de loi de finances (PLF) peut être mis en vigueur par ordonnances ou une loi spéciale peut reconduire les crédits de 2025 à l'identique au début de 2026, comme ce fut le cas au début de cette année pour le budget précédent.
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Jeunesse
Santé mentale des jeunes : les symptômes sociaux et territoriaux d'un profond mal-être
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L'Institut Terram, l'Institut Montaigne et la Mutualité française ont présenté la semaine dernière les résultats d'une étude sur les vulnérabilités psychologiques des 15-29 ans. Un jeune sur quatre souffre de dépression mais des différences territoriales marquées sont à observer.
Depuis la période de pandémie liée au covid-19, plusieurs enquêtes ont exposé « la vulnérabilité psychique d’une jeunesse aux prises avec des conditions de vie précaires et un avenir incertain. » Cette problématique de santé publique s’inscrit dans des territoires spécifiques et dans des « environnements concrets qui façonnent les expériences de la souffrance psychologique ». Un quart des jeunes interrogés seraient aujourd’hui en dépression (1) selon l’enquête menée auprès de 5 633 personnes âgées de 15 à 29 ans par l’Institut Terram, l’Institut Montaigne et la Mutualité française. Si la jeunesse française est massivement concernée par des troubles de santé mentale, des inégalités sociales et territoriales pèsent dans la balance.
Avenir incertain et hyperconnexion
D’abord, le contexte mondial actuel a un impact sur la santé mentale des jeunes. 68 % des jeunes se disent inquiets pour leur avenir personnel mais surtout 83 % le sont quant à l’actualité internationale ou 77 % pour la crise environnementale. L’inquiétude pour l’avenir est corrélée à une santé mentale défectueuse : près de 9 jeunes sur 10 qui déclarent avoir une mauvaise santé mentale se disent inquiets pour leur futur.
À cette inquiétude s’ajoute un autre facteur d’anxiété : la surexposition des jeunes aux réseaux sociaux. Alors que 44 % des jeunes passent plus de trois heures par jour sur les réseaux sociaux, il apparaît que plus le temps d’écran augmente, plus les troubles s’intensifient. Par exemple, 44 % des jeunes qui passent plus de 8 heures sur les réseaux sont en dépression. « C’est trois fois plus que ceux qui y passent moins d’une heure (15 %) », précisent les auteurs de l’étude. Déjà anxieuse vis-à-vis du contexte mondial et parfois national, cette génération hyperconnectée est constamment confrontée aux flux d'informations parfois anxiogènes et subit de surcroît sur ces mêmes réseaux des pressions nouvelles comme le cyberharcèlement qui concerne aujourd’hui un jeune sur quatre.
Fractures territoriales et influences du cadre de vie
La santé mentale doit aussi être analysée d’un point de vue plus individuel. Ainsi, 47% des jeunes en grande précarité souffrent de dépression, ce qui est près de trois fois plus que chez les jeunes sans difficultés économiques. D’autres facteurs sociaux entrent en jeu comme l’environnement familial ou le type d’emploi ou d’études que les jeunes occupent ou suivent. Mais l’enquête montre surtout qu’il existe des disparités territoriales marquées et que « la santé mentale des jeunes ne saurait être pensée indépendamment de leur inscription territoriale ».
Les résultats mettent en avant un lien entre un sentiment de solitude persistante et l’offre locale pour les jeunes. « L’absence d’engagement dans des pratiques sportives ou culturelles va de pair avec un sentiment accru d’isolement », indiquent les auteurs. Cependant, si « les jeunes ruraux (24 %) sont plus nombreux que leurs homologues urbains (12 %) à se dire insatisfaits de l’offre locale, qu’il s’agisse de loisirs, d’activités culturelles ou sportives, le sentiment de solitude se révèle paradoxalement plus marqué dans les espaces fortement urbanisés. »
Les auteurs expliquent en effet que « les territoires moins denses semblent offrir un environnement plus protecteur » : 27 % des jeunes de métropole souffrent de dépression soit 7 points de plus que les jeunes ruraux (20 %). « Ces résultats invitent donc à dépasser une lecture trop mécanique de l’isolement. Si les occasions de sociabilité sont perçues comme plus limitées en milieu rural, les liens qui s’y tissent n’en sont pas nécessairement moins solides. » Le cadre de vie est donc un déterminant important. Cette différence entre les urbains et les ruraux peut aussi s’expliquer par « la surreprésentation d’étudiants » dans les espaces urbains, « plus exposés à la précarité et à l’isolement ».
Cependant, si les jeunes ruraux semblent moins stressés, les jeunes des métropoles, eux, sont mieux informés sur le sujet de la santé mentale avec 80 % d’entre eux qui ont déjà été sensibilisés contre 68 % dans le rural. De même, la dépendance à l’usage de la voiture dans les zones rurales peut mener certains jeunes à subir « une forme d’immobilité » qui peut avoir des « répercussions multiples sur leur bien-être et leur santé mentale. »
Enfin, les chiffres qui concernent uniquement les jeunesses ultramarines sont préoccupants. 39 % de ces jeunes souffrent de dépression. La situation est d’autant plus grave en Guyane où 52 % des jeunes sont en dépression, en Martinique (44 %) et à Mayotte (43 %). Ces niveaux sont « sans équivalent en hexagone, où les proportions oscillent entre 19 % (Bourgogne-Franche-Comté) et 28 % (Provence-Alpes-Côte d'Azur) ». Les auteurs lient cette détresse psychologique des jeunes d’outre-mer à, entre autres, « un fort mécontentement à l’égard des services publics (santé, éducation, transports) ». « 43 % des jeunes ultramarins se déclarent insatisfaits des services essentiels, soit plus du double de la moyenne nationale (21%). »
Besoin d’une réponse locale
Selon les auteurs de l’étude, « la santé mentale ne peut donc être pensée sans une attention fine portée aux inégalités sociales et spatiales d’exposition et d’accompagnement » et « doit devenir un levier d’action publique territorialisé, portée à la fois par les institutions nationales, les collectivités locales et les acteurs de proximité ».
Lorsque l’on pose la question aux jeunes concernés pour améliorer leurs prises en charge, 36 % déclarent vouloir avant tout faciliter l’accès aux soins psychologiques et renforcer la sensibilisation aux sujets de la santé mentale. Par ailleurs, 34 % souhaitent que les soins soient rendus plus accessibles. Ces résultats montrent à la fois le poids « des inégalités économiques dans les parcours de soin » mais aussi la répartition inégale de l’offre de soins dans les territoires.
16 % des sondés souhaitent enfin favoriser le bien-être par des activités culturelles, sportives ou de relaxation. « Ce résultat invite à penser la santé mentale (…) comme un équilibre à cultiver », observent les auteurs, « où les politiques de prévention, les dynamiques associatives, les espaces de convivialité et les environnements peuvent jouer un rôle décisif. »
(1) Diagnostic établi à partir du questionnaire standardisé PHQ-9, outil de référence pour dépister et mesurer la sévérité des symptômes dépressifs.
Consulter l'enquête.
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Éducation
Municipales 2026 : l'éducation doit rester une priorité, plaide l'Andev
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L'association des directeurs et cadres de l'éducation des villes et collectivités territoriales (Andev) milite pour que les candidats aux municipales fassent de l'investissement dans l'action éducative locale une priorité. L'Andev publie à l'appui un plaidoyer dont les élus ou futurs élus peuvent s'inspirer.
La publication d’un plaidoyer en vue des municipales est une première pour l’Andev. La démarche se veut « une contribution, voire une invitation à penser autrement » ce champs éducatif, de la petite enfance à la jeunesse, un secteur largement couvert par différents métiers de la FPT présents dans tous les territoires, ruraux, périurbains et urbains, explique Gabriel Farga, vice-président de l’Andev et DGA de Juvisy-sur-Orge. Car l’Andev insiste : « L’éducation ne se limite pas à l’école. Les enfants y passent 900 heures par an mais le double dans les temps périscolaires ».
« L’éducation, une ambition locale à hauteur d’enfant » est le titre de ce document (22 pages), structuré autour de sept priorités qui témoignent d’une conviction : « L’éducation ne peut être reléguée à un service technique », explique Gabriel Farga. Elle relève d’une « politique explicite et transversale », résumée dans un triptyque : « L’éducation est un investissement, un levier de justice sociale et un pilier de l’égalité démocratique ».
« Faire de l'éducation autrement »
Le contexte démographique (la baisse de la natalité), autant que les contraintes budgétaires, font craindre un risque d'arbitrages comptables ou de réduction de certains investissements qui limiteraient par conséquent les ambitions de futurs conseils municipaux. « Or nous pensons que cette baisse démographique doit servir au contraire de levier éducatif », défend le vice président de l’Andev. « Il y aura des écoles où les locaux seront moins utilisés, où il y aura moins d’enseignants, mais nous devons saisir l’opportunité pour faire de l’éducation autrement, utiliser les salles de classe pour développer d’autres outils, plus liés à l’éducation globale et non uniquement à l’apprentissage scolaire ». Ce plaidoyer n’est donc pas un cri d’alarme, « mais un acte de responsabilité », conclut-il.
Sept axes prioritaires
Pour chaque priorité, le plaidoyer liste des exemples de mesures, dispositifs ou directions à prendre. Première priorité, les collectivités doivent « s’engager » et assumer devenir « moteurs des politiques éducatives » au niveau local. Outre les projets éducatifs (type PEDT), l’Andev propose la création de « Fonds local d’innovation éducative » en direction des publics fragiles et éloignés des activités éducatives d’un territoire. L’Andev appelle également à ce que les nouvelles équipes municipales s’engagent à « sanctuariser les budgets éducatifs de la petite enfance à la jeunesse, de la culture aux sports ».
Deuxième priorité : « Construire une alliance éducative avec les parents », via par exemple le développement de lieux d’accueil enfants-parents. « Les locaux scolaires ne sont ouverts que 36 semaines sur les 52 semaines… nous n’en sommes qu’à un stade embryonnaire, or c’est un axe à creuser si nous voulons que les familles deviennent partenaires des politiques éducatives et non de simples consommateurs », insiste Gabriel Farga. Autre point défendu par l'Andev : une éducation « 100 % inclusive » s’affirme comme une autre priorité « évidente ».
Quatrième priorité, la lutte contre les inégalités. Cela implique une « tarification solidaire », « garantir le droit aux vacances » pour tous comme la mobilisation des acteurs de l’éducation populaire. Cinquième priorité : « Agir pour un service public éducatif durable, équitable et responsable ». L’Andev croit notamment à « la pédagogie du dehors » dans les projets éducatifs mais aussi dans les bâtis scolaires, de même qu’elle encourage à la végétalisation des écoles. Elle ouvre aussi un axe de réflexion original, autour de la formation des jeunes « au numérique citoyen et responsable, en combinant la sobriété numérique, l’éducation aux médias et la lutte contre les infox, avec une sensibilisation active aux enjeux de cybersécurité ». Sixième priorité : impliquer les enfants et les jeunes dans les décisions qui les concernent. L’enjeu est tout autant de les responsabiliser que de les valoriser, via les conseils d’enfants bien sûr, mais en ouvrant aussi d’autres formes d’expression (ateliers de concertation, budget participatif, etc.), pour « sortir des gadgets démocratiques », précise Gabriel Farga.
Enfin, l’Andev appelle les futurs élus municipaux à « soutenir santé, bien-être, sport et culture pour le développement global de chaque enfant ». Tout simplement « parce que la réussite scolaire n’est qu’un élément de la réussite globale de l’enfant, et il revient aux collectivités de développer des politiques complémentaires », soutient le vice président de l’association.
Télécharger le plaidoyer.
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Social
De nombreuses associations de solidarité menacées de disparition, alerte une fédération
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« Il y a urgence » : de nombreuses associations de solidarité sont menacées de disparition en raison de difficultés de financements, alerte lundi la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui appelle les acteurs du secteur à participer à une journée de mobilisation samedi.
Aide alimentaire, hébergement d’urgence, accompagnement vers l’emploi... Les associations de solidarité, secteur essentiellement financé par les pouvoirs publics, se trouvent dans une situation d’« extrême fragilité », estime auprès de l’AFP Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui compte 900 adhérents.
« On risque de voir disparaître des acteurs majeurs de l’action sociale », ajoute-t-il.
L’organisme a mené une enquête auprès de son réseau via un questionnaire et des audits comptables.
Celle-ci montre qu’une association du secteur sur quatre est menacée de disparition car elle dispose de moins de deux mois de trésorerie pour assurer les dépenses liées à son fonctionnement. Elle indique également qu’une sur deux a vu sa situation financière se dégrader au cours de ces trois dernières années.
Pour Samira El Alaoui, directrice de l’association de lutte contre l’exclusion Les Enfants du canal, la situation est « très stressante »: « Nous n’avons plus de trésorerie, nous avons touché des acomptes à hauteur de 70 % en mai mais nous n’avons aucune visibilité sur le versement du solde de ces conventions passées avec l’État », témoigne-t-elle auprès de l’AFP.
Dans ce contexte, la directrice a dû négocier une autorisation de découvert avec la banque pour pouvoir payer les salaires de septembre des 70 employés de la structure. Les dépenses liées aux centres d’hébergement qu’elle gère sont, elles, réduites au « strict minimum ».
Outre les retards de versement des subventions, les associations interrogées par la FAS mettent en cause la hausse de leurs coûts de fonctionnement, qui progressent en raison de l’inflation.
« Il y a urgence, on demande à l’Etat des mesures d’appui à la trésorerie pour permettre aux associations de franchir ce cap », commente Pascal Brice de la FAS.
L’organisme souhaite aussi que l’État indexe les financements sur l’inflation et compense l’intégralité des revalorisations salariales obligatoires.
À l’approche de la présentation par le gouvernement du prochain budget, la Fédération des acteurs de la solidarité appelle les associations du secteur à participer à la journée de mobilisation organisée samedi partout en France par le Mouvement associatif, qui revendique 700 000 associations membres.
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Journal Officiel du dimanche 5 octobre 2025
Lois
Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche
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