Édition du mercredi 18 juin 2025

Transition écologique
Les députés adoptent en première lecture le projet de loi supprimant les ZFE et « amenuisant » fortement le ZAN
Le tentaculaire projet de loi de simplification de la vie économique a été adopté de justesse, hier, à l'Assemblée nationale… contre l'avis de ceux qui en étaient à l'origine, qui ont voté contre. Explications.

Déposé au Sénat par le gouvernement en avril 2024 et porté par l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, le projet de loi de simplification de la vie économique comptait à l’origine 28 articles et une trentaine de pages. Au sortir de son examen par l’Assemblée nationale, il tient sur 111 pages et compte presque 140 articles. Autant dire que les députés, d’abord en commission puis en séance, n’ont pas lésiné sur les amendements de toute sorte pour transformer un texte qui n’était déjà, à l’origine, pas très simple, en un « fourre-tout » jugé hier par certains députés eux-mêmes « totalement incompréhensible ». 

« Fourre-tout »

Il serait vain de prétendre résumer ici un texte qui traite une innombrable palette de sujets, allant de l’urbanisme aux transports en passant par les installations d’énergie renouvelable, le ZAN, les antennes de téléphonie mobile, la réforme du Code de la santé, les marchés publics et même l’installation des cafés dans les petites communes. Surtout, il faudra attendre le passage de ce texte, pour en faire le bilan, en commission mixte paritaire, sans doute en juillet, voire son examen par le Conseil constitutionnel – parce que tant d’amendements divers ont été ajoutés au texte qu’il contient sans doute bon nombre de « cavaliers », c’est-à-dire de disposition n’ayant pas de rapport direct avec l’objet du texte initial. 

On peut tout de même rappeler que ce texte, dans sa version issue de l’Assemblée nationale, prévoit des changements majeurs qui concernent directement les collectivités locales. Plusieurs instances sont supprimées, dont l’Observatoire nationale de la politique de la ville. Le Code des marchés publics est réformé en profondeur, notamment pour permettre la réservation de lots à des « entreprises locales » ou à des « jeunes enreprises innovantes », ou encore pour modifier certains seuils. Le texte aborde également la question de l’assurabilité des collectivités locales, avec de nouvelles missions « d’accompagnement » données au médiateur de l’assurance et une réforme des franchises qui s’appliquent à des collectivités frappées plusieurs fois par le même aléa. 

ZFE et ZAN

C’est le titre VII du projet de loi (« Faciliter l’essor des projets industriels et d’infrastructures ») qui a le plus retenu l’attention, puisque l’examen de ce titre a permis aux députés d’infliger au gouvernement un certain nombre de défaites majeures. 

Première mauvaise surprise pour le gouvernement : l’ajout d’un article 15 ter qui abroge les deux articles du Code général des collectivités territoriales rendant obligatoire l’instauration des zones à faibles émissions (ZFE) dans 42 agglomérations. Issue du Rassemblement national et des LR, cette abrogation des ZFE a également été voté par des députés de gauche, qui estiment que les ZFE constituent une forme de « ségrégation sociale », en empêchant les plus modestes d’accéder aux villes centres en voiture. 

Par ailleurs, lors  de l’examen du texte, les députés RN et LR ont bien failli supprimer purement et simplement le dispositif du ZAN (lire Maire info du 2 juin). Sauvé in extremis par une suspension de séance du président de l’Assemblée, le ZAN a toutefois fait l’objet de multiples amendements qui se retrouvent dans le texte final voté par l’Assemblée nationale. Au point, selon certains députés, d’être « vidé de sa substance ».

Plusieurs dérogations au principe de limitation de l’artificialisation ont en effet été adoptés : tous les projets considérés comme « d’intérêt national majeur », mais aussi « d’intérêt communal majeur » ou « d’intérêt intercommunal majeur » sortent du décompte du ZAN. Il restera, naturellement, à définit ces notions tout à fait nouvelles d’intérêt communal et intercommunal majeur. Dans l’exposé des motifs de l’amendement qui a permis cette dérogation, il est indiqué qu’il s’agit « de permettre aux communes, intercommunalités et régions de répondre efficacement aux enjeux locaux, comme la création d'emplois et le développement d'infrastructures essentielles au développement économique ». 

Autre modification profonde apportée par les députés sur le ZAN : la possibilité d’ouvrir des surfaces à l’urbanisation dans les PLU « pouvant dépasser jusqu’à 30 % l’objectif local de consommation maximal » d’espaces naturels, et ce « sans justification ». Ce qui revient, de l’aveu même de l’auteur de l’amendement, le Républicain Ian Boucard, à « considérablement amenuiser le ZAN ». 

Fissures dans le « bloc central »

Le texte final, qui a fait l’objet d’un vote solennel hier, est si éloigné du projet initial que les députés du parti macroniste Ensemble pour la République ont décidé de voter contre, le jugeant, comme l’a déclaré hier la députée EPR Olivia Grégoire, « défiguré par l’extrême droite ». Au final, 64 députés EPR sur 93 ont voté contre le texte, et seulement 8 pour. 

Ce vote a également creusé une brèche dans ce que l’on appelle encore le « bloc central », même si son caractère de « bloc » est de moins en moins évident : à la différence d’EPR, les députés Horizons et MoDem ont, eux, unanimement voté pour le texte, jugeant que malgré les modifications apportées au fil de son examen, il restait un texte de « simplification » utile. 

Tous les partis de la gauche de l’Hémicycle (PS, PCF, écologistes et LFI) ont en revanche voté contre, jugeant que les partisans de ce texte « confondent simplification et dérégulation ».

À droite de l’Hémicycle, enfin, le texte a fait le plein des voix, avec tous les suffrages du RN, des Républicains (moins 5 absentions), et de l’UDR ciottiste.

L’interminable et chaotique parcours parlementaire de ce texte va donc maintenant se poursuivre avec une commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs), qui va, ou non, valider les mesures les plus spectaculaires de ce projet de loi notamment sur le ZAN et les ZFE. Viendra ensuite l’examen par le Conseil constitutionnel. Le texte définitif ne devrait donc pas être disponible avant la fin juillet, voire le mois d’août. 




Fiscalité locale
Taxe foncière : seulement 17 % des communes ont augmenté leurs taux en 2024
Entre 2023 et 2024, les communes ont largement reconduit leurs taux de taxe foncière sur les propriétés bâties, selon une étude que vient de publier la DGFiP. Et pour plus de la moitié des quelque 5 800 qui ont choisi de les augmenter, ces hausses sont restées inférieures à un point.

L’an passé, les communes n’ont globalement pas été responsables de l’augmentation du montant de la taxe foncière des Français. C’est ce que tend à démontrer une étude de la DGFiP publiée hier. 

Si celle-ci a augmenté pour une large partie des propriétaires en 2024, cela a été essentiellement causé par la revalorisation forfaitaire de 3,9 % des valeurs locatives - qui servent de base de calcul à cet impôt – et qui a été adaptée afin de suivre l’inflation galopante post-crise sanitaire. 

Plus de 28 000 communes ont reconduit leur taux

Une revalorisation qui avait d’ailleurs été encore plus forte en 2023 (+7,1 %), alors qu’elle était bien moins visible, voire presque indolore, les années précédentes, car beaucoup plus modeste. Au regard du ralentissement de la hausse des prix en 2024, ces envolées de taxe foncière devraient ainsi s’estomper puisque la revalorisation des valeurs locatives ne sera que de 1,7 % en 2025. 

Et bien qu’il faille tenir compte des éventuelles augmentations du taux communal votées par les municipalités, la DGFiP observe que la hausse de ces taux est restée « modérée » en 2024 (+ 0,7 %) et n’a ainsi joué qu’un rôle mineur dans la progression de 5,2 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), dont la hausse s’explique majoritairement par l’évolution des bases.

Une large majorité des communes ont ainsi choisi de ne pas toucher à leurs taux de taxe foncière sur les propriétés bâties (82 % contre 85 % en 2023) et « seulement » 17 % d’entre elles ont décidé de les augmenter. Elles étaient, toutefois, un peu moins nombreuses à prendre cette décision (14 %) en 2023. À noter qu’un peu plus de 400 communes (1,19 %) ont même préféré les baisser.

Mais lorsque les communes ont choisi d’augmenter leurs taux entre 2023 et 2024, ces augmentations n’ont représenté qu’« une hausse médiane de 0,79 point de pourcentage », précise la DGFiP. Pour plus de la moitié d’entre elles (sur les quelque 5 800 qui ont augmenté leur taux), ces augmentations sont ainsi restées inférieures à un point. Au final, un peu plus de 2 000 communes ont été « concernées par une hausse de taux dépassant 1 point ». 

En outre, pour les plus de 28 000 communes qui ont à la fois connu une augmentation de leurs bases et reconduit leurs taux, « l’augmentation médiane du produit de TFPB est de 647 000 euros », constatent les auteurs de l’étude, tandis qu’il a été de 2,3 millions d’euros pour celles qui ont vu leurs bases et leurs taux s’accroître.

Du côté des quelque 400 communes qui ont baissé leur taux, l’essentiel d’entre elles « ont tout de même vu leur produit augmenter (+123 000 euros), grâce à la progression de leurs bases », constate la DGFiP qui note que « les communes dont le produit médian recule sont celles dont les bases ont diminué et n’ayant pas augmenté leur taux ». Celles-ci ont été ainsi 258 communes dans cette situation l’an passé, « soit plus du double de 2023 ».

Taxe d’habitation : le taux moyen en légère baisse

S’agissant des autres impôts locaux, on peut noter que le foncier non bâti a lui aussi progressé de 4,4 %, également principalement sous l’effet de l’augmentation des bases. La DGFiP note que « près de 30 % des communes » ont mis en place le dégrèvement des parcelles exploitées par les jeunes agriculteurs qui bénéficient de la dotation d’installation ou de prêts à moyen terme spéciaux.

Du côté de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et sur les logements vacants, « après une augmentation significative en 2023, son produit s’est stabilisé » (- 0,6 %) pour le bloc communal à 3,9 milliards d’euros. 

Si les bases de TH sur les logements vacants ont explosé (+27,7 %) – à la faveur notamment de « l’élargissement du périmètre » des collectivités l’ayant instaurée - , celles visant les résidences secondaires ont chuté de 5,9 %. En cause, les « mesures mises en œuvre par la DGFiP pour améliorer le taux de déclaration des changements de situations d’occupation par les propriétaires, dans l’application GMBI ». « Ces mesures se sont traduites par une diminution de - 13 %, au niveau national, du nombre d’avis émis (521 500 avis en moins par rapport à 2023) », explique l’étude.

À noter que les taux ont légèrement baissé. « Après une progression de 6 % en 2023, le taux moyen national de taxe d’habitation sur les résidences secondaires pour l’ensemble du bloc communal diminue de 0,2 % en 2024, affichant une valeur de 24,41 %, contre 24,46 % en 2023 », souligne la DGFiP, qui précise que « cette baisse est concentrée sur les seuls taux communaux » (- 1,2 %) puisque « les taux moyens des groupements à fiscalité propre, augmentent quant à eux, de 1,1 % ».

Au niveau des communes, 81 % ont reconduit leur taux 2023, 18 % ont choisi de le faire progresser et 1 % l’ont diminué.

Plus globalement, « à l’exception de la fraction de TVA, toutes les catégories de recettes fiscales progressent à la faveur, notamment, de la revalorisation annuelle des valeurs locatives cadastrales », constatent les auteurs de l’étude. Le principal moteur de croissance » de la fiscalité locale reste, toutefois, la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Dans le détail, la fiscalité « ménages » (taxes foncières, taxe d’habitation, Teom) a ainsi bondi de 6,2 % avec un gain de 2,1 milliards d’euros, tandis que la fiscalité économique (taxes foncières, Teom, CFE, Ifer et Tascom) a progressé de 3,8 % pour un gain de 1,2 milliard d’euros. En parallèle, « l’abondement de l’État au dispositif du coefficient correcteur » a augmenté de 4,6 % (800 millions d’euros). 

De son côté, la première ressource des collectivités - la fraction de TVA – est restée plutôt stable, accusant une très légère baisse de 0,1 %.

Consulter l'étude.
 




Fonction publique territoriale
La DGCL demande aux préfets de s'opposer systématiquement aux congés menstruels dans les collectivités
La directrice générale des collectivités locales, Cécile Raquin, a diffusé en mai une circulaire aux préfets pour leur demander de systématiquement refuser, dans le cadre du contrôle de légalité, les délibérations des communes créant des ASA pour les agentes souffrant de règles douloureuses.

Ce n’est pas une surprise, dans la mesure où ces derniers mois, les préfets de plusieurs départements ont déféré devant le tribunal administratif des collectivités ayant instauré des « congés menstruels ». Mais la direction générale des collectivités locales (DGCL) semble vouloir prendre le problème à bras le corps : c’est le sens de la circulaire signée le 21 mai dernier par Cécile Raquin, et que Maire info a pu se procurer. 
Pour mémoire, ces derniers mois, les tribunaux administratifs – notamment de Toulouse et de Grenoble – ont cassé des délibérations prises par des communes ou des EPCI et accordant des autorisations spéciales d’absence (ASA) aux agentes souffrant d’endométriose ou de règles si douloureuses qu’elles en deviennent incapacitantes. 

Comme de plus en plus de collectivités prennent de telles décisions, dans le cadre d’une politique de protection et de promotion des femmes, la DGCL a décidé de demander aux préfets de se saisir systématiquement de ces décisions et de les faire annuler, soit par un recours gracieux, soit en saisissant le tribunal administratif. 

La DGCL reprend les arguments qui ont déjà été employés par plusieurs tribunaux administratifs : « Seul le cadre juridique national peut instituer des motifs d’ASA », et les exécutifs locaux n’ont, eux, que la possibilité de les « décliner », « dans le cadre du principe de parité avec la fonction publique de l’État ». 

Manque de base légale

Il appartient en effet au seul législateur (le Parlement) d’instituer des motifs d’autorisation d’absence, rappelle la DGCL. Ces motifs peuvent être « déclinés » par le pouvoir réglementaire (c’est-à-dire par décret). C’est ainsi que plusieurs décrets ont « complété et enrichi » au fil du temps la liste des motifs permettant à des agents de s’absenter sans perdre leur salaire – la DGCL cite par exemple « les motifs religieux ». 

L’auteure de la circulaire insiste sur le fait que la création des ASA dans un « cadre juridique national » vise notamment à « harmoniser les pratiques au sein de trois versants de la fonction publique », et qu’elle permet par ailleurs de s’assurer que les ASA ne sont pas utilisés pour déroger aux règles relatives à la durée annuelle de travail dans la fonction publique. On peut en effet rappeler que lorsque le gouvernement s’est efforcé d’imposer les 1 607 heures de travail annuelles dans toute la fonction publique territoriale, certains élus ont publiquement déclaré qu’ils feraient voter des ASA permettant aux agents de rester sur un temps de travail inférieur. La DGCL rappelle donc que cela n’est pas légal. 

Les choses sont donc claires : « le pouvoir réglementaire local est incompétent pour créer une autorisation d’absence ». Les ASA créées dans certaines communes et dites « congés menstruels » sont « sans lien » avec les motifs légaux que sont « la parentalité et les événements familiaux ».

Il n’est pas non plus possible, précise la DGCL, de s’appuyer sur l’article 72 de la Constitution – comme ont tenté de le faire certains maires – qui permet aux collectivités de déroger à certaines dispositions législatives. Rappelons que cet article dispose que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ». 

Mais, rappelle Cécile Raquin, ces dérogations doivent obligatoirement « être autorisées par une loi qui notamment préciser l’objectif visé, identifier les règles législatives auxquelles les collectivités peuvent déroger (…) déterminer les conditions de l’expérimentation », etc. En l’absence d’une telle loi sur le sujet spécifique des ASA, il n’est donc pas possible d’avoir recours à ce dispositif de dérogation. 

Il est donc demandé aux préfets de veiller à ne pas laisser les collectivités prendre de telles décisions, de leur adresser systématiquement un recours gracieux et, « le cas échéant, déférer la décision au tribunal administratif »

Solutions alternatives

La DGCL rappelle que d’autres solutions existent pour « accompagner » des agentes souffrant de règles douloureuses, notamment le congé maladie « sur présentation d’un certificat médical ». Il existe un dispositif qui paraît adapté à ce type de situation : le congé maladie ordinaire (CMO) fractionné, qui permet « au fonctionnaire dont l’état de santé nécessite un traitement médical suivi périodiquement de s’absenter par journée ou demi-journée ». 

Notons tout de même que ce dispositif est nettement moins intéressant pour les agentes que les ASA, puisqu’il entraîne un jour de carence et un traitement réduit à 90 % pendant les absences. Au vu du faible montant des salaires notamment chez les agentes de catégorie C, comme les Atsem par exemple, il y a tout lieu de penser que cette baisse de traitement découragera celles-ci de faire la démarche. 

Autre solution proposée par la DGCL : faire appel aux « aménagements des modalités de travail », notamment le recours au télétravail. Il est rappelé que la durée maximum de télétravail dans la fonction publique, fixée à trois jours par semaine, peut être augmentée « à la demande des agents dont l’état de santé le justifie », comme en dispose l’article 4 du décret du 11 février 2016. Cette dérogation, valable pour 6 mois maximum, est renouvelable. 

Cette solution, d’une part, est loin d’être applicable à toutes, puisque la plupart des postes de catégorie C, dans lesquels 60 % des agents sont des femmes, ne sont pas télétravaillables. Elle ne représente de surcroît pas un arrêt de travail.

L’argumentaire de la DGCL est certes inattaquable d’un point de vue juridique. Mais puisqu’il est impossible à un maire de prendre une telle décision faute de fondement législatif, il n’y a plus à espérer que le législateur se penche sur cette question et donne la liberté aux maires qui le souhaitent d’accorder ce répit aux agentes qui en ont besoin. 




Cybermalveillance
Cybersécurité : une stratégie en direction des collectivités à mieux structurer, selon la Cour des comptes
Alors que la menace cyber connaît une forte croissance, la réponse de l'État s'organise notamment en direction des territoires. Si un accompagnement existe, il est désormais nécessaire de le rendre plus lisible et de pérenniser son financement.

Complexe à appréhender, notamment dans les plus petites collectivités, le sujet de la cybersécurité a besoin de moyens mais aussi d’une ligne directrice claire pour accompagner au mieux les acteurs locaux. Dans un rapport publié lundi, la Cour des compte livre une analyse de la stratégie nationale de cybersécurité mise en place par l’État face à la montée de menaces invisibles. Si les solutions existent, la Cour recommande davantage de rigueur dans l’accompagnement des collectivités. 

Illisibilité des dispositifs et modèle économique à repenser

Face à la menace cyber, « un foisonnement d’initiatives » au niveau des régions et de l’État a été déployé à destination des entités locales – collectivités publiques et leurs établissements, petites et moyennes entreprises. Anssi, Campus Cyber, Cybermalveillance.gouv.fr : de nombreux acteurs ont participé à « la mise en place d’une profusion de mécanismes et de services d’accompagnement ». 

« Si ce foisonnement peut être considéré comme le gage pour chaque utilisateur de trouver des solutions adaptées, il n’en crée pas moins, sur le terrain, une impression de confusion et une illisibilité des dispositifs », alerte la Cour des comptes. 

Par exemple, à travers son outil « MonAideCyber », l’Anssi propose un diagnostic de sécurité cyber gratuit menant vers un aiguillage de prestaires de confiance. Du côté de cybermalveillance.gouv.fr, un label « ExpertCyber » a été développé, certifiant plus de 200 professionnels. La Cour estime que « les processus de labellisation de prestataires locaux de services » sont « mis en place sans cohérence et non sans interrogations quant à la robustesse effective des produits ou des prestataires référencés ». La Cour recommande « de construire un cadre de référencement, par concertation entre l’ANSSI, [cybermalveillance.gouv.fr] et les régions, les bénéficiaires potentiels (collectivités) et les entreprises prestataires. »

La Cour des comptes s’inquiète aussi du modèle économique des dispositifs mis en place par ces acteurs multiples. Ces derniers « s’appuient sur des crédits étatiques d’amorçage et aucune visibilité n’est donnée sur la pérennisation de leurs ressources. Le modèle économique de ces dispositifs doit donc être repensé et intégré par les organismes disposant des compétences générales de soutien aux collectivités territoriales et aux entreprises. »

De nouveaux coûts pour les collectivités

La Cour des comptes insiste dans son rapport sur le fait que les coûts de sécurisation sont inférieurs aux coûts moyens d’une cyberattaque. Les coûts des cyberattaques contre les collectivités peuvent atteindre des sommes très importantes : coûts directs estimés s’élèvent par exemple à 960 000 euros pour la Métropole Aix-Marseille-Provence (mars 2020) et à plus de 1,5 million d’euros pour la ville de Bondy (novembre 2020). « À ces coûts directs s’ajoutent des coûts indirects, liés aux activités non réalisées ou à la perte de confiance des usagers, mais leur chiffrage est complexe, tout particulièrement dans le cas de missions de service public », expliquent les magistrats financiers. 

La transposition de la directive NIS 2 (lire Maire info du 13 mars) va imposer de nouvelles règles en matière de cybersécurité à certaines collectivités. Le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, transposant notamment cette directive, a été adopté par le Sénat en mars et « son adoption définitive par l'Assemblée nationale est attendue d'ici l'été », selon les auteurs du rapport.

Selon le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), les coûts d’investissements selon la collectivité pourraient aller de 100 000 euros à 880 000 euros. La Cour des comptes estime que ces dépenses sont « absorbables » et nécessaires pour éviter des coûts plus importants encore à cause d’une attaque. Pourtant, ces nouvelles dépenses risquent de peser lourd dans le contexte d’incertitudes financières actuel que connaissent les collectivités. C’est pourquoi les associations d’élus demandent « une prolongation des financements de l’État et une évolution du rôle des CSIRT (1) ». La Cour des comptes appelle d’ailleurs à pérenniser les financements des CSIRT. 

Soulignons au passage que la directive NIS 2 laisse libre choix aux États membres de décider quelles sont les collectivités territoriales qui seront soumises à ces nouvelles règles et que c’est l’État français qui a décidé du choix des échelons territoriaux à intégrer dans ces nouvelles exigences. Si les associations d’élus estiment qu’il est nécessaire de renforcer la cybersécurité des entités locales, elles insistent aussi sur le fait que l’État prenne en compte la réalité des communes et EPCI afin que la mise en œuvre de la directive NIS 2 soit supportable et réalisable. 

(1)    Depuis 2021 et à travers le plan France Relance, l’Anssi accompagne le déploiement et la structuration de 16 CSIRT territoriaux. Ils sont complémentaires des autres acteurs cyber et ces équipes portent des missions de prévention, de sensibilisation et d’accompagnement dans la montée en maturité des acteurs de leurs régions.

Consulter le rapport de la Cour des comptes. 




Outre-mer
Les élus de Guadeloupe votent en faveur de la collectivité unique et de plus d'autonomie
Les élus de Guadeloupe, réunis en Congrès, ont adopté mardi quatre résolutions en vue d'une évolution statutaire, institutionnelle et d'une autonomie fiscale de l'archipel, avec un passage à la collectivité unique.

Les élus du territoire ultramarin ont adopté des résolutions « sur la fusion des deux collectivités, sur les compétences et l’autonomie fiscale », a résumé à l’AFP Guy Losbar, président du département et du 19e Congrès convoqué mardi, et défenseur du projet.

Ces résolutions visent à rassembler les conseils régional et départemental en une seule entité, qui serait dotée « d’un pouvoir normatif autonome en matière de fiscalité locale », selon le texte.

Le texte doit encore être adopté lors des prochaines séances plénières des deux collectivités pour être présenté au gouvernement, en vue d’un éventuel référendum local.

La potentielle nouvelle collectivité s’occuperait par exemple de « l’aménagement du territoire », du « développement économique et durable », ou encore du « droit du travail ».

Le texte prévoit par ailleurs que « la Guadeloupe demeure une région ultrapériphérique de l’Union européenne », ainsi que l’organisation d’« une consultation citoyenne en vue de déterminer, par l’expression collective des Guadeloupéens, les signes identitaires de la Guadeloupe ».

« Ces résolutions seront contenues dans l’avant-projet de loi organique » qui poserait les bases du nouveau statut de la Guadeloupe, a affirmé Guy Losbar.

Ary Chalus, le président de région, n’a pas participé au scrutin. Il a quitté, seul, le Congrès, mardi matin, à l’issue de son discours introductif annonçant qu’il ne « voter(ait) pas la résolution ». Selon lui, « il n’y a pas de consensus » et les « travaux sont très loin d’être achevés ». 

Des membres de sa majorité ont cependant voté le texte. Les groupes « Péyi Gwadloup » et « Gwadloup Plurielle Solidaire », minorités de la région et du département, avaient quant à eux annoncé, la veille, boycotter la séance, décrivant le projet comme « pas réaliste ».
 







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