| Édition du jeudi 26 juin 2025 |
Élections
Mode d'élection à Paris, Lyon et Marseille : le gouvernement va-t-il passer en force ?
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La commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis entre Assemblée nationale et Sénat sur la réforme du mode de scrutin aux élections municipales de Paris, Lyon et Marseille a échoué. Il revient maintenant au gouvernement de décider s'il impose cette réforme contre l'avis du Sénat.Â
Il n’est pas fréquent que le clivage entre députés et sénateurs soit si profond. La proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille a été largement adoptée à l’Assemblée nationale mais rejetée dans son ensemble par le Sénat, ce qui a conduit à la convocation d’une commission mixte paritaire (CMP), avant-hier. Mais avant même la tenue de celle-ci, les deux rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur des propositions communes, et la CMP a tourné court.
Une réforme qui pose de multiples questions
Pour rappel, cette proposition de loi vise à mettre fin à l’exception que connaissent les trois plus grandes villes du pays, où le conseil municipal est élu au suffrage indirect : à Paris, Lyon et Marseille, les électeurs élisent des conseillers par arrondissement, et seuls les premiers élus de chaque arrondissement siègent au conseil municipal, à Lyon et Marseille, ou au conseil de Paris, dans la capitale – assemblée où sera élu le maire.
Le parti macroniste, à l’origine de ce texte, ne se lasse pas de répéter qu’après avoir adopté la réforme du mode de scrutin dans les communes de moins de 1000 habitants, il faut poursuivre sur le chemin de l’harmonisation, et mettre fin à l’exception qui touche ces trois villes seulement. Parmi les opposants à ce texte, en revanche, on murmure que le gouvernement est moins motivé par l’harmonisation des modes de scrutin que par la perspective de faire élire une de ses ministres à la mairie de Paris, ce que la réforme envisagée pourrait faciliter.
Quoi qu’il en soit, l’AMF elle-même s’est montrée plus que réservée sur cette réforme, qui induirait des difficultés logistiques et financières considérables. En effet, le texte envisagé ne propose pas d’abolir les conseils d’arrondissement, mais de mettre en place un double scrutin, le même jour : l’un pour élire les conseils d’arrondissement, l’autre pour élire le conseil municipal, sur une circonscription unique. À Lyon, il faudrait même organiser, le même jour, un troisième scrutin : l’élection des conseillers métropolitains. Il faudrait donc dédoubler – voire tripler – les bureaux de vote, les bulletins de vote, la propagande électorale, et, dernier problème mais certainement pas le moindre, trouver deux ou trois fois plus d’assesseurs que d’habitude, quand il est déjà fort difficile aux maires d’en trouver suffisamment pour compléter un seul bureau.
Autre problème soulevé par la réforme : celle-ci conduirait à passer la « prime majoritaire » à 25 % dans ces trois villes. Pour rappel, dans le scrutin de liste proportionnel à deux tours, la liste arrivée en tête obtient automatiquement 50 % des sièges, puis un nombre de sièges supplémentaires proportionnel à son score. Pour éviter un « écrasement » du conseil municipal par le groupe majoritaire, il est donc proposé de passer la prime à 25 % des sièges à Paris, Lyon et Marseille. Ce qui pourrait conduire à des situations de majorité relative dans les conseils municipaux de ces trois villes – comme c’est le cas à l’Assemblée nationale depuis trois ans, avec le succès que l’on sait.
Toutes ces difficultés ont conduit le Sénat à rejeter très largement cette proposition de loi, estimant qu’elle avait été conçue de façon « précipitée », qu’elle générerait une « instabilité politique » et qu’elle était, de toute façon, « fragile sur le plan juridique, impossible à mettre en œuvre sur le plan pratique et au coût particulièrement élevé ».
Rappelons qu’à l’Assemblée nationale, le texte avait été voté essentiellement… par les partis qui estimaient qu’ils y gagneraient sur le plan électoral, à savoir les macronistes, LFI et le RN.
CMP non conclusive
La commission mixte paritaire n’a pu que constater le désaccord de fond entre les deux chambres. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei, a certes proposé « des évolutions substantielles » pour répondre aux préoccupations de sénateurs. Il a par exemple proposé que les maires d’arrondissement siègent, de droit, dans les conseils municipaux, « afin d’assurer une représentation directe des arrondissements au sein de l’organe délibérant central ». Ou encore de sortir éventuellement la ville de Lyon du périmètre de la réforme, pour éviter le triple scrutin.
Las : aucune de ces propositions n’a trouvé grâce aux yeux de Lauriane Josende, la rapporteure pour le Sénat. En CMP, celle-ci a notamment longuement argumenté sur la présence « de droit » des maires d’arrondissement dans le conseil municipal, qui soulèvent selon elle « des problèmes multiples » : faire participer au conseil municipal automatiquement des personnes non élues dans ce scrutin – puisque l’élection des conseillers d’arrondissement serait différenciée de celle des conseils municipaux – pose « un problème constitutionnel » ; et, par ailleurs, la présence des maires d’arrondissement, à voix égale, dans le conseil municipal, ne reflèterait pas la très grande diversité des arrondissements en terme de population – à Paris par exemple, il y a 14 fois plus d’habitants dans le 15e arrondissement que dans le 1er.
La rapporteure du Sénat est restée ferme sur les positions exprimées en séance : « La réforme envisagée a été élaborée dans la précipitation, sans concertation des acteurs concernés – au premier chef desquels les maires d’arrondissement – et surtout en se limitant à la seule question du mode de scrutin, sans aborder la question fondamentale des compétences et du fonctionnement institutionnel actuel de ces trois villes, avec leurs innombrables particularités. » Plus brièvement, a-t-elle conclu, elle était « mal emmanchée ». Lauriane Josende a toutefois précisé que le Sénat n’était pas, en soi, opposé à une réforme du mode de scrutin dans ces trois villes, mais qu’il ne jugeait, en l’espèce, ni la méthode ni le calendrier « satisfaisants ».
Les deux rapporteurs ont donc fait le constat de « l’impossibilité de proposer un texte commun », et la CMP s’en est tenue là.
Stop ou encore ?
Après l’échec d’une commission mixte paritaire, deux options sont possibles pour le gouvernement : ou bien abandonner la réforme, ou bien relancer une nouvelle navette parlementaire. Dans ce cas, le Sénat examinerait de nouveau le texte – et le rejetterait à nouveau. Puis l’Assemblée nationale s’en saisirait et aurait le dernier mot, avec une probable adoption du texte par le biais de cette étrange alliance Renaissance-LFI-RN. Une telle option, qui s’apparenterait à un passage en force du gouvernement, présente de multiples risques. D’abord, adopter un texte concernant les conseils municipaux en passant outre l’opposition formelle du Sénat, c’est-à-dire la chambre des collectivités, serait particulièrement mal vécu par les sénateurs et leur président Gérard Larcher. Ensuite, cela contribuerait à tendre fortement les relations entre le bloc central et Les Républicains, très opposés à cette réforme – et dont le président, rappelons-le, siège au gouvernement avec le rang de ministre d’État. Et ce alors que l’alliance entre le bloc central et les LR est à cette heure la seule chance de survie du gouvernement de François Bayou.
Pourtant, il semble bien que le gouvernement se prépare à choisir cette dangereuse option. Lors de la séance de questions au gouvernement, hier au Sénat, la sénatrice LR Muriel Jourda a demandé au gouvernement ses « intentions » : « Je lis dans les journaux que vous souhaiteriez poursuivre le processus législatif… ». Patrick Mignola, ministre chargé des Relations avec le Parlement, lui a répondu : « Les institutions, rien que les institutions, mais toutes les institutions ! (…) Il est possible qu'il y ait des différences de vues profondes entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Nos institutions prévoient qu’après l’échec d’une CMP, les deux chambres soient saisies en nouvelle lecture. »
Le ministre a omis de préciser que « les institutions » n’empêchent nullement qu’un texte qui fait l’objet d’un tel désaccord soit abandonné. Sa réponse semble donc confirmer les rumeurs selon lesquelles la navette va reprendre, dès la semaine prochaine, à l’occasion de la session extraordinaire qui commence mardi. Si c’est bien le choix qu’opère le gouvernement, il le fera à ses risques et périls.
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Finances locales
Taxes d'urbanisme : deux députés préviennent d'un risque de « perte sèche » pour les collectivités
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Le produit de taxe d'aménagement des grandes villes a « baissé de 25 % » entre 2022 et 2023, tandis que le manque à gagner pour les départements est évalué « entre 200 et 300 millions d'euros » depuis 2022, selon un rapport sur les dysfonctionnements récents dans la collecte des impôts locaux.
« Il existe un risque que l’impôt non liquidé ne soit pas recouvré », ce qui entraînerait alors « une perte sèche pour les collectivités territoriales ». Dans un rapport qu'ils viennent de publier sur « les dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux et leurs conséquences », les députés du Puy-de-Dôme et de Paris, Christine Pirès Beaune (PS) et David Amiel (Renaissance), s’inquiètent des graves conséquences sur les finances locales après le ratage récent dans la collecte des taxes d’urbanisme.
En début d’année, le syndicat Solidaires Finances publiques estimait qu’il pourrait manquer, à ce titre, « entre 635 et 750 millions d'euros dans les caisses des collectivités locales ».
Le fiasco « GMBI »
Les deux rapporteurs reviennent ainsi sur les deux couacs majeurs subis récemment par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), dont le coût pour les finances publiques est déjà colossal alors même que l’État cherche à faire des économies.
En premier lieu, les errements du tout nouveau service « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) qui, au lieu de « simplifier » la déclaration des biens immobiliers des propriétaires comme prévu, a entraîné un véritable « chaos » lors de la campagne déclarative de 2023, pour reprendre les termes utilisés par la Cour des comptes dans son rapport au vitriol consacré à ce nouveau dispositif.
« Des dégrèvements massifs » ont ainsi dû être opérés en raison du « nombre élevé d’avis erronés de THRS, de THLV et de TLV » (respectivement la taxe d'habitation sur la résidence secondaire, la taxe d'habitation sur les logements vacants et celle sur les logements vacants), rappellent Christine Pirès Beaune et David Amiel.
Entièrement dématérialisé, ce nouveau dispositif a réclamé aux propriétaires eux-mêmes – sur un sujet aussi complexe que la fiscalité – de vérifier et éventuellement corriger les données saisies par l’administration fiscale. Et cela « sans l’accompagner d’une pédagogie adaptée et sans prendre en compte la diversité des publics concernés », notent les rapporteurs, qui ne peuvent que constater que « la DGFiP n’a pas réussi à organiser la campagne de déclaration (...) de manière compréhensible pour les propriétaires et sereine pour les agents des services des impôts des particuliers ».
Résultat, « seuls 77 % des locaux ont fait l'objet d'une déclaration à l’issue de la campagne (47 % des locaux pour les grands comptes) ». Avec « des erreurs manifestes dans l’émission des avis d’imposition », cela a conduit à quasi doubler (une hausse de « 97 % ») le nombre de procédures contentieuses relatives à la THRS, à la THLV et à la TLV par rapport à 2022.
Initialement évalué à 1,3 milliard d’euros par la Cour des comptes, le coût exorbitant pour les finances de l’État des errements de ce nouveau service a atteint finalement les « 1,4 milliard d’euros », selon Christine Pirès Beaune et David Amiel. Alors que « le produit des rôles de THRS et de THLV au titre de l’année 2023 a été reversé en intégralité aux collectivités », c’est l’État qui a « assumé seul la charge financière » de ces dégrèvements.
Point positif, cependant : la campagne déclarative 2024 s’est « indéniablement mieux déroulée tant pour les contribuables que pour les agents de la DGFiP ». Reste que « les montants de dégrèvement demeurent très élevés, à 1,3 milliard d’euros », ceux-ci étant « portés par la dynamique de la THLV et de la TLV » (en baisse pour la THRS).
Taxes d’urbanisme : au moins 600 millions d’euros en jeu
Dans la foulée, les rapporteurs reviennent sur l’autre couac majeur subi par la DGFiP : celui qui s’est produit lors de la collecte des taxes d’urbanisme, cette fois. Également lié à GMBI, au moins en partie, cet autre fiasco avait laissé craindre, en début d’année, une perte d’au moins 600 millions pour les collectivités. Et jusqu’à « 750 millions d’euros », selon les calculs du syndicat Solidaires Finances publiques.
En cause, là aussi, les « dysfonctionnements » du nouveau système automatisé de gestion au moment de la collecte de la taxe d'aménagement et de la taxe d'archéologie préventive, deux impôts locaux perçus par les communes, intercommunalités et départements.
En outre, les effectifs promis étaient bien insuffisants puisqu’à peine plus du tiers des agents (107 sur les « 290 ETP » prévus initialement) qui devaient être transférés – du ministère de la Transition écologique vers la DGFiP pour compenser le transfert de la mission de liquidation des taxes d’urbanisme – l’ont finalement été, déplorent les députés. Car si, jusqu'en septembre 2022, le calcul et l'émission de ces taxes étaient faits par le ministère et le recouvrement par la DGFiP, l'entièreté de cette tâche (liquidation et recouvrement) incombe dorénavant à la Direction générale des finances publiques.
Résultat, la liquidation des taxes d’urbanisme effectuée par la DGFiP reste toujours à un « faible niveau », le total des montants liquidés en 2024 étant « en forte baisse par rapport à la moyenne des années 2019-2022 (- 31 %) », expliquent Christine Pirès Beaune et David Amiel.
Et les deux élus de s'inquiéter des « effets » de ces retards sur les finances des collectivités, qui sont, pour l’heure « encore peu perceptibles », mais « potentiellement importants ». Ainsi, « le produit de taxe d'aménagement a baissé de 25 % entre 2022 et 2023 pour les collectivités adhérentes à France urbaine » (qui regroupe les grandes villes, métropoles, communautés et agglomérations urbaines), tandis que « le manque à gagner pour les départements depuis 2022 se situe entre 200 et 300 millions d’euros », selon les estimations de Départements de France.
En conséquence, « il existe un risque que l’impôt non liquidé ne soit pas recouvré et que le délai d'exercice du droit de reprise de l’administration fiscale soit échu. Il s’agirait alors d'une perte sèche pour les collectivités territoriales », préviennent les deux députés.
Pourtant Bercy avait bien assuré, en début d’année, que ces dysfonctionnements n'entraîneraient qu’un simple retard dans les versements. « Toutes les taxes dues seront encaissées et reversées aux collectivités », promettait-il.
Le syndicat Solidaires finances publiques redoutait, toutefois, déjà que « ce simple retard conduise à des pertes définitives de recettes ». Notamment parce que « certaines informations déclaratives semblent avoir été perdues et ne pourront dès lors donner lieu à taxation ».
Dans ces conditions, les auteurs du rapport recommandent de « traiter en priorité les dossiers de liquidation de taxes d’urbanisme encore en instance en fonction de leur montant absolu et de la part des recettes qu’elles représentent pour les collectivités bénéficiaires », ainsi que d’informer ces dernières du « niveau des montants effectivement liquidés » et « des éventuels retards ». Surtout, ils réclament de « compenser (...) toute perte de recettes liée à l’expiration du délai d’exercice du droit de reprise ».
Taxes foncières : les dégrèvements contentieux en net recul
S’agissant des taxes foncières (TFPB et TFPNB), les deux députés constatent que les dégrèvements contentieux sont en net recul, après avoir atteint des sommets jusqu’en 2022.
Entre 2017 et 2024, « les dégrèvements consécutifs à des erreurs d'attribution (envoi d’un avis d’imposition au mauvais foyer fiscal) ont représenté 480,93 millions d’euros en moyenne annuelle et concerné 394 391 dossiers en moyenne (soit environ 1,2 % des contribuables assujettis) », observent-ils.
Mais après avoir atteint un pic de 628,45 millions d’euros pendant la crise sanitaire, ils sont redescendus à 229,85 millions d’euros en 2024.
Des erreurs d’attribution qui trouvent leur origine, à la fois, dans « les retards de mise à jour du fichier immobilier par les services en charge de la publicité foncière », mais aussi « du fait de la situation des effectifs » de ces services qui, entre 2017 et 2022, ont perdu « 8,7 % de leurs agents ».
« En 2023, le délai moyen de mise à jour du fichier immobilier est revenu à son niveau de 2012, soit moins de 53 jours. En 2024, il est estimé à 25 jours », notent les élus qui pointent « des disparités importantes qui demeurent entre les départements » : si en Savoie, ce délai est de 3 jours, il atteint 50 jours dans la Meuse.
Au-delà de la problématique des erreurs d’attribution, c’est « la question de la révision des valeurs locatives » qui est revenue à « de nombreuses reprises » au cours des travaux des rapporteurs. En effet, « la place centrale qu’occupent désormais les taxes foncières dans le paysage de la fiscalité locale [près de 63 % des recettes de la fiscalité directe locale] conduit nécessairement à s’interroger sur l’obsolescence de leur assiette pour les locaux d’habitation », selon eux.
S’ils se disent « conscients » qu’une révision générale aboutirait « probablement à des transferts importants entre contribuables et entre collectivités territoriales », ils appellent à « ne pas repousser une nouvelle fois cette réforme dans un souci à la fois d’assurer l’égalité des citoyens devant l’impôt et de garantir l’autonomie financière locale ».
Consulter le rapport.
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Transports
Pollution sonore liée aux transports : le Sénat appelle à enfin régler les perturbations locales
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Les politiques publiques de lutte contre le bruit des transports ne sont aujourd'hui pas à la mesure des enjeux. C'est ce que pointe un rapport de la Commission de l'aménagement du territoire du Sénat qui propose notamment que le maire ait davantage de pouvoir en matière d'aviation de loisir et de formation.
Le bruit est en tête des préoccupations de 27 % des Français, devant d’autres perturbations quotidiennes comme les déchets dans l’espace public, les pollutions de l’air, des sols et des eaux, selon un sondage réalisé par la Commission de l’aménagement du Sénat.
45 % des Français se considèrent exposés au bruit des transports à leur domicile ou sur leur lieu de travail, notamment en milieu urbain mais aussi à la campagne, qu'il s'agisse de nuisances sonores routières (39 %), aériennes (14 %) ou encore ferroviaires (13 %).
Selon l’OMS, le bruit causé par les transports peut avoir des conséquences graves sur la santé et provoquer des perturbations du sommeil, des troubles de l’apprentissage chez l’enfant, de l’hypertension artérielle ou encore de la dépression ou l’anxiété.
« Le bilan des politiques publiques de lutte contre le bruit des transports fait apparaître que les moyens juridiques et humains déployés pour répondre à cette problématique de santé publique ne sont pas à la mesure des enjeux », indiquent les rapporteurs Guillaume Chevrollier et Gilbert-Luc Devinaz dans le rapport qu’ils ont dédié à ce sujet et présenté hier. Pour pallier ce manquement, une vingtaine de propositions ont été formulées dont plusieurs concernent directement les maires.
« Superposition de normes » et « pilotage à vue »
Pour lutter contre ces nuisances, les sénateurs préconisent de suivre un mot d’ordre : la rationalisation.
D’abord, « la réglementation de la lutte contre les pollutions sonores s’est forgée par strates successives, sans approche globale » avec notamment les plans d’exposition au bruit (PEB), les plans de gêne sonore (PGS), les cartes de bruit stratégiques (CBS) et plans de prévention des bruits dans l’environnement » (PPBE)… Les sénateurs appellent à rationaliser ces normes afin pour faire un « véritable outil stratégique de réduction du bruit ». Ils proposent de confier à Santé publique France la définition des indicateurs de mesure des impacts sanitaires du bruit et la surveillance de leur évolution.
Il apparaît également essentiel aux sénateurs de redéployer des moyens pour renforcer l’efficacité le pilotage de la politique de lutte contre le bruit, fustigeant au passage le « pilotage à vue » mené actuellement. Les sénateurs proposent de « regrouper à l’échelle régionale les moyens humains et techniques de lutte contre le bruit et généraliser la mise en place d’observatoires régionaux du bruit afin de renforcer et mutualiser les compétences territoriales ». Ce type d’outil n’existe actuellement que dans deux régions : en Île-de-France, avec BruitParif, et en région Auvergne-Rhône-Alpes avec Acoucité.
Solutions locales
Dans les agglomérations mais aussi dans les plus petites communes, de plus en plus de collectifs de citoyens se forment pour dénoncer les nuisances sonores dues aux transports. Au-delà de la nécessité de « lancer un plan de résorption des points noirs de bruit (PNB), à partir d’une cartographie préalable des zones concernées, par redéploiement de financements budgétaires, et d’une meilleure prise en charge des travaux d’insonorisation », les sénateurs appellent à « intensifier la riposte » localement.
De nouveaux dispositifs innovants de contrôle automatique des niveaux d’émissions sonores des véhicules, dits « radars sonores », sont expérimentés en France depuis le début de l’année 2022 dans sept collectivités. Pour les sénateurs, le déploiement de ces radars dans l’ensemble du territoire paraît opportun. De même, le Sénat est favorable à ce que les autorités chargées de la voirie puissent abaisser les vitesses de circulation la nuit pour protéger le sommeil et la santé des populations.
Une autre recommandation porte sur la possibilité de prendre en compte le bruit émis par les transports terrestres dans les documents d’urbanisme au même titre que le bruit aérien. En effet, le Plan d'exposition au bruit (PEB) est un document d'urbanisme opposable qui s'impose au Plan local d'urbanisme (PLU) des communes ; ce PEB ne prend pas en compte les voitures ou les trains.
Aviation de loisir et de formation
Nombreuses sont les crispations dans les territoires autour des bruits aériens, qu'il s'agisse du trafic aérien commercial (plutôt situé dans des zones densément peuplées) ou du trafic aérien de loisir ou de formation qui passe au-dessus des habitations.
On compte environ 500 aérodromes en France et seuls « quatre aérodromes sont soumis à des restrictions d’exploitation, peut-on lire dans le rapport. Or 5 % des Français sont gênés sur leur lieu de vie ou au travail par les nuisances sonores qu’ils émettent. Les communes de petite taille comptent parmi les plus pénalisées par ces nuisances. »
En la matière, les sénateurs recommandent de mieux encadrer l’aviation de loisir et de formation en plaçant le maire au cœur de la décision et notamment en lui donnant la faculté de définir des niveaux sonores maximaux pour les aéronefs utilisés et des plages horaires de restriction d’exploitation des plateformes. C’est aujourd’hui au ministre chargé de l'aviation civile qu'il revient de réglementer la circulation des aéronefs.
Si le pouvoir des maires évolue en la matière, la question du vol des drones se posera également. Depuis plusieurs années en effet, de nombreux maires déplorent de ne pouvoir directement intervenir lorsqu'un survol de drone a lieu dans leur commune, comme l’indique le sénateur Michel Canévet à l’occasion d’une question écrite. « Le pouvoir de police spéciale du ministre exclut en effet la faculté pour le maire de faire usage de ses pouvoirs de police spéciale. De nombreux maires s'inquiètent que des drones puissent survoler leur commune, la nuit, sans qu'ils en aient été préalablement informés et sans pouvoir directement intervenir », alertait-il.
Consulter l'Essentiel du rapport.
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Libertés publiques
Un maire peut-il interdire la distribution de tracts d'opinion sur un marché ?
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Le gouvernement a répondu tout récemment à une question posée par une députée sur les interdictions de distribuer des tracts sur la voie publique prononcées par certains maires. Ces interdictions sont illégales si elles sont « générales et absolues », et elles doivent avoir un motif de maintien de l'ordre public.
C’est la députée de la Gironde Edwige Diaz qui a interrogé par écrit le gouvernement à propos des « mesures d’interdiction prises par les maires relatives au tractage d’opinion sur les marchés ». La députée relate que « les militants des partis politiques se heurtent régulièrement, parfois chaque semaine dans la même commune, à des interdictions, émises par les équipes municipales, de distribution de documents politiques sur des marchés ». Elle demande, d’une part, si ces interdictions sont légales, et interroge le gouvernement sur « les obligations relatives à la publicité et à l’accès aux arrêtés municipaux interdisant la distribution de tracts ».
De Nevers…
Dans sa réponse, le ministère de l’Intérieur rappelle en préambule que « la distribution de tracts sur la voie publique est libre, y compris pour les tracts de nature politique ». Il n’est donc pas possible pour un maire d’interdire de façon permanente la distribution de tracts sur les marchés ou sur la voie publique, sous peine d’une atteinte grave à la liberté d’expression.
Mais la réponse doit être nuancée, parce que certaines restrictions sont possibles : s’il est « avéré » qu’une distribution de tracts aurait pour effet « d’engendrer des troubles à l’ordre public », le maire peut prononcer une mesure d’interdiction – y compris en période électorale –, à condition que celle-ci soit limitée dans l’espace et dans le temps.
« Peut prononcer » ne signifie pas que toute atteinte à la liberté d’expression (interdiction de distribution de tracts ou de réunion) est forcément légale dès lors qu’existe un risque de trouble à l’ordre public : même en cas de troubles possibles, le maire a intérêt à se montrer très prudent en la matière. La jurisprudence historique, sur ce sujet, est celle du fameux arrêt « Benjamin » rendu en 1933 par le Conseil d’État, qui n'a pas autorisé un maire à interdire une réunion alors même que le risque de troubles à l’ordre public était avéré.
Un peu d’histoire : en mai 1933, l’écrivain et polémiste proche de l’Action française René Benjamin devait donner deux conférences à Nevers. Ayant produit des écrits particulièrement violents contre les instituteurs, l’écrivain s’était attiré la profonde hostilité du corps enseignant. Chacune de ses conférences était donc l’occasion de rixes, qui, en 1927, étaient allées jusqu’à la mort d’un membre du public. Le maire de Nevers prit donc deux arrêtés pour interdire les conférences prévues.
Attaqués devant le Conseil d’État, ces arrêtés furent annulés : le Conseil d’État jugea en effet que le maire, s’il doit « prendre les mesures qu’exige le maintien de l’ordre », doit concilier cette exigence avec « le respect de la liberté de réunion ». Or l’éventualité de troubles « ne présentait pas un caractère de gravité tel que (le maire) n’ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l’ordre en édictant les mesures de police qu’il lui appartenait de prendre ».
Cet arrêt de 1933 est souvent cité comme illustrant toute la portée de la liberté de réunion – et de la liberté d’expression. Depuis, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser que toute mesure de police restreignant la liberté de réunion ou d’expression doit est soumise « au triple test de proportionnalité », c’est-à-dire la vérification qu’elle est adaptée, nécessaire et proportionné au maintien de l’ordre public.
… À Saint-Cyr-l’École
Cependant, comme rien n’est simple en matière de justice, les notions même de mesures « limitées dans l’espace et le temps » peuvent faire l’objet d’interprétations diverses. On pourrait penser par exemple que la « limitation dans le temps » interdit de prendre des mesures à long terme. Ce n’est pas toujours le cas.
Ainsi, la commune de Saint-Cyr-l’École (Yvelines), a pris en 2012 un arrêté interdisant « la distribution d’écrits de toute nature » à l’intérieur de la halle du marché, tous les mercredis et samedis de 8 h à 13 h. Le tribunal administratif de Versailles, dans un premier temps, a suspendu cet arrêté, jugeant que « en l'absence de risques établis de troubles à l'ordre, à la tranquillité ou à la salubrité publics, cette mesure de police portait, notamment en période électorale, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d'expression et de communication ».
Mais le Conseil d’État en a jugé autrement. Dans une ordonnance du 17 avril 2012, il a estimé que cette interdiction était bien limitée dans le temps (de 8 h à 13 h) et dans l’espace (l’intérieur de la halle) ; et qu’elle avait pour motivation « les nécessités de la commodité de la circulation du public à l'intérieur de la halle ». Elle ne pouvait donc, selon le Conseil d’État, « être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression » – et ce même en pleine campagne électorale. Le Conseil d’État a donc validé cet arrêté municipal.
Il semble donc qu’il n’y a pas de réponse très claire à la question de la députée de la Gironde. Un maire peut prendre un arrêté interdisant la distribution de tracts, mais uniquement si des risques de troubles sont avérés, et sous le contrôle du juge qui aura à décider de la « proportionnalité » de la mesure.
Publicité obligatoire
Il est certain en revanche que le maire ne peut en aucun cas imposer « une déclaration ou une autorisation » pour la distribution de tracts dans sa commune, rappelle le gouvernement. En effet, « le pouvoir de police générale du maire ne lui permet pas de subordonner une activité relevant de la liberté du commerce, de l’industrie ou de la presse, à un régime d’autorisation ou de déclaration préalable, sans qu’une loi ne l’y autorise ».
Il faut aussi rappeler que la veille d’un scrutin politique, à partir de zéro heure (samedi zéro heure si le scrutin a lieu le dimanche, par exemple), toute distribution de tract politique est interdite.
Le gouvernement rappelle enfin qu’un arrêté interdisant la distribution de tracts est un acte réglementaire, et doit à ce titre est accessible au public, soit par voie électronique, soit, pour les communes de moins de 3 500 habitants, par tout moyen choisi par le conseil municipal (affichage, publication papier ou publication électronique).
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Démocratie
Civisme : des chiffres inquiétants, la volonté déterminée d'agir des élus
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Présentée à l'occasion des « Assises nationales du civisme » organisées le 25 juin par l'Association du passeport du civisme, en partenariat avec l'AMF et au siège de l'association, une enquête de l'Ifop auprès des Français révèle leur sentiment pessimiste sur l'état de la société française. Les élus ont témoigné de la montée de l'incivisme tout en affichant une volonté forte d'inverser cette tendance.
[Article initialement publié sur le site Maires de France]
« Les Français dressent un portrait noir de la société » perçue « comme plus individualiste, plus fragmentée, plus agressive » : tel est l’un des principaux constats d’une étude sur « les Français et le civisme » réalisée par l’Ifop pour l’association Passeport du civisme, fondée par Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire (85), qui organisait, le 25 juin, en partenariat avec l’AMF, les « Assises nationales du civisme », en présence notamment de David Lisnard, président de l’AMF, et Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur.
Une société plus individualiste
Selon ce baromètre, réalisé en mars dernier auprès d’un échantillon représentatif de 1 003 personnes, « 86 % des Français » jugent que la société française se dirige vers « plus de volonté de s’enrichir et de réussir individuellement » et seuls 14 % pensent qu’elle va « vers plus d’attention portée aux intérêts collectifs ». Parallèlement, les personnes interrogées ressentent une montée générale de l’agressivité verbale dans la société, notamment dans les médias (à 70 %), dans l’espace public (à 76 %) et sur les réseaux sociaux (à 78 %).
Si une majorité des personnes interrogées (84%) pensent que nous allons vers un « repli individualiste », Jérôme Fourquet, directeur de l’Ifop, a toutefois souligné des raisons d’espérer en précisant qu’« un tiers des Français se dit impliqué dans la vie de sa commune ». Mieux encore, l’enquête révèle que 54 % des Français « quelle que soit leur catégorie d’âge, seraient prêts à donner 7,3 heures par mois en moyenne à leur commune ».
Le maire aurait-il un effet catalyseur ? En tout cas, 69 % des Français estiment que leurs maires sont exemplaires en matière de civisme, en les classant juste après les forces de l’ordre et avant les sportifs.
« L’incivisme, c’est les autres »
Les Français sont-ils, eux, des bons citoyens ? Pas vraiment si l’on en croit les personnes interrogées qui « accordent une note de civisme médiocre à leurs concitoyens, à 5 sur 10 en moyenne », indique l’étude. En revanche, les Français sont beaucoup plus indulgents avec eux-mêmes en s’attribuant une note moyenne de 7,5 sur 10 ! Autrement dit, « l’incivisme, c’est les autres », résume l’Ifop.
Invités à hiérarchiser les incivilités, ils estiment que le plus condamnable est de s’en prendre aux personnes, de ne pas respecter les espaces publics et de frauder. A l’inverse, être un bon citoyen, selon les personnes interrogées, consiste en priorité à « respecter les règles de vie commune dans les lieux publics (95 %), respecter les autres quelles que soient leurs origines (89 %), respecter l’environnement (87 %), payer ses impôts (85 %) et voter (82 %) ».
Restaurer le sens civique
Commentant ces résultats dans le cadre des Assises nationales, David Lisnard a estimé que « notre société, fragmentée, vit une crise de la démocratie, c’est-à-dire une crise de l’exécution publique, de la capacité d’agir des élus, et une crise du sens de l’appartenance à une communauté ».
Pour le président de l’AMF, « le sursaut de la France ne pourra pas se faire sans la relance du civisme » dont il a fait « une cause municipale à Cannes et dont il faudrait faire une grande cause nationale ».
Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire (85) et fondateur de l’association Passeport du civisme (500 communes sont aujourd’hui engagées dans ce dispositif), estime qu’« il est impératif pour les maires de lutter contre le décrochage civique, de retisser des liens qui se délitent. Il faut agir au niveau de la commune qui est le lieu du premier enracinement et, souvent, du premier engagement ».
« Les maires sont les héros du civisme au quotidien et les premières victimes de l’incivisme à travers les violences qui leur sont faites », a déclaré Bruno Retailleau. Le ministre de l’Intérieur a pointé une « hyperviolence qui se répand et concerne de plus en plus de jeunes », qu’il impute à « une perte de repères » citant « le respect, la discipline, l’autorité ». Il a encouragé les maires à renforcer le civisme dans leur commune, « à lutter contre la tentation du chacun pour soi » car « le civisme est la possibilité d’une vie en commun, c’est le "nous" plutôt que le "moi"».
Des raisons d’espérer
« Le dispositif des passeports du civisme montre qu’une nouvelle génération s’engage. Les jeunes ont besoin d’être accompagnés par les élus, leurs familles, l’école », s’est réjoui Sarah El Haïri, Haute-commissaire à l’enfance.
« Nous devons resacraliser les valeurs républicaines et redonner une "gagne républicaine" aux citoyens en nous appuyant sur le triptyque famille-école-associations. Le politique doit porter cet élan civique », a estimé Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen-sur-Seine (93).
Dans cette difficile entreprise, les élus ont reçu le chaleureux soutien du Général Jean-Claude Gallet, ancien commandant des sapeurs-pompiers de Paris : « je rends hommage à tous les élus qui sont les premiers acteurs pour casser la spirale infernale de l’incivisme. Ils ont accepté de s’engager, de faire le don d’eux-mêmes pratiquement sans aucun retour, pour l’intérêt collectif ».
En clôture des assises, Edouard Philippe, maire du Havre (76), qui vient de s’engager dans le dispositif du passeport du civisme, a estimé que la montée de l’incivisme « a beaucoup à voir avec l’impuissance publique ». Pour l’ancien Premier ministre, « rétablir l’autorité de la loi, de la règle, c’est indispensable mais insuffisant car le civisme ne repose pas que sur l’autorité. Il faut mettre au cœur de nos concitoyens la responsabilité, une notion d’unité, un projet ». Les élus ont « un devoir d’exemplarité » pour promouvoir le civisme qui « est un effort constant, jamais un acquis ».
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Journal Officiel du jeudi 26 juin 2025
Ministère de l'Intérieur
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