Édition du mercredi 16 juillet 2025

Budget de l'état
Dilico, TVA, dotations... : un effort de 5,3 milliards d'euros réclamé aux collectivités en 2026
L'effort demandé aux collectivités représenterait « 13 % de l'effort global », selon l'exécutif dont le plan prévoit une reconduction du Dilico à « un niveau plus élevé » qu'en 2025, un gel partiel de la TVA et une baisse des dotations d'investissement.

Après trois mois de préparation dans les médias et une série de réunions avec les représentants des collectivités durant tout le printemps, François Bayrou a dévoilé, hier, la potion – amère – prescrite à ces dernières, à l’occasion de la présentation de son plan budgétaire pour 2026, qualifié de « moment de vérité » pour la nation.

Initialement évoquée à hauteur de 40 milliards d’euros pour l'ensemble du pays, cette cure prévue pour l’an prochain devrait finalement atteindre les 43,8 milliards d'euros, après les annonces, dimanche, d’Emmanuel Macron sur l’augmentation des dépenses militaires. 

« 13 % de l'effort global »

Dans ce contexte, et malgré le risque de censure de son gouvernement lors de l’examen du projet de budget à l’automne, François Bayrou a donc présenté « un plan pour dire stop à la dette » (et un autre pour « dire en avant la production ») dans lequel figure des annonces extrêmement nombreuses et souvent douloureuses. 

Outre les mesures visant à « réduire le train de vie » de l’État et les dépenses sociales, la suppression de deux jours fériés ou encore le gel des retraites (lire article ci-contre), François Bayrou a annoncé, sans grande surprise, que les collectivités « prendront aussi leur part » au redressement des comptes publics, dans ce qui a été présenté comme une « participation ajustée ».

Car, à ses yeux, les collectivités sont en partie responsables de la dégradation de situation financière du pays puisqu’elles « contribuent, par leur dynamisme même, au besoin de financement public », a pointé le maire de Pau, qui demande que, « dans les années qui viennent, les dépenses ne doivent pas dépasser la progression des ressources de la nation ».

De quoi provoquer un tollé (lire article ci-contre) chez une grande partie des représentants des élus locaux qui se sont rapidement indignés de l’effort de 5,3 milliards d’euros qu’ils devraient encaisser l’an prochain. « C’est 13 % de l'effort global, soit moins que la part des collectivités dans la dépense publique, qui s'élève à 17 % », a tenté de nuancer, dans la foulée, le ministre de l'Aménagement du territoire François Rebsamen.

Supérieur à celui de l’État (4,8 milliards d'euros), cet effort représente, toutefois, déjà le double des « 2,2 milliards d'économies » officiellement imposées aux collectivités en 2025, mais que les élus locaux ont, dans les faits, plutôt évalué à 7,4 milliards d’euros – en comptabilisant également la hausse de cotisation CNRACL, la baisse du Fonds vert et d'autres réductions de crédits, comme celles sur les opérateurs de l'État qui participent aux investissements locaux. Mais sans compter les annulations de crédits depuis le début de l’année

On peut donc s’attendre à ce que cette contribution de 5,3 milliards d’euros soit largement revue à la hausse par les élus locaux lorsqu’ils réaliseront un chiffrage précis de toutes les mesures qui devraient les toucher directement et indirectement.

Dilico et gel de TVA reconduits

Dans le détail, cette contribution se fera via une reconduction du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico) instauré l’an passé, un « écrêtement de la dynamique de la TVA » et une baisse des dotations d'investissement.

Prévu pour ne durer qu’une année, le Dilico sera donc finalement « reconduit » en 2026. Pire, cette « épargne forcée » serait revue à « un niveau plus élevé » avec « des modalités de retour [à] discuter », a détaillé François Rebsamen.

Pour rappel, le Dilico cible cette année quelque 1 900 communes, 141 EPCI et la moitié des départements – ainsi que les régions – en ponctionnant leurs recettes à hauteur d’un milliard d’euros, avec des prélèvements individuels qui varient de quelques milliers à des millions d'euros et qui frappent jusqu'aux très petites communes. Les premiers prélèvements sont d’ailleurs attendus ce mois-ci, alors que les sommes prélevées doivent ensuite être « intégralement » reversées aux collectivités, par tiers, pendant trois ans à compter de l’an prochain.

De la même manière, et comme l’an passé, l’exécutif a également décidé de poursuivre en 2026 « l’écrêtement de la dynamique de la TVA », à la différence près qu’il ne sera « pas [appliqué] de manière intégrale comme en 2025 » (pour un coût de 1,2 milliard d'euros), a promis l’ancien maire de Dijon. 

Réductions des dotations d’investissement 

Autre décision qui frappera les collectivités l’an prochain, la baisse des dotations d’investissement. Justifiant sa décision par le fait que « les dépenses d'investissement des collectivités vont naturellement baisser en 2026 », du fait des élections municipales, François Rebsamen a indiqué qu’elles « pourront être rehaussées après l’année électorale ».

La baisse de ces dotations s’établirait à 200 millions d’euros, selon Contexte qui a eu accès au « tiré à part » du projet de budget pour 2026 – qui fixe les plafonds de dépenses des ministères et qui a été transmis aux parlementaires hier soir. Selon ce document, une revue de dépenses sur ces dotations rendra ses conclusions « à l’été 2025 », explique le journal en ligne.

Si le ministre de l’Aménagement du territoire considère donc « normal » de réduire « les mécanismes de soutien à l’investissement […] pour tenir compte du cycle électoral », il a, toutefois, précisé que « la part consacrée aux territoires ruraux et aux quartiers de politique de la ville sera préservée ». En clair, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation politique de la ville (DPV) ne devraient pas être impactées.

Du côté des « bonnes nouvelles » pour l’an prochain, on peut retenir que la DGF ne sera « pas abaissée », qu’il n’y aura « pas de gel » des bases fiscales et que le fonds de sauvegarde des départements sera « réabondé avec des critères renouvelés plus justes ». François Bayrou a notamment promis « 300 millions d'euros de soutien exceptionnel en faveur des départements les plus en difficulté ».

Par ailleurs, François Rebsamen a certifié que « plus [aucune] norme ne sera imposée aux collectivités sans une discussion préalable avec elles » et leur a garanti « plus de visibilité pour leurs ressources sur plusieurs années ». « Pour la première fois, une trajectoire détaillée pourra être présentée en annexe du PLF 2026 », a-t-il ainsi expliqué.

Suppressions d’agences de l’État 

« C’est un effort majeur et sans précédent », a ainsi reconnu François Rebsamen, estimant que « la tâche est immense » et disant avoir  « conscience de sa dureté ». Mais ces mesures « ne sont qu’un début, un point de départ. Elles devront être concertées avec les différentes catégories de collectivités et les parlementaires », a-t-il ajouté, en faisant savoir qu’une deuxième conférence financière sera réunie « avant la fin de l’été ».

On peut également noter que François Bayrou a confirmé sa volonté de fusionner certains opérateurs de l'État et de supprimer « des agences improductives » avec l’objectif de se passer de « 1 000 à 1 500 postes » et de faire « 5,2 milliards d’euros » d’économies. Un montant en nette hausse par rapport à la fin avril, lorsque Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, avait annoncé viser « 2 à 3 milliards d’euros d’économies » d’ici la fin de l’année. 

S’il n’a toujours pas spécifié quels opérateurs et agences allaient être visés, cette nouvelle mesure d’économies peut être un motif d'inquiétude pour les élus puisque certaines de ces agences ont, comme l’ANCT (dans le viseur de l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, il y a un an), pour mission d'accompagner les projets des collectivités notamment en matière d'ingénierie. 

La menace reste bien présente puisque, dans un rapport sénatorial paru la semaine dernière sur la question, il a été proposé la suppression ou la fusion de nombreuses agences, dont l'Anru, l'Agence nationale du sport et... l'ANCT.




Budget de l'état
Comment François Bayrou espère économiser « 43,8 milliards » d'euros dès 2026
Le Premier ministre a présenté hier son plan pour redresser les finances publiques et relancer la production. Au-delà des mesures concernant directement les collectivités, détaillées dans un autre article, de nombreux secteurs seront touchés par les décisions du gouvernement… si celui-ci a les moyens de les mettre en œuvre cet automne. 

« Notre pronostic vital en tant que Nation est engagé. » Le Premier ministre a clairement choisi le ton de la dramatisation, hier, lors de la conférence de presse pendant laquelle il a présenté ses grandes orientations en matière budgétaire – devant un mur floqué d’un large slogan « Le moment de vérité ». François Bayrou a d’ailleurs entamé son discours en expliquant que le moment était historique et que ce discours – et les décisions qui en découleront – constitue un point de bascule pour le pays. 

« Dernière étape avant la falaise »

La première partie du discours de François Bayrou a été consacrée à décrire une situation budgétaire assimilée à une « malédiction » : la France, a détaillé le Premier ministre, a un budget « en déficit depuis 50 ans ». De cette situation, « on s’accommode, et puis elle vous rattrape » : « Cela s’appelle le surendettement ». Multipliant les formules alarmistes (le pays est « à la dernière station avant la falaise »), François Bayrou a rappelé la crise qui a frappé la Grèce en 2015, lors de laquelle le gouvernement d’Alexis Tsipras, terrassé par le surendettement, avait dû se résoudre à accepter un plan d’austérité sans précédent, qui s’était notamment traduit, a indiqué François Bayrou, par une baisse de 30 % des retraites et de 15 % du salaire des fonctionnaires. « C’est tout ce que nous ne voulons pas », a martelé le Premier ministre.

Son plan consiste donc à sortir le pays de son accoutumance à la dépense publique, (« nous sommes accro à la dépense publique », estime le chef du gouvernement, « nous considérons comme normal que l’État paye tout »). Avec une trajectoire : ramener le déficit à 2,8 % du PIB en 2029. Pour cela, comme le gouvernement dit depuis plusieurs mois qu’il faudra commencer par faire 40 milliards d’euros d’économie sur le prochain budget. Hier, en tenant compte des annonces faites par le président de la République devant les armées le 13 juillet, François Bayrou a fait passer ce chiffre à « 43,8 milliards », puisqu’une rallonge budgétaire supplémentaire de 3,8 milliards d’euros dès cette année sera consacrée aux dépenses militaires. 

Le plan de François Bayrou est constitué de deux volets : diminuer les dépenses et augmenter les recettes. La première partie est baptisée « Stop à la dette ! », la deuxième « En avant la production ! ».

Réduction du train de vie de l’État 

« Tout le monde doit participer » au redressement des comptes publics, a encore répété le chef du gouvernement, tout en ajoutant aussitôt que « la productivité des entreprises doit être épargnée ». 

L’État sera le premier à « donner l’exemple », en « diminuant ses charges » et en « réduisant son train de vie » : 3 000 emplois publics seront supprimés dès 2026 avec le « non-remplacement d’un départ en retraite sur trois ». Le gouvernement va également créer une agence foncière pour gérer son patrimoine immobilier et le rendre « productif ». Il compte supprimer les agences « improductives » – sans dire lesquelles –, espérant supprimer en cela « 1 000 à 1 500 emplois supplémentaires. » 

Il n’y aura cette année aucune revalorisation du point d’indice pour les fonctionnaires, a annoncé le Premier ministre. Plus globalement, concernant les dépenses de l’État, tous les ministères seront appelés à ne pas dépenser plus en 2026 qu’en 2025, à deux exceptions près : la charge de la dette et le budget des armées. C’est l’un des aspects les plus fragiles du plan gouvernemental : ces deux postes, en effet, pourraient augmenter l’an prochain bien plus vite que prévu, le premier du fait de la hausse des taux d’intérêts et le second du fait des tensions géopolitiques croissantes. 

5 milliards d’euros sur les dépenses de santé

Le gouvernement entend faire des économies supplémentaires en « responsabilisant les patients » – ce qui, en jargon gouvernemental, signifie réduire le niveau de remboursement.  Le gouvernement propose notamment un doublement de la franchise sur les médicaments, qui passerait de 50 à 100 euros par an. François Bayrou a également annoncé une « réforme en profondeur de la prise en charge des affections longue durée (ALD) », avec notamment la fin de la prise en charge à 100 % des médicaments « non directement liés à l’affection » ; et une réforme des arrêts maladie, estimant que « 50 % des arrêts maladie de plus de 18 mois ne sont pas justifiés ». 

Quant aux prestations sociales, elles seront bien gelées en 2026, comme l’avait suggéré notamment le président du Sénat, Gérard Larcher. Les pensions de retraite, allocations chômages, allocations familiales et toutes les autres aides sociales ne seront pas revalorisées l’an prochain. Le Premier ministre a jugé que cette mesure ne serait pas trop douloureuse dans la mesure où l’inflation est aujourd’hui « maîtrisée ». Sauf que, au vu des négociations actuelles particulièrement tendues sur les droits de douane, nul ne peut affirmer que l’inflation ne va pas, très vite, repartir à la hausse. 

Hausses d’impôts déguisées

Bien que le gouvernement ait juré que le redressement des comptes publics ne se ferait pas à coups de hausses d’impôts, certaines mesures annoncées hier y ressemblent pourtant. 

D’abord, la « chasse aux niches fiscales » annoncée par François Bayrou. Même si aucun détail n’a été donné, la suppression de certaines niches fiscales revient, de facto, à augmenter les impôts de ceux qui en bénéficiaient. Ensuite, le gel des barèmes de l’impôt sur le revenu (IR) : rappelons qu’en général, chaque début d’année, le gouvernement relève légèrement les barèmes de cet impôt, de façon que ceux qui ont connu une hausse de salaire dans l’année, pour compenser l’inflation, ne soient pas condamnés à changer automatiquement de tranche d’imposition… voire à devenir imposables alors qu’ils ne l’étaient pas. On se rappelle qu’en ce début d’année 2025, alors que le budget n’était pas voté, l’absence de revalorisation des barèmes de l’IR avait fait craindre que 600 000 personnes jusque-là non imposables deviennent imposables. Ce gel du barème est donc bien une augmentation d’impôts qui ne dit pas son nom.

C’est également le cas de la réforme de l’abattement de 10 % sur l’impôt sur le revenu des retraités. Sans être très précis, le Premier ministre a simplement annoncé que ce pourcentage allait être remplacé par « un forfait », ce qui devrait, selon lui, moins pénaliser les petites retraites. 

Enfin, pour les plus aisés, une « contribution de solidarité » va être créée. On n’en sait pas plus pour l’instant ni sur son montant, ni sur son assiette.

« En avant la production ! »

Deuxième partie du plan : augmenter la production. La logique du gouvernement est simple : l’autre manière de diminuer, relativement, la part du déficit dans le produit national brut, c’est d’augmenter celui-ci. François Bayrou entend « combattre le désenchantement face au travail »… avec des mesures qui risquent de ne pas enchanter les salariés, à commencer par la suppression de deux jours fériés – « peut-être » le lundi de Pâques et le 8-Mai, même si le Premier ministre se dit ouvert à d’autres propositions. 

Il ne s’agit pas ici de reproduire ce qui avait été fait pour le lundi de Pentecôte en 2004 : une « journée de solidarité », à l’occasion de laquelle l’employeur verse à l’Urssaf une cotisation de 0,3 % de la masse salariale, en échange de l’équivalent d’une journée supplémentaire travaillée en plus pour chaque salarié… ou pas, si un accord passé dans l’entreprise en décide autrement. 

Ici, la logique est autre : il s’agira de rayer tout simplement deux jours fériés du calendrier, qui deviendront des jours travaillés comme les autres. Ce qui, il faut le préciser, ne rapportera pas un centime de plus à l’État, mais aux seules entreprises. 

Le Premier ministre a par ailleurs annoncé une nouvelle réforme de l’assurance chômage – il pourrait s’agir de la réactivation de la proposition de loi de Gabriel Attal, abandonnée après la dissolution de 2024, et qui visait à réduire fortement la durée d’allocation pour les chômeurs. 

Le gouvernement propose également un deal aux entreprises : diminuer les soutiens financiers accordés par l’État en échange d’une « simplification » et d’une « diminution des normes et de la bureaucratie ». Dès cet été, les organisations patronales seront appelées à « dresser la liste de toutes les simplifications souhaitables », et le Premier ministre s’engage à les faire passer « dès l’automne », par ordonnance, c’est-à-dire en laissant le  Parlement largement à l'écart. On peut penser qu’il s’agira d’un mouvement semblable aux « ordonnances Macron » de 2017, qui avaient très largement réformé le Code du travail dans un sens plutôt favorables aux entreprises, à l’époque déjà au nom de la « liberté ». On ignore ce que seront les demandes du patronat, mais le Premier ministre a dit hier sa volonté à « ce qu’il n’y ait plus aucun frein à travailler plus ». La ministre chargée du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, est allée dans le même sens, parlant d’un objectif « d’incitation à augmenter le temps de travail », par exemple en monétisant la cinquième semaine de congés payés ; ou encore de « donner la possibilité de décider au niveau des entreprises » un certain nombre de règles sur l’emploi des contrats à durée déterminée. 

Parmi les autres mesures censées relancer la production, François Bayrou a proposé une « taxe sur les petits colis », afin d’inciter les Français à retourner dans les commerces physiques. Il a appelé à « innover » sur la question de la commande publique, en réformant l’Ugap (la centrale d’achat public), « en assouplissant le cadre et en luttant contre les lenteurs et les surcoûts ». Il souhaite – ce qui est un vieux serpent de mer depuis des années – introduire « des critères de contenu local » dans les marchés publics, ce qui, à l’heure actuelle, contrevient aux règles européennes. 

« Qu’importe le risque »

Reste la question essentielle : le gouvernement de François Bayrou a-t-il la capacité de faire adopter ces mesures par le Parlement, lors du débat budgétaire de l’automne prochain, et surtout de ne pas être renversé ? Les réactions qui se succèdent depuis hier n’ont pas de raison de rendre François Bayrou optimiste à ce sujet : les seules formations politiques qui ont clairement soutenu le plan présenté hier sont celles du « bloc central » (Renaissance, MoDem et Horizons) et les Républicains – ces derniers avec, toutefois, d’importantes nuances. Cela ne saurait suffire à constituer une majorité à l’Assemblée nationale. 

Les partis de gauche et le RN sont, eux, tombés à bras raccourcis sur le gouvernement, se succédant sur les plateaux pour affirmer que non seulement ils ne voteraient pas pour un tel budget – ce qui n’est pas d’importance majeure puisque cela fait bien des années que les budgets sont adoptés à coups de 49-3 – mais, plus grave, qu’ils voteraient la censure sur un tel budget. Rappelons qu’une coalition des partis de feu la Nupes (PS-PCF-LFI et Écologistes) et du RN représente 315 voix à l’Assemblée, soit plus que la majorité absolue. 

En l’état actuel des choses, le projet de budget présenté par François Bayrou conduirait donc à ce que le Premier ministre subisse le même sort que son prédécesseur Michel Barnier. François Bayrou s’est dit décidé, hier, à aller jusqu’au bout et à ne pas céder sur ses fondamentaux. Avec une certaine franchise, il a ainsi conclu son allocution, hier : « Y a-t-il des risques pour le gouvernement ? La réponse est : il n’y a que des risques. Le gouvernement n’a pas de majorité, il arrive même que ses soutiens ne soient pas totalement convaincus. (…) Le gouvernement sait parfaitement qu’il est à la merci des oppositions. Mais il a le devoir de renverser les obstacles. Il n’a aucune autre préoccupation : il ne cherche pas à se préserver, il ne cherche pas à durer. Il veut changer les choses, et qu’importe le risque. »

Il reste à savoir quelle est la part de bluff dans ces déclarations du Premier ministre, qui a mis la barre très haut, peut-être pour se donner des marges de manœuvre pour faire des concessions. L'avenir le dira : le temps des négociations est maintenant ouvert, et il durera tout l'été. 




Budget de l'état
Après les annonces du Premier ministre, les collectivités montent au créneau
Après l'intervention hier du Premier ministre, les réactions des associations d'élus n'ont pas tardé. Effort inéquitable et menace pour l'investissement public : les associations, à l'instar de l'AMF, estiment que ces mesures « continuent d'entretenir un système à bout de souffle ».

Parmi les nombreuses mesures proposées hier par le Premier ministre François Bayrou, plusieurs concernent les collectivités (lire article ci-contre) qui vont devoir, selon les mots de François Rebsamen, ministre de l'Aménagement du territoire, contribuer « à l’effort national » à hauteur de 5,3 milliards d’euros, soit « 13 % de l’effort global ».

Si les associations d’élus mesurent toutes l’ampleur de la crise budgétaire que connaît le pays, le choix politique arbitré par le gouvernement est unanimement dénoncé. « L’effort » demandé par le gouvernement est, selon les associations, non proportionné, et fait peser de graves risques sur l’investissement public et par extension l’action publique locale. 

Pour un effort « proportionné » et « équitable »

Face à ces annonces, les associations appellent le gouvernement à « éviter toute approche uniforme dans la répartition de l’effort budgétaire » (Villes de France), à « ne pas s’engager dans une logique austéritaire et contracyclique » (APVF) et à ouvrir « un dialogue avec l’ensemble des associations d’élus dans les tous prochains jours » (Régions de France). 

En effet, les collectivités – qui avaient déjà été lourdement mises à contribution dans le budget 2025 – dénoncent une participation toujours plus importante des collectivités territoriales à l’effort budgétaire collectif. Pourtant, « se contenter, comme l’a indiqué le Premier ministre, de "contenir la hausse des dépenses", sans évoquer le périmètre d’action de l’État et en aggravant encore les prélèvements, ne pourra suffire à redresser durablement la situation », peut-on lire dans le communiqué de l’AMF.

Régions de France indique qu’il est « aujourd’hui demandé aux collectivités territoriales, qui ne pèsent que 5,9 % de la dette publique, d’assurer 12,1 % de l’effort national » et qu’à l’inverse, « l’État et ses opérateurs, qui représentent 83,4 % de la dette publique, n’auraient à fournir que 22,8 % de l’effort. » Les élus de l’Anem soulignent par exemple que « les collectivités de montagne ont déjà été largement mises à contribution en 2025 avec la baisse des dotations, la diminution drastique du Fonds vert, le prélèvement Dilico de 13,6 millions d’euros et l’amputation des crédits de paiement des CPIER passant de 148 millions d’euros en 2024 à 40 millions en 2025. » Pour l’AMF, « cet effort imposé ne saurait en aucun cas être considéré comme équitable. »

François Sauvadet, président des Départements de France, indique que « l’annonce de l’augmentation du Dilico et l’écrêtement de la TVA ne sont pas une solution » ajoutant au passage que les départements ont déjà « perdu 46 milliards d’euros de dotations depuis quinze ans. »

Villes de France rappelle d’ailleurs « que les besoins de financement des collectivités diffèrent fondamentalement de ceux de l’État » car « les collectivités n’empruntent que pour une partie de leurs investissements au service de la population (réseaux, écoles, équipements sportifs…) et non pour financer leur fonctionnement courant. » D’ailleurs, l’AMF met en cause « un centralisme excessif, qui conduit l’État à s’occuper de tout et prélever sans cesse davantage sur les entreprises, les particuliers et les collectivités ».

Interrogé par l’AFP, André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL) et premier vice-président délégué de l’Association des maires de France (AMF), dénonce des économies « inacceptables pour l'ensemble des élus locaux » et ajoute que si ces pistes sont « maintenues, nous serions conduits à en appeler au Parlement pour refuser ce budget ».

Des conséquences dans les territoires 

« Ces annonces interviennent alors même que l’Insee a révélé, il y a quelques jours à peine, l’explosion du taux de pauvreté en France (lire Maire info du 10 juillet) », peut-on lire dans le communiqué de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS). « Hébergement d’urgence, précarité énergétique, aide alimentaire, maintien à domicile, santé mentale… Les services publics locaux sont à la limite de la saturation. Les mesures annoncées, loin de répondre à cette crise sociale profonde, ne feront qu’en aggraver les effets. » Conséquence : « Ce sont des situations humaines qui se dégradent, des travailleurs sociaux et des élus locaux qui devront faire face, sans moyens supplémentaires. » Pour l’APVF également ce choix politique « aggraverait la situation de nos concitoyens les plus fragiles ».

« Quel est donc le sens des coupes opérées sur des budgets locaux qui financent 70 % de l’investissement public ? », s’interrogent les élus de l’AMF. 

Ce choix politique, prévient Régions de France, conduira « inéluctablement à un abaissement massif des investissements des Régions » entraînant une « réduction très nette des aides aux entreprises, ou en faveur du bâtiment et des infrastructures », « un ralentissement du choc d’offre ferroviaire », « moins d’investissement dans nos lycées » et « moins d’aides au tissu associatif et culturel. » Il fragilisera aussi les projets d’investissement local, « alors que ceux-ci représentent 70 % de l’investissement public national et sont le moteur de la vitalité des territoires », souligne Villes de France qui explique que « la ponction supplémentaire sur les ressources des collectivités (Dilico 2) va conduire par exemple à une réduction sévère de l’investissement local et porter atteinte à la qualité du service public de proximité. » L’AMF ajoute que le Dilico n’est d’ailleurs « ancré dans aucune réalité financière, puisque les collectivités sont ponctionnées indépendamment de leurs charges ou même de leur niveau de population. »

Les associations d’élus demandent unanimement au Premier ministre de revoir sa copie et l’AMF appelle le gouvernement à choisir une autre voie en réduisant « les dépenses contraintes imposées par l’État aux collectivités, qui ne cessent d’augmenter » afin d’éviter de graves conséquences sur la croissance qui sont « en contradiction complète avec le plan "en avant la production" ».




Élections
Réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille : les opposants saisissent le Conseil constitutionnel, avec des arguments de poids
Les députés socialistes et écologistes ont, comme prévu, saisi hier le Conseil constitutionnel sur la loi réformant le scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, convaincus que ce texte contrevient, à plus d'un titre, à la Constitution. Pourquoi ?

Les députés de gauche l’avaient promis dès l’adoption définitive du texte par l’Assemblée nationale, jeudi dernier : ils saisiraient le Conseil constitutionnel sur l’ensemble du texte. C’est chose faite : la saisine de 60 députés socialistes et écologistes a été déposée au greffe du Conseil constitutionnel hier. Cette saisine de 16 pages est extrêmement argumentée.

Article 40

À titre liminaire, les députés déplorent que ce texte – issu d’une proposition de loi du député Renaissance de Paris Sylvain Maillard – n’ait fait l’objet ni d’un avis du Conseil d’État ni d’une étude d’impact. Cela aurait été le cas, à titre obligatoire, si ce texte avait été un projet de loi (présenté par le gouvernement), mais pas dans le cas d’une proposition de loi. Les auteurs de la saisine rappellent toutefois que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait proposé de recueillir préalablement aux débats l’avis du Conseil d’État, demande rejeté « à la demande expresse » de l’auteur du texte. 

L’argument principal des députés auteurs de la saisine est que ce texte est contraire à l’article 40 de la Constitution. Cet article bien connu des parlementaires est très clair : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l 'aggravation d'une charge publique. » Pour mémoire, lorsqu’un amendement est déposé sur un texte en discussion, il est avant tout examen passé au crible de cet article 40 : un amendement qui contrevient à cet article est jugé « irrecevable » et ne peut être mis en discussion. 

À ce titre, jugent les auteurs de la saisine, c’est tout simplement l’examen de la proposition de loi elle-même qui aurait dû être refusé. Et ce n’est pas le plein soutien du gouvernement à ce texte – gouvernement qui a déclenché la procédure accélérée et choisi de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, contre l’avis formel du Sénat – qui change les choses : le soutien du gouvernement à une proposition de loi ne suffit pas à « contourner les règles constitutionnelles ».

Quelles « charges publiques » supplémentaires, non compensées par une recette nouvelle, sont créées par ce texte ? Les auteurs de la saisine en identifient plusieurs.

D’abord, l’obligation de « doubler les opérations de vote le jour du scrutin » à Paris, Lyon, et Marseille, puisque le texte impose l’élection à la fois des conseils d’arrondissement et du conseil municipal « central ». Donc, deux bureaux de vote, deux urnes, deux jeux de matériel de vote – voire trois à Lyon, où il faudra aussi élire, le même jour, les conseillers métropolitains. Et donc deux fois plus de dépenses pour les collectivités concernées.

Par ailleurs, la double élection suppose aussi un double remboursement des frais de campagne des listes ayant dépassé les 5 %, et donc une charge supplémentaire pour l’État. 

Enfin, plaident les députés, la réforme aura pour conséquence d’augmenter significativement le nombre d’élus, puisque à Paris par exemple, les conseillers de Paris (conseil municipal central) « n’auront plus vocation à être systématiquement conseillers d’arrondissement ». Le Sénat a estimé le nombre d’élus supplémentaires nés de cette réforme à 347, qu’il faudra indemniser, « ce qui aura une incidence certaine sur les dépenses des trois collectivités concernées ». 

Libre administration

Deuxième série d’arguments plaidée par les auteurs de la saisine : « La dualité de scrutins présente une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ». 

Ils rappellent en effet que ce principe constitutionnel impose que « l’organisation institutionnelle permette (aux) collectivités d’exercer de manière cohérente et autonome leurs compétences ». Or le texte adopté la semaine dernière crée deux organes élus distincts, issus de deux scrutins séparés – les conseils d’arrondissement et le conseil municipal. Situation « inédite », d’après les saisissants : « Le texte découple l’élection de l’organe central de la collectivité de nouveaux organes élus au suffrage universel qui administrent une partie des compétences obligatoires de la même collectivité ». Le texte met en place un système qui peut sembler juridiquement fragile, et qui est en effet inédit : les arrondissements, qui ne sont pas des collectivités locales, « continueraient à exercer des compétences déconcentrées au nom de la commune, mais potentiellement sans qu’aucun conseiller municipal siège en leur sein ». 

Par ailleurs, toujours selon ces députés, ce système instaurerait « une concurrence de désignation et de légitimité en assurant, de manière distincte et indépendante, la désignation d'une seconde assemblée élue au suffrage universel pour exercer des compétences, même réduites, de la collectivité territoriale ». Plus simplement, le texte « institue au sein d’une même collectivité territoriale deux niveaux d’assemblée élue au suffrage universel », ce qui paraît aux auteurs de la saisine parfaitement incompatible avec l’esprit de l’article 72 de la Constitution. 

Laisser passer une telle exception serait, selon les députés, ouvrir la porte à ce que le législateur crée à sa guise, « à côté de l’assemblée délibérante », d’autres assemblées locales élues. Pourquoi pas dans ce cas, imaginent-ils, « des conseils d’arrondissement dans les départements, élus en même temps que les conseils départementaux, pour administrer les affaires sur une partie de leur territoire » ?

Sincérité du scrutin

Enfin, les auteurs de la saisine jugent que ce texte risque de contrevenir à l’exigence constitutionnelle de sincérité du scrutin, en introduisant « une complexité procédurale inédite dans le processus électoral ». La dualité du scrutin « multipliera mécaniquement les risques d’erreur de manipulation, de confusion entre les scrutins ». De surcroît, « la distinction, pour l’électeur, entre les compétences respectives des conseils d’arrondissement et du conseil municipal » n’étant pas « maîtrisée », le système ne peut « qu’aggraver la méconnaissance des enjeux du vote », ce qui « altèrerait » la sincérité du scrutin. 

Les saisissants rappellent par ailleurs que « l’intelligibilité de la loi » est un principe fondamental maintes fois reconnu par les Sages. Or pour eux, ce texte est en l’état actuel des choses parfaitement inintelligible sur un certain nombre de points, notamment sur « l’imputation des dépenses électorales aux compte de campagne pertinent lorsqu’un candidat le sera aux deux scrutins ». En d’autres termes, lorsque le candidat engagera des dépenses de campagne, pour une réunion publique par exemple, le fera-t-il en tant que candidat au conseil municipal ou comme candidat au conseil d’arrondissement ? Ces questions vont se poser très vite, si le texte est validé, dans la mesure où le contrôle des comptes de campagne, pour les prochaines élections municipales, débute le 1er septembre prochain. 

Pour finir, les auteurs de la saisine estiment que la prime majoritaire de 25 %, au lieu de 50 % dans les autres communes du pays, constitue « une rupture du principe d’égalité » des électeurs. Ce choix a en effet été fait pour « éviter un phénomène d’écrasement majoritaire de la liste arrivée en tête ». Mais pourquoi l’appliquer uniquement à Paris, Lyon et Marseille, alors que « ce risque existe pour toutes les autres grandes villes de France » ?

Il reste à savoir ce que les Sages vont penser de ces arguments. La pression politique est importante, dans la mesure où une censure de ce texte, au soutien duquel le gouvernement a mis tout son poids, apparaîtrait comme un échec majeur pour celui-ci. 

Les Sages ont un mois pour rendre leur décision. 




Transition énergétique
Les acteurs locaux de la rénovation de l'habitat interpellent Bercy pour sauver MaPrimeRénov'
Des acteurs locaux assurant la mission de conseil sur la rénovation de l'habitat ont publié mardi, jour d'annonce des orientations budgétaires du Premier ministre, une lettre ouverte au ministre de l'Économie, Eric Lombard, pour demander la garantie de moyens pour les aides MaPrimeRénov'.

Après la suspension du guichet de dépôt de nouveaux dossiers de demande d'aide MaPrimeRénov' pour les rénovations énergétiques globales de logements, « tout l'écosystème a peur », rapporte à l'AFP Bénédicte Rouault, directrice générale de la Fédération des agences locales de l’énergie et du climat, signataire de la lettre. 

Avec d'autres membres du comité de pilotage de France Rénov', un service public local de conseil gratuit aux particuliers sur la rénovation de l'habitat, ils demandent à Bercy de « sécuriser un budget de 5 milliards d’euros à l’Agence nationale de l'habitat (Anah) pour MaPrimeRénov’ dans le cadre du PLF 2026 » et de « garantir une politique et un budget pluriannuels » pour permettre au secteur de se structurer. 

Les espaces France Rénov' sont co-financés par l'Etat et les collectivités territoriales, qui se retrouvent aussi dans le flou à cause de « ce manque de stabilité de la politique publique de la rénovation », s'inquiètent les signataires de la lettre qui réclament que l'Etat augmente « sa part de financement à 80 % » des espaces de conseil comme France Rénov'. 

« On a une crainte budgétaire concernant les moyens prévus pour l'Anah en début d'année 2025 qui n'étaient pas à la hauteur de la forte dynamique » de nouvelles demandes d'aides, « et aussi un crainte de ne pas maintenir cette dynamique » à cause de la suspension du guichet et du contexte d'économies budgétaires, déplore Bénédicte Rouault.

Les signataires de la lettre évoquent des « menaces qui pèsent sur les conditions de reprise du service » promis par le gouvernement pour mi-septembre. « Il y a des inquiétudes sur l'état des enveloppes consommées », prévient la porte-parole du mouvement. « D’ores et déjà, l’incompréhension, voire la colère, s’expriment auprès de nos équipes qui accueillent la population chaque jour sur le terrain », attestent les signataires de la lettre ouverte, parmi lesquels l'Association des maires de France (AMF), l'association pour la transition énergétique Réseau Cler, la Fédération d'aide au logement Soliha.

En juin, l'État a procédé à un ajustement de sa subvention prévisionnelle au budget de l'Anah et a retiré près de 350 millions d'euros de dotations compte tenu d'une trésorerie de l'Anah plus importante que prévu et de recettes des certificats d'économie d'énergie (CEE) anticipées comme plus élevées. Cette manoeuvre financière se déroule chaque année pour maintenir le budget de l'Anah conforme à la loi de finances.






Journal Officiel du mercredi 16 juillet 2025

Lois
LOI n° 2025-640 du 15 juillet 2025 portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse (1)

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