Édition du jeudi 10 juillet 2025

Élections
Mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille : la réforme définitivement adoptée malgré un dernier rejet par le Sénat
Sans surprise, les sénateurs ont rejeté hier, à une écrasante majorité, la proposition de loi sur la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. Contrairement à ce qu'avait promis le Premier ministre, le texte a donc été adopté, ce matin, contre l'avis de la chambre des collectivités. 

La séance du soir, hier au Sénat, s’est apparentée à un véritable chemin de croix pour Patrick Mignola, chargé de défendre le texte au nom du gouvernement devant des sénateurs vent debout contre la réforme. Cruellement surnommé « ministre commis d’office » par un sénateur – du fait que ses attributions de ministre chargé des relations avec le Parlement n’ont rien à voir avec l’objet de ce texte, qui aurait nécessité la présence du ministre de l’Intérieur, chargé de l’organisation des élections –, Patrick Mignola n’a pu que laisser passer la tempête, pendant deux heures, et assumer la stratégie et les erreurs de ses collègues du gouvernement. 

« Une pyramide de mensonges »

Les sénateurs ne se sont en effet pas privés, à maintes reprises, de rappeler mot pour mot la phrase de François Bayrou prononcée en février dernier : « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'il y ait accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. » Et pourtant : il n’y a pas d’accord, le Sénat est toujours violemment opposé à ce texte, mais il sera « adopté » quand même, dès ce matin. 

Pendant la séance, la réforme n’a trouvé le soutien que des sénateurs du groupe RDPI (macronistes) et MoDem, tandis que Républicains, socialistes, communistes et écologistes n’ont pas tari de reproches sur une réforme « bâclée », « ni faite ni à faire », « bâtie sur une pyramide de mensonges ». Une fois encore, les sénateurs ont fustigé le fait que cette réforme – qui va concerner 3,5 millions d’électeurs, tout de même – passe sous la forme d’une proposition de loi, d’origine parlementaire donc, et non d’un projet de loi présenté par le gouvernement. La différence n’est pas mince : rappelons qu’un projet de loi nécessite obligatoirement un avis du Conseil d’État et une étude d’impact. En passant par le biais d’une proposition de loi, le gouvernement échappe à ce double contrôle. 

Les sénateurs ont également rejeté l’idée que « 91 % des Parisiens » seraient favorables à la réforme, comme le prétend le gouvernement. Selon le Républicain Francis Szpiner, ce chiffre est issu d’un sondage où il fallait répondre à la question « Voulez-vous élire directement votre maire ? ». La question est, en effet, bien mal posée : ni avant ni après la réforme, les électeurs de Paris, Lyon et Marseille n’éliront « directement » leur maire – pas plus que dans n’importe quelle autre commune du reste, où le maire est toujours élu non par les électeurs mais par le conseil municipal. 

Prime majoritaire

Le Sénat a aussi vertement critiqué la proposition de passer la prime majoritaire à 25 % dans ces trois villes, au lieu de 50 % dans toutes les autres communes – certains sénateurs, comme l’écologiste Guy Benarroche et la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie, se disant convaincus que cette décision est issue d’un « deal » pour « s’assurer les voix du Rassemblement national ». 

Beaucoup se disent d’ailleurs convaincus que le Conseil constitutionnel va retoquer cette mesure, dans la mesure où elle constituerait une « rupture d’égalité » entre les électeurs. L’argument est étonnant : de facto, depuis des dizaines d’années, les trois plus grandes villes de France ont déjà un mode de scrutin dérogatoire par rapport à toutes les autres communes. Notons au passage que plusieurs députés ont fait remarquer que selon l’Insee, la ville de Toulouse va probablement passer dès cette année devant Lyon et devenir la troisième commune la plus peuplée de France. D’où l’argument du sénateur Stéphane Le Rudelier (LR), qui s’est demandé s’il ne valait pas mieux, plutôt que de réformer le scrutin de Paris, Lyon et Marseille, réfléchir à « un mode de scrutin spécifique pour les villes de plus de 500 000 habitants ». 

Arguments baroques

Du côté du gouvernement, les arguments les plus baroques ont été utilisés, notamment à propos de la prime majoritaire à 25 % : pour Patrick Mignola, les conseils municipaux des trois plus grandes villes « se rapprochent par leur taille des conseils régionaux »… d’où l’idée de leur appliquer la prime majoritaire de 25 %, en vigueur dans les élections régionales. « Les bras m’en tombent », s’est exclamée la sénatrice socialiste Colombe Brossel, également conseillère municipale à Paris. « Prenez-nous au moins un peu au sérieux ! ». 

Sur tous les bancs, en dehors des soutiens du gouvernement, ce dernier a été accusé de mener, fondamentalement, une réforme de complaisance, certains parlant même de « conflit d’intérêt » et faisant mine de s’étonner que ce ne soit pas la ministre de la Culture, Rachida Dati, qui soit venue défendre le texte devant le Sénat, puisque « ce texte ne vise en fait qu’un objectif : que Mme Dati soit élue maire de Paris » (Marie-Pierre de la Gontrie). 

À l’issue des débats, après que tous les articles du texte eurent été impitoyablement rejetés par le Sénat, la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda, a constaté qu’en seconde lecture, « le Sénat a rejeté ce texte encore plus massivement qu’en première ». Mais tout en sachant que le gouvernement ira au bout en faisant adopter ce texte à l’Assemblée nationale. « Quelle confiance pouvons-nous avoir, quand vous passez outre à notre vote, contrairement à vos engagements ? », a regretté Muriel Jourda. 

Adoption express à l’Assemblée nationale

Dès ce matin, donc, l’ordre du jour de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale a été bouleversé : à 9 heures, dans un Hémicycle plus qu’aux trois quarts vides, le ministre Patrick Mignola a demandé aux députés d’adopter « en lecture définitive » ce texte. Convoquant Racine, le ministre a estimé que cette proposition de loi « ne méritait ni cet excès d’honneur ni cette indignité ». 

Jean-Paul Mattei (MoDem), rapporteur de la commission des lois, a déclaré avant le vote, avec une certaine audace : « Vous ne pourrez que constater le large soutien du Parlement à ce retour au droit commun pour Paris, Lyon et Marseille. » 

L’Assemblée s’est prononcée sur l’ensemble du texte, dans débattre une énième fois de chaque article : sur une cinquantaine de minutes, la parole a été donnée aux orateurs de chaque groupe pour expliquer leur vote – et les positions ont été les mêmes que lors des précédents débats.

Se sont prononcés pour ce texte le parti macroniste EPR et le MoDem, le RN et les ciottistes, ainsi que La France insoumise. Les Républicains, en total désaccord avec leurs collègues du Sénat, se sont prononcés pour ce texte, jugeant qu’il « répond à une exigence démocratique fondamentale ».

En face, les députés socialistes, communistes, écologistes, Liot et Horizons ont annoncé qu’ils voteraient contre. 

Résultat : la proposition de loi a été définitivement adoptée avec 112 voix pour et 28 contre.

Maire info reviendra, dans son édition de demain, sur son contenu définitif – en attendant un éventuel avis du Conseil constitutionnel qui pourrait, ou non, censurer certains articles de la nouvelle loi. 




Ruralité
4 467 communes classées en zone FRR+
Le décret dévoilant les critères de classement des communes en zone FRR+ a enfin été publié ce matin, avec effet rétroactif au 1er janvier 2025. Plus de 4 400 communes entrent dans ce nouveau classement, situées dans 67 départements. 

Alors que la réforme qui a transformé les zones de revitalisation rurale (ZRR) en zones France ruralité revitalisation (FRR) est entrée en vigueur il y a un an, on ne connaissait toujours pas les critères permettant d’entrer dans le classement des FRR renforcées, dites FRR+. C’est désormais chose faite.

Exonérations

Pour mémoire, comme c’était déjà le cas pour les ZRR, le dispositif FRR est à deux étages : si 17 800 communes environ sont classées FRR, un quart d’entre elles doivent bénéficier d’un accompagnement renforcé, dit FRR+. 

Le dispositif FRR permet, d’une part, de renforcer l’attractivité des communes avec un certain nombre d’exonérations fiscales et sociales (impôt sur les bénéfices, CFE et TFPB). D’autre part, des règles spécifiques s’appliquent à ces communes : majoration de la dotation globale de fonctionnement avec une bonification de 30 % de la fraction bourg-centre et de 20 % de la fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale, facilitation d’ouverture d’officines, bonification de la dotation France Services, majoration de dotation au titre de la péréquation postale, exemption du supplément de loyer de solidarité, etc. 

Dans les communes FRR+, ces dispositifs, et notamment les possibilités d’exonération, sont renforcés.

Les élus pourront trouver tous les détails sur ce dispositif dans une foire aux questions très complète publiée par le gouvernement.

Indice synthétique

Alors que la liste des communes classées en FRR est connue depuis le mois de mai, il restait à connaître les critères de classement en FRR+ et les communes concernées. 

C’est l’objet du décret et de l’arrêté publiés ce matin : le premier détaille les critères d’attribution et le second livre la liste des communes entrant dans ces critères.

Ces critères ont fait l’objet d’une importante concertation entre le gouvernement et les associations d’élus : la première mouture présentée par l’exécutif était apparue trop complexe, « difficilement lisible et applicable », notamment à l’AMF, qui avait demandé au gouvernement de fonder les critères sur la définition Insee de la ruralité. Le gouvernement a bien pris en compte cette demande, l’a intégrée dans la loi de finances pour 2025 (article 99). Le décret d’application de cet article 99 a été récrit par le gouvernement, toujours à la demande de l’AMF, pour simplifier la définition des indices et les modalités de classement. Même si le décret reste complexe, il apparaît donc nettement plus simple que la version initiale.

Pour permettre le classement en FRR+, le gouvernement utilise un « indice synthétique » qui s’appuie sur trois critères : l’évolution du revenu fiscal de référence moyen entre 2009 et 2020 ; l’évolution de la population entre 2009 et 2020 ; l’évolution du taux d’emploi des 25-54 ans entre 2009 et 2020. Cet indice est calculé à l’échelle des EPCI et des bassins de vie. « L'indice synthétique d'une commune est le même que celui retenu à l'échelle de son EPCI ou de son bassin de vie », est-il indiqué dans le décret, le chiffre le plus faible (entre EPCI et bassin de vie) étant retenu. 

Dès lors, la méthode est relativement simple : une fois l’indice synthétique calculé pour l’ensemble de communes FRR, les 25 % d’entre elles qui ont l’indice le plus faible sont classées en FRR+. 

310 FRR+ en Haute-Marne

Résultat : logiquement, 4 437 communes entrent dans ce classement, soit le quart des communes FRR. Ces communes sont réparties dans 67 départements, avec des variations très importantes d’un département à l’autre : dans certains départements comme la Somme, les Deux-Sèvres ou le Haut-Rhin, il n’y a qu’une seule commune en FRR+, ou encore 3 dans l’Oise, 5 en Ille-et-Vilaine. 

À l’inverse, dans le haut du classement, certains départements comptent plusieurs centaines de communes FRR + : c’est le cas de la Haute-Marne (310), de la Nièvre (290), de l’Aisne (275) ou encore de l’Yonne (245). 

Avec la parution de ces deux textes, le dispositif FRR est maintenant complètement finalisé. Il reste encore, pour les élus, à en comprendre toutes les subtilités : l’AMF a demandé, lors de la concertation sur le projet de décret, que sa parution s’accompagne de « documents pédagogiques ». LA FAQ publiée en mai par le gouvernement devrait être incessamment mise à jour pour tenir compte des nouvelles évolutions publiées ce matin. 




Commande publique
Commande publique : un appel à aider les petites communes
La commission d'enquête du Sénat recommande d'assouplir le recours aux groupements de commandes entre communes et intercommunalités et à mutualiser la fonction achat. Elle enjoint l'État d'apporter les outils nécessaires aux acheteurs publics pour simplifier et sécuriser les marchés.

[Article initialement publié sur le site Maires de France]

Le périmètre de la commission d’enquête du Sénat sur la commande publique semblait, a priori, très large, pour ne pas dire vague. Les 67 recommandations faites par les sénateurs Simon Uzenat (Morbihan, président de la commission) et Dany Wattebled (Nord, rapporteur), après quatre mois de travail, sont certes nombreuses mais plutôt concrètes. 

L’ambition est d’arriver à utiliser la manne de la commande publique française qui s’élève à 400 milliards d’euros par an, voire la commande publique européenne (2 500 milliards d’euros par an) comme levier politique et économique au profit des entreprises de l’Union européenne tout en assurant la souveraineté (économique, industrielle, numérique) aux pays membres. L’enjeu est aussi de s’appuyer sur les collectivités locales qui assurent 80 % des marchés publics. Mais encore faudrait-il ne pas leur « imposer des efforts financiers d’un côté, et leur demander de soutenir l’économie de l’autre », grince Simon Uzenat.

Achat local et exception alimentaire

Les sénateurs recommandent ainsi de privilégier l’achat local et d’instaurer une préférence européenne lors de la prochaine révision des directives européennes régissant le droit de la commande publique, prévue pour 2027. Les États-Unis, relèvent-ils, réservent, depuis 1953, une part en valeur de leurs marchés publics fédéraux aux TPE et PME et autorisent l’attribution directe de marchés en dessous de certains montants. Ils appellent donc à faire de même en Europe en instaurant ce même type de modèle, appelé « small business act ». Il s’agirait là de renforcer les armes de l’Europe dans la guerre commerciale qui fait rage au niveau mondial actuellement.

Dans cet esprit, les sénateurs aimeraient que l’Union européenne introduise « une exception alimentaire » au droit de la commande publique en permettant « de faciliter, notamment pour les collectivités territoriales », le recours à des producteurs locaux et à des circuits courts d’approvisionnement. Une telle exception répondrait à une demande forte des élus locaux.

Montées en compétences

Un autre axe des recommandations vise à simplifier la commande publique des collectivités, notamment des plus petites, en les aidant davantage. Les sénateurs souhaiteraient assouplir les conditions de recours aux groupements de commandes pour les communes et les intercommunalités en facilitant l’ajout ou la sortie d’un membre à un groupement.

Ils encouragent également la mutualisation de la fonction achat, qui s’est largement professionnalisée ces dernières années, à l’échelle de l’intercommunalité. Cette mutualisation peut se faire « par une simple convention », avance Simon Uzenat. « Les plus petites collectivités demeurent confrontées à des difficultés multiples pour cette montée en compétences : difficultés de recrutement, manque de formation des agents, volume d’achat insuffisant pour justifier la professionnalisation, expliquent les deux sénateurs. Signe de ce retard, moins de 10 % des maires interrogés par le Sénat dans le cadre de la consultation des élus locaux [réalisée en avril, 1182 réponses, ndlr] ont indiqué disposer d’un acheteur professionnel dans leur équipe. » Les sénateurs envisagent également une formation obligatoire au droit de la commande publique pour les élus participant aux commissions d'appel d'offres.

État défaillant

L’État s’est en outre montré défaillant dans son rôle de pilotage de la commande publique nationale (les sénateurs estiment d’ailleurs qu’il n’y a aucun pilote ni aucun responsable au niveau national de cette politique publique pourtant devenue majeure) et d’accompagnement des pouvoirs adjudicateurs, et notamment des plus petites communes, dans l’appropriation des outils juridiques de la commande publique en matière environnementale.

La loi Climat et résilience va obliger les pouvoirs adjudicateurs à intégrer, à compter du 22 août 2026, une clause d’exécution environnementale et un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales des offres dans chaque marché public. « La commission d’enquête a constaté l’insuffisante préparation des acheteurs publics à une telle évolution du cadre juridique », écrivent les deux sénateurs. Ils en attribuent la responsabilité à l’État qui n’a pas mis à disposition les outils nécessaires. Par exemple, il s’était engagé à produire une méthode de calcul pour analyser le coût du cycle de vie des produits avant le 1er janvier 2025 (article 36 de la loi Climat et résilience). Il ne l’a pas fait.

Protection des données publiques sensibles

Simon Uzenat et Dany Wattebled reprochent également à l’État son « inertie » en matière de protection des données sensibles, voire « une faute politique », pour trouver des solutions souveraines d’hébergement de données numériques. Les données de santé des Français sont, par exemple, hébergées sur une solution Microsoft, qui n’apporte aucune garantie contre un possible accès des États-Unis à ces données.

De même, les marchés passés par l’Ugap auprès d’éditeurs de logiciels (860 millions d’euros de vente en 2024) et de prestataires d’hébergement « en cloud », c’est-à-dire sur des plateformes numériques extérieures (pour 44 millions d'euros de vente) ne protègent en rien ses clients contre toute dépendance technique et possible captation des données par des puissances étrangères. Les sénateurs recommandent de mettre l’Ugap sous tutelle du ministère chargé de la Souveraineté industrielle et numérique.

Souveraineté numérique

Pour mieux assurer la protection des données des citoyens français dans le cadre de la commande publique, ils réclament l’application de mesures de sécurité, déjà prévues par la loi mais non encore mises en œuvre comme le recours obligatoire à des offres disposant de la qualification SecNumCloud pour l’hébergement des données publiques sensibles, de préférence au moyen de solutions intégralement souveraines. Ils demandent également de permettre l’insertion, dans les marchés publics, de clauses de non soumission aux législations extraterritoriales étrangères et de clauses « interdisant le transfert des livrables produits dans le cadre de ces prestations ».

La commission d’enquête recommande par ailleurs une simplification générale des règles de commande publique et propose toute une série de mesures techniques, comme la suppression du système de procédure adaptée français, faire de la négociation la règle, la mise en place d’un « passeport commande publique » attestant du respect par les candidats aux marchés publics et par les titulaires de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière fiscale et sociale, etc.

Les deux sénateurs ont promis de travailler à deux propositions de loi, dont l’une serait davantage orientée collectivités locales, reprenant leurs recommandations. 




Communes nouvelles
Communes nouvelles : avant les municipales, l'heure est au bilan
Les deuxièmes Assises nationales des communes nouvelles se sont déroulées hier à l'AMF. Si les communes nouvelles font leurs preuves au niveau de l'efficacité de l'action publique, des interrogations subsistent notamment sur l'avenir du statut de ces communes et sur la manière d'aborder ce sujet à l'aube des élections municipales de 2026.

De fructueux échanges ont eu lieu hier dans les locaux de l’AMF à l’occasion des deuxièmes Assises nationales des communes nouvelles. Alors que les élections municipales approchent à grands pas et que le mouvement de création des communes nouvelles s’essouffle quelque peu depuis 2020 (844 communes nouvelles existent aujourd’hui), ce rendez-vous important pour les élus a été l’occasion de dresser à la fois un bilan des créations passées et des perspectives nouvelles pour l’avenir, à court et moyen termes. 

En introduction des débats, la ministre chargée de la Ruralité Françoise Gatel – aussi auteure de la loi du 1er août 2019 sur les communes nouvelles – a fait un clin d’œil à Jacques Pélissard, ancien président de l’AMF et à l’initiative de la loi du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle. « Il explique que l’enjeu principal de la commune nouvelle est d’avoir des communes fortes et vivantes, indique Françoise Gatel. Comme l’AMF le pointe, une commune nouvelle se construit à partir d’un projet, d’une vision. C’est un enjeu d’avenir pour nos concitoyens qui accordent de plus en plus d’importance aux services qui sont offerts dans les communes ».

« Si la commune nouvelle apparaît comme une solution à beaucoup de maux et de difficultés et une manière de faire vivre nos villages sans supprimer l’identité des communes », selon les mots de Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou et co-président du groupe Communes nouvelles de l’AMF, il reste que le modèle de la commune nouvelle n’est pas toujours bien compris ni même suffisamment connu, et que certaines situations, très différentes selon les territoires, poussent à s’interroger sur le statut de celle-ci. 

Élections municipales : la commune nouvelle n’est pas un sujet 

La commune nouvelle a d’abord été appréhendée sous le prisme des élections municipales. Brigitte Monnet, maire de Val-Sonnette, va se présenter à nouveau. La question de la commune nouvelle aura sa place dans les débats puisque l’équipe municipale organise « une réunion publique pour rendre compte aux habitants des projets que nous pouvons mener désormais ». « Ensemble on peut porter des projets que seuls on ne pourrait porter », résume la maire, qui estime que les habitants sont satisfaits de cette fusion entre cinq communes. Pour Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse, la commune nouvelle « n’est pas un sujet mais un acquis » et « aucun citoyen ne va soulever cette question » dans le cadre des élections. L’important pour Jean-Marc Vasse, maire de Terres-de-Caux et maire référent des communes nouvelles à l’AMF, est de « faire mesurer à chacun les avantages apportés par les communes nouvelles ».

Mais peut-on aller jusqu’à en faire un argument politique ? De ce côté-ci, les élus sont mitigés. Le choix de création de commune nouvelle doit, pour la maire de Valloire-sur-Cisse, être issu d’une « réflexion des conseils municipaux qui vont le faire pour servir au mieux les intérêts des populations pas assez sensibilisées ». François Aubey, maire de Mézidon-Vallée-d’Auge, est persuadé que s’il y avait eu une consultation des habitants avant la fusion, « les gens auraient été défavorables car trop attachés à l’identité locale ». « Mais la commune nouvelle est une machine à investir », argue l’élu. « Un candidat peut décider d’en parler mais il sera difficile de lutter contre le sentiment d’appartenance chez certains. » D’ailleurs, à Mézidon-Vallée-d’Auge, le Rassemblement national qui présentera une liste pour les élections a choisi de faire de la commune nouvelle « un sujet de frappe » face à l’équipe municipale sortante.

Dans le cadre du groupe de travail créé par la ministre Françoise Gatel, un axe d’amélioration a été identifié pour mieux faire connaître la commune nouvelle, à la fois aux élus et à la population. Le groupe propose qu’une réunion d’information soit conduite par les préfets de département sur ce qu’est la commune nouvelle en faisant témoigner des élus. « Il faudrait y associer tous les personnels et surtout rassurer et accompagner les DGS », ajoute la ministre qui estime pour sa part qu’un référendum pour créer une commune nouvelle serait « une consultation artificielle ».

Conseils municipaux, maires délégués, seuils inadaptés 

Des enjeux plus techniques ont été abordés par les élus présents hier. Il a été question par exemple des maires délégués. Les conseils municipaux des communes nouvelles peuvent en effet faire le choix de maintenir ou de supprimer les mairies déléguées des communes historiques. Certains sont convaincus du rôle indispensable de ces maires délégués, comme François Aubey qui estime que « sans maire délégué il n’y a pas de proximité » tandis que d’autres estiment que la dénomination peut créer la confusion chez les administrés. Dans certaines configurations comme à Baugé-en-Anjou – qui a une superficie de plus de 268 km², soit deux fois plus que celle de Paris – il est difficile d’imaginer se passer de ces maires délégués. 

A aussi été abordée l’incontournable question des effectifs des conseils municipaux dans les communes nouvelles. Pour rappel, la loi Pélissard du 16 mars 2015 a prévu un dispositif permettant d’éviter une chute trop rapide et trop brutale du nombre de conseillers municipaux lors du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. La loi du 1er août 2019 a stabilisé cette dérogation jusqu’au deuxième renouvellement général suivant la création de la commune nouvelle, avant le retour au droit commun. Plus récemment, la loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales prévoit que la période de transition resterait en vigueur jusqu’au troisième renouvellement général. 

Enfin, il a été largement rapporté que certaines dispositions et seuils sont loin d’être adaptés aux communes nouvelles. Les seuils apparaissent notamment inadaptés aux élus dans les communes nouvelles en ce qui concerne les obligations liées à la loi SRU, aux sites funéraires, ou encore l’obligation de créer un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), a détaillé Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et institutions locales à la DGCL. Les exemples ne manquent pas et la diversité des expériences met au jour des réalités qui n’avaient pas été anticipées. C’est le cas de la réglementation pour les débits de tabac, observe Stella Dupont, députée de Maine-et-Loire, qui peut être un frein pour la reprise de ce type de commerce qui, bien souvent, est un commerce de proximité multiservices.

Il a été annoncé à l’occasion de ces Assises que la DGCL mène actuellement une enquête pour faire un état des lieux/bilan des communes nouvelles auprès de 20 départements (10 où il y a le plus de communes nouvelles et 10 où il y en a le moins). Le but : identifier les freins à la création de communes nouvelles. 

Statut de la commune nouvelle 

Tous ces sujets poussent à s’interroger sur l’avenir des communes nouvelles d’un point de vue juridique et législatif. Faudra-t-il considérer à terme que la commune nouvelle doit tendre vers plus de particularisme, en devenant une collectivité à statut particulier, ou doit-elle progressivement être considérée comme une commune « normale » ? « La question du statut particulier des communes nouvelles est devant nous, si on veut maintenir l’attractivité de cet outil », défend Stella Dupont qui est favorable à ce que les communes nouvelles accèdent à un statut particulier à l’instar des communes d’outre-mer. Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public et coprésident du Comité de réflexion sur les communes nouvelles de l’AMF a rappelé que différentes options étaient possibles, d'un point de vue constitutionnel, et que le législateur est libre de statuer sur cette question. 

Pour Éric Kerrouche, sénateur des Landes, la question se pose davantage en ces termes : « Quelle latitude donne-t-on à la commune nouvelle pour qu’elle devienne une commune comme une autre ? » Estimant qu’il n’est pas utile de légiférer pour faire de la commune nouvelle une entité à part, il souligne cependant qu’un « traitement différencié pendant un moment ne doit pas faire peur ». Sur le sujet, la position du gouvernement est claire : après une nécessaire phase de transition, les communes devront, le moment venu, se plier aux mêmes règles et aux mêmes obligations que toutes les autres communes. 




Démographie
Démographie : le déclin de la natalité française est parti pour durer, selon une étude
Si le modèle de la famille à deux enfants reste ancré chez les Français, le nombre d'enfants désirés par les jeunes est en baisse, selon une étude de l'Institut national d'études démographiques, alors même que le plus faible nombre de naissances depuis la fin de la Seconde guerre mondiale a été atteint l'an passé.

Les Français et les Françaises « veulent moins d’enfants ». L’intitulé de la dernière étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) est on ne peut plus clair : constatée depuis plusieurs années, la baisse de la fécondité devrait irrémédiablement se poursuivre dans le futur. C’est ce que concluent les auteurs de ce travail publié hier, dans lequel ils constatent que le désir d’enfant est en net recul, en France, ces dernières années. Et notamment chez les plus jeunes.

En chute de 20 % en dix ans, l’indicateur conjoncturel de fécondité a déjà connu une baisse « rapide » en passant de deux enfants par femme en 2014 à 1,6 en 2024. Si ce phénomène se retrouve dans tous les pays d’Europe, l’Ined estime que la fécondité française devrait rester « vraisemblablement supérieur » à la moyenne continentale actuelle de 1,4 enfant par femme.

Deux enfants « maximum »

Basée sur un échantillon représentatif de 12 800 personnes, âgées de 18 à 79 ans en France, cette enquête révèle que les Français privilégient dorénavant une cellule familiale plus petite puisque le « nombre idéal d'enfants » est passé de 2,7 enfants en moyenne en 1998 à 2,3 en 2024. Une baisse jugée « importante » en 25 ans.

Si la moitié des Français de 18-49 ans considéraient, en 1998, que la famille idéale devait être composée d’au moins trois enfants, ils ne sont ainsi plus que 29 % à le penser. Les deux tiers (65 %) d’entre eux préfèrent dorénavant s’en tenir à deux enfants souhaités, contre moins de la moitié (47 %) en 1998.

« Entamé de longue date », ce moindre attrait pour les familles nombreuses va de pair avec « une augmentation récente » des familles à enfant unique et des personnes sans enfant bien que celles-ci restent « rares » (seuls 6 % des Français déclaraient un nombre idéal d’enfants inférieur à deux). 

Le nombre d'enfants que les personnes interrogées ont l'intention d'avoir dans leur vie suit, d’ailleurs, « la même évolution » que les réponses sur le nombre idéal d’enfants. Dans ce contexte, c’est le modèle de la famille à deux enfants qui se diffuse le plus, mais il est désormais perçu par les jeunes « comme un maximum et non plus comme un minimum », note l’Ined.

Plus marqué chez les jeunes

« Comme pour l’ensemble des adultes, la moitié des jeunes de 18 à 29 ans envisagent d’avoir exactement deux enfants », mais ils se différencient sur un point : ils sont plus nombreux à ne vouloir qu’un seul – voire aucun – enfant qu’au moins trois enfants. C'était l’inverse en 2005.

Si elle touche tous les groupes sociaux, la baisse de la fécondité est « beaucoup plus marquée » chez les plus jeunes. Le nombre total d’enfants souhaités par les jeunes adultes de moins de 30 ans a ainsi diminué de 0,6 enfant en moyenne en 20 ans, passant de « 2,5 à 1,9 enfant souhaité pour les femmes » et « de 2,3 à 1,8 pour les hommes ». 

Après avoir réalisé une série de projections de la fécondité, l’Ined constate, en outre, que, « dans tous les scénarios, les femmes nées après 1985 ont moins d’enfants que les générations précédentes ». « La descendance finale varie entre 1,8 et 2 enfants pour la génération 1990, et entre 1,6 et 1,9 pour la génération 1995 (âgée de 30 ans en 2025). […] Pour les femmes plus jeunes, l’avenir est plus ouvert [puisque celles] nées dans les années 2000 pourraient avoir […] probablement environ 1,6 enfant en moyenne », observe l’Institut, ce qui explique donc que la baisse de la fécondité est ainsi « probablement appelée à se prolonger ».

Égalité dans le couple et changement climatique

Pour quelles raisons les intentions de fécondité ont-elles ainsi diminué dans tous les groupes sociaux ? Et ce « quels que soient le sexe, l’âge, le pays de naissance, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle ou le niveau de vie ». 

Selon les auteurs de l’étude, cela tient en partie à « la manière dont les individus conçoivent la famille et appréhendent l’avenir ». Concrètement, ce sont « les personnes ayant une conception égalitaire des rôles des femmes et des hommes » et celles « très inquiètes du changement climatique et des perspectives pour les générations futures » qui souhaitent avoir moins d’enfants. 

On observe là un changement majeur puisque la conception égalitaire des rôles des femmes et des hommes dans la société n’avait « aucun effet en 2005 » sur les intentions de fécondité. 

En 2024, la différence est désormais marquée. Ainsi, à caractéristiques socio-démographiques égales, « parmi celles et ceux qui pensent que la politique, les études ou l’emploi sont plus importants pour les hommes, alors que les femmes s’occupent mieux du foyer et des enfants, 47 % ont probablement ou certainement l’intention d’avoir un enfant (ou un enfant supplémentaire), contre 38 % de celles et ceux qui considèrent que ces domaines sont aussi importants pour les deux sexes », souligne l’Ined. 

Reste que ce sont « uniquement » les hommes aux conceptions plus traditionnelles qui souhaitent « un nombre d’enfants plus élevé ».

Vers un « congé de naissance » 

Deux phénomènes qui ne représentent « sans doute qu’une partie de l’explication », nuance l’Ined en rappelant que « la baisse des intentions d’avoir des enfants tient à des tendances plus larges qui traversent la société dans son ensemble ».

Alors que la chute de la natalité entamée ces dernières années risque d'aggraver les difficultés de financement de la protection sociale basée sur la solidarité, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, vient de dévoiler sa stratégie pour remédier à cette situation. 

Dans un entretien à L’Express, elle a confirmé « travailler » à un « congé de naissance » qu'elle souhaite « porter dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 ». Ce nouveau congé, annoncé par le président Emmanuel Macron en janvier 2024, pourrait être pris « par la mère et le père à la suite l'un de l'autre », avec un « accompagnement financier plus important » que l'actuel congé parental, indemnisé 456 euros par mois.

« Les enfants qui naissent aujourd’hui seront chargés de la société dans 25 ans. C’est un enjeu majeur pour l’avenir du pays », explique-t-elle, alors qu'en 2024, 663 000 bébés ont vu le jour en France. Soit le plus faible nombre de naissances sur un an depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

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Journal Officiel du jeudi 10 juillet 2025

Lois
Loi n° 2025-622 du 9 juillet 2025 créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Décret n° 2025-628 du 9 juillet 2025 relatif aux modalités de détermination des zones France ruralités revitalisation « plus »
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Arrêté du 9 juillet 2025 constatant le classement de communes en zone France ruralités revitalisation « plus »

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