| Édition du lundi 16 juin 2025 |
Finances locales
Devant l'APVF, François Bayrou confirme que les collectivités seront mises à contribution pour réduire le déficit
|
En clôture du congrès de l'APVF, vendredi, le Premier ministre n'a répondu à presque aucune des nombreuses interrogations soulevées par les maires. Seule certitude : les collectivités territoriales vont être mises à contribution pour résorber le déficit public – sans que l'on sache ni comment, ni à quelle hauteur.
Un net parfum de déception flottait chez les maires au sortir du discours de clôture de François Bayrou – certains élus étant même sortis, excédés, de la salle, comprenant que ce discours émaillé d’anecdotes personnelles et de digressions géopolitiques ne leur apporterait aucune réponse. François Bayrou n’a d’ailleurs même pas lu le discours qui lui avait été préparé – comme il l’a lui-même remarqué –, ce qui a eu pour conséquence que la seule annonce qu’il avait à faire… n’a pas été faite à la tribune. C’est quelques minutes plus tard, lors d’un point presse, que François Bayrou a annoncé aux journalistes que le programme Petites villes de demain, qui prend fin en 2026, serait pérennisé.
Dépenses en légère baisse en euros constants
Un peu plus tôt dans la matinée, lors d’une conférence de presse consacrée aux finances, les dirigeants de l’APVF avaient à nouveau insisté sur la « saine gestion » des collectivités par les élus. Les élus ont présenté le traditionnel Regard financier sur les petites villes, réalisé avec La Banque postale, qui montre cette année un ralentissement de la hausse des dépenses des petites villes (strate 5 000 à 25 000 habitants), et met en lumière que l’essentiel de la hausse des dépenses est dû à la masse salariale. Christophe Jerretie, président du Comité d’orientation des finances locales de La Banque postale, a insisté sur le fait que l’augmentation des dépenses RH et l’augmentation des taxes foncières « ne dépendent pas des maires », puisque la revalorisation du point d’indice comme celle des bases foncières sont des décisions prises par l’État ou par le législateur.
Pour l’année en cours et les suivantes, l’APVF a calculé que la hausse des cotisations CNRACL va coûter « un milliard d’euros » aux petites villes sur quatre ans, et que le Dilico, prélèvement forcé imposé par l’État sur un certain nombre de collectivités, va toucher 710 petites villes pour un montant de presque 70 millions d’euros.
Autre enseignement de cette étude : de plus en plus de communes sont désormais contraintes de piocher dans leur trésorerie pour financer les investissements, ce qui est « nouveau ».
Chiffre très intéressant : l’APVF a calculé l’évolution des dépenses sur les dernières années (2019-2024) en euros courants mais aussi en euros constants – c’est-à-dire hors inflation. Le résultat est parlant : si les dépenses totales (fonctionnement et investissement) ont augmenté de 17,2 % en euros courants, elles ont au contraire diminué de 0,3 % en euros constants. Autrement dit, hors inflation, les communes, jugées toujours plus dépensières, ont au contraire affiché une remarquable stabilité de leurs dépenses.
Les élus ont évoqué la fameuse « année blanche » envisagée par les services de Bercy lors des récentes rencontres entre gouvernement et associations d’élus – sans savoir d’ailleurs ce que recouvre exactement ce terme. Ils ont rappelé que cela fait des années, entre baisse nette des dotations et gels divers et variés, qu’ils gèrent leurs finances « à l’os » : « Les efforts qu’on nous demande, cela fait des années qu’on les fait », a rappelé Romain Colas, maire de Boussy-Saint-Antoine.
« Tu décides, tu payes »
La tonalité a logiquement été la même lors de la clôture des Assises, avec la lecture de la résolution finale par le sénateur Loîc Hervé et le discours de clôture du président de l’association, Christophe Bouillon.
Dans sa résolution, l’APVF rappelle que les maires « ne sont pas dans le déni » et connaissent parfaitement la situation financière du pays, mais refusent « les procès » en excès de dépense, alors qu’ils font des efforts quotidiens pour tenir leurs budgets malgré les normes de plus en plus coûteuses et les « mauvaises surprises » venues d’en haut, comme la hausse massive des cotisations CNRACL. La résolution s’oppose de façon « absolue » à tout nouveau gel des dotations, « qui conduirait à l’augmentation de la dette », les collectivités étant dans ce cas contraintes de davantage emprunter pour financer leurs investissements…. ou à renoncer à assurer certains services publics.
Christophe Bouillon, dans son discours final, a poursuivi sur ce thème : « Une année blanche pour les communes, c’est une année noire pour les habitants. » Plutôt que ponctionner encore les collectivités, le président de l’APVF a appelé à cesser d’imposer de nouvelles normes ou à les compenser – proposant d’instaurer un « article 40 » en la matière : il s’agit d’une référence à l’article 40 de la Constitution, qui rend irrecevable tout amendement créant une charge sans créer une recette équivalente. Plagiant une formule fameuse de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, Christophe Bouillon a lancé au gouvernement : « Tu casses, tu répares. Tu décides, tu payes. Tu transfères, tu compenses ! ».
Christophe Bouillon a rappelé que les maires sont « des hommes et des femmes qui s’engagent et qui veulent être utiles, qui répondent toujours présent (…), mais qui ont besoin de sentir le souffle de l’État à leur côté. » Reprenant l’image de « l’Himalaya » à franchir, utilisée par François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale, le président de l’APVF a rappelé que les montagnes se gravissent « grâce à la solidarité de la cordée ». « Ce n’est pas en saignant les communes qu’on guérira la France : c’est grâce à cette solidarité de cordée ».
« Tout le monde doit participer »
En réponse, le Premier ministre a donc choisi de ne pas lire le discours qui avait été posé sur son pupitre mais de parler « en vérité », en roue libre. Il a souhaité d’emblée prendre le contrepied de la « petite musique » sur « l’épuisement et le ras le bol » des maires : « Les maires sont pour la plupart heureux de remplir les responsabilités qui sont les leurs et majoritairement ils se représenteront. » Il a également cherché à relativiser les démissions de maires : « On dit que les maires démissionnent en masse ? 450 maires ont démissionné l’an dernier, cela ne fait que 1 % d’entre eux », s’est avancé le Premier ministre.
François Bayrou a repris l’idée d’un « article 40 » lancée par Christophe Bouillon, se disant « d’accord » avec cette idée… même si cela n’a pour l’instant rien d’évident, dans la mesure où continuent de se multiplier les normes coûteuses ces derniers jours – il suffit de prendre l’exemple du récent décret « chaleur » ou des déclarations gouvernementales sur l’obligation d’installer de la vidéosurveillance aux abords des écoles.
Puis, le Premier ministre s’est lancé dans une longue démonstration sur l’état dramatique des finances publiques, provoquant quelques remous parmi les maires, dont certains n’ont pas caché leur agacement de subir « une leçon » sur une situation qu’ils connaissent parfaitement. Quoi qu’il en soit, l’axe du Premier ministre était clair : tout le monde est d’accord pour constater que les finances publiques sont dans un état catastrophique, mais personne ne veut porter lui-même l’effort – François Bayrou a décrit les ministres qui « chaque jour » viennent frapper à sa porte pour lui dire que les économies ne peuvent toucher leur ministère. S’il a reconnu que les collectivités ne sont pas responsables du déficit public – « je n’ai jamais prétendu le contraire », a-t-il rappelé –, elles devront tout de même « participer » : « Sachant vers quelle impasse on va,sachant quel est l’iceberg qui vient devant notre navire, (…) tout le monde doit participer, sinon nous échouerons ».
Le Premier ministre n’a donné aucune autre indication sur la forme que prendra cette « participation » des collectivités, s’en tenant à sa ligne : les arbitrages seront annoncés mi-juillet. Il a même, lors du point presse, balayé non sans un certain agacement une question de Maire info sur la perspective d’une « année blanche » – déclarant qu’il ne commentait pas les « rumeurs journalistiques qui font couler des tonnes d’encre ». Pourtant, ce projet a été tout à fait officiellement évoqué devant les associations notamment lors de la Conférence financière des territoires, et n’est une « rumeur »… que dans la mesure où elle a été propagée par le gouvernement lui-même.
Au sortir de ce discours, plusieurs maires ne cachaient pas leur déception, les qualificatifs utilisés allant d’« affligeant » à « désolant » en passant par « vide ». « C’est une fin de non-recevoir, confiait un élu à Maire info, on nous demande toujours plus alors que la dette des collectivités représente 8 % de celle de l’État… ».
Faute de réponse du Premier ministre à leurs questions, les maires ont donc encore un mois à attendre pour commencer à savoir à quelle sauce ils vont être mangés.
|
Sécurité
La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic a été promulguée
|
Après un passage par le Conseil constitutionnel, qui a censuré certaines disposition, la loi visant à lutter contre le narcotrafic vient d'être publiée au Journal officiel ce samedi. Les maires devront être informés par le préfet en cas de fermeture administrative et l'installation d'antennes relais à proximité des prisons devra remplir une nouvelle condition.
Après plusieurs mois de travaux parlementaires, que reste-t-il de la proposition de loi déposée en juillet 2024 par les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain et que le gouvernement – et notamment les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin – a largement repris à son compte ?
Ce texte de 64 articles avait été rédigé à l’issue d’une commission d'enquête sénatoriale menée sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier. De nombreux élus avaient alors pu témoigner du fait que le trafic de drogues n’est plus uniquement l’affaire des grandes villes. Le phénomène touche les villes moyennes, mais aussi les zones rurales. La thématique avait d’ailleurs été abordée pour la première fois lors du dernier Congrès des maires (lire l'article de Maires de France).
Avant sa promulgation, le texte qui avait été adopté fin avril par le Parlement a dû passer par le Conseil constitutionnel. Ce dernier avait été saisi par des députés de La France Insoumise, des écologistes et des socialistes et a rendu sa décision jeudi dernier.
Renforcement du régime carcéral, création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), fermeture administrative des commerces, quartiers de prison sécurisés et moyens renforcés pour les enquêtes : le texte aujourd’hui promulgué a connu des changements substantiels aussi bien sur des dispositions pénales que sur celles qui concernent directement les maires des communes touchées par le narcotrafic.
Des quartiers de haute sécurité mais pas de « dossier-coffre »
Le Conseil constitutionnel a prononcé la censure totale ou partielle de six articles de la proposition de loi. Les députés qui avaient saisi le Conseil constitutionnel demandaient notamment de censurer l’article portant la création des quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux. Les « quartiers de lutte contre la criminalité organisée », prévus par le texte s’inspirent du modèle carcéral très strict italien. « L'Italie a inventé la mafia, mais elle a aussi inventé l'anti-mafia, et ça marche, donc ce qui marche en Italie peut marcher en France », assurait le ministre de la Justice, au mois de mars sur Europe 1.
Le Conseil a déclaré conforme à la Constitution l’article 61 créant dans les établissements pénitentiaires ces quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Concrètement, la loi telle qu’elle a été publiée au Journal officiel prévoit de faciliter les fouilles intégrales et privent les personnes détenues des dispositions relatives aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux.
Le Conseil a en revanche censuré, au nom du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, certaines dispositions de l’article 40, qui permettaient de fonder une condamnation pénale sur des éléments de preuve recueillis dans des conditions ayant justifié le recours au « dossier coffre ». Si le Conseil constitutionnel ne censure pas le principe du dossier coffre, il indique cependant qu’il sera impossible de fonder une condamnation sur ces informations recueillies via des techniques spéciales d’enquête sans que les avocats des narcotrafiquants puissent y accéder.
Parmi les autres mesures censurées on retrouve celles de l’article 15, dont les dispositions ont été déclarées non conformes à la Constitution, qui étendaient la possibilité dont disposent certains services de renseignement de recourir à des traitements automatisés de nature algorithmique. De même, si le texte initial prévoyait la généralisation de la visioconférence pour les personnes détenues – notamment pour éviter tout risque d’évasion comme cela a pu être le cas avec Mohamed Amra –, le recours exclusif à la visioconférence pour la comparution des personnes placées en quartier de lutte contre la criminalité organisée a été censuré et n’apparaît pas dans la loi.
Informer les maires est désormais une obligation pour les préfets
La mesure qui intéresse le plus directement les maires a elle aussi connu des modifications au cours de la navette parlementaire. L’article 4 prévoit le renforcement du pouvoir de fermeture administrative des établissements liés au blanchiment d’argent. Ce sont en effet les préfets qui pourront désormais fermer un commerce pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois, lorsqu’il existe de fortes suspicions de liens avec les trafics. Lors des débats au Parlement, l’idée de confier aux maires directement le pouvoir de fermeture avait été introduite dans le texte avant d’être finalement retirée, « afin de ne pas les exposer davantage dans des contextes déjà sensibles, notamment dans les petites communes », comme le résume la sénatrice Dominique Vérien sur ses réseaux sociaux.
Cependant, le rôle des maires dans la lutte contre le narcotrafic a été reconnu dans la loi. « Le maire est informé par le représentant de l'État dans le département des mesures de fermeture administrative prises sur le territoire de la commune en application de l'article L. 333-2 », peut-on lire dans la loi. Concrètement, le préfet devra obligatoirement informer les maires de toute fermeture administrative prononcée sur leur territoire. Les maires ont souvent déploré les difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir ce type d’informations pourtant cruciales pour qu’un élu puisse savoir ce qui se passe sur sa commune. La mesure sera donc appréciée même si cette information est strictement encadrée et ne concerne que les infractions en lien avec le trafic de stupéfiants qui génèrent des troubles à l’ordre public.
Antennes relais à proximité des prisons
L’article 59 qui a été introduit au Sénat intéresse aussi directement les maires. Cette fois-ci, le pouvoir du maire n’est pas élargi mais tend à être plus contraint. La loi prévoit qu’en cas d’installation d’une antenne relais à proximité d’un établissement pénitentiaire, le dossier d’information mairie (DIM) doit être transmis au chef dudit établissement, qui devra rendre un avis sur la compatibilité du projet avec les dispositifs techniques de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées déployés en prison. Tant que cet avis n’a pas été émis, le maire ou le président de l’intercommunalité ne pourra délivrer l’autorisation d’urbanisme. Par ailleurs, cet article prévoit que le chef d’établissement pénitentiaire participe à l’instance de concertation départementale relative à l’implantation des antennes.
Le député Éric Botorel avait proposé en vain de supprimer cet article. Il explique que « l’un des enjeux fondamentaux du déploiement des réseaux mobiles réside dans l’identification des sites d’implantation adaptés, une démarche qui prend déjà plusieurs années » et que cette disposition « allongerait encore ces délais, rendant plus difficile le déploiement des infrastructures mobiles dans certaines zones. »
Les maires veulent davantage de moyens pour agir sur la prévention
Si la promulgation de cette loi constitue une victoire pour le gouvernement, pour les associations d’élus elle marque « un premier pas pour soulager les élus locaux, qui ne peuvent pas, seuls, pallier les carences dans la lutte contre le narcotrafic », estimait l’APVF en avril dernier. Cependant, « une réponse se concentrant seulement sur l’aspect sécuritaire sans volet prévention et accompagnement ne suffira pas à endiguer durablement le problème du narcotrafic en France, indique le communiqué. C’est pourquoi, au-delà de la loi, la question des moyens financiers et humains alloués demeure donc essentielle pour répondre aux enjeux du narcotrafic. »
|
Logement
Encadrement des loyers : des parlementaires veulent pérenniser le dispositif, alors que l'expérimentation s'achèvera en 2026Â
|
Si la fin de cet outil de maîtrise du coût du logement pourrait entraîner une explosion des loyers dans les communes concernées, les parlementaires viennent d'autoriser sa mise en place dans les territoires ultramarins.
Va-t-on vers un « scénario catastrophe » pour les locataires ? Alors que la crise du logement bat toujours son plein, l'expérimentation de l’encadrement des loyers – qui a permis de réduire significativement les montants des baux dans certaines villes – est sur le point d’arriver à son terme. De quoi inquiéter des milliers de Français qui sortent tout juste de la crise inflationniste.
Déployé dans 72 collectivités
Dans ce contexte, des parlementaires de gauche ont annoncé, en fin de semaine dernière, avoir déposé, au Sénat et à l'Assemblée nationale, une proposition de loi visant à pérenniser ce dispositif, ces derniers espérant que le gouvernement s'en empare pour l'inscrire rapidement à l’ordre du jour du Parlement.
Car il y a « urgence ». En l’absence d’une nouvelle loi, l’encadrement des loyers pourrait « s'arrêter du jour au lendemain », dès novembre 2026, a ainsi prévenu la députée écologiste de Paris, Danielle Simonnet, sur X et lors d’une conférence de presse.
Résultat, les « 72 collectivités » qui se sont déjà engagées dans cette démarche pourraient être amenées à faire machine arrière, alors même que « beaucoup d’autres souhaiteraient s’y mettre », a expliqué l’ancienne Insoumise, à l’origine de cette proposition de loi à l’Assemblée.
Le plafonnement des loyers est ainsi notamment utilisé par les villes de Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux, mais aussi dans les intercommunalités franciliennes de Seine-Saint-Denis Plaine Commune et Est Ensemble, ainsi que dans certaines communes du Pays basque et de la métropole de Grenoble.
Mis en place initialement avec la loi Alur en 2014 (puis annulé par le tribunal administratif), cet outil de maîtrise du coût du logement avait été remplacé par une expérimentation dans le cadre de la loi Elan de 2018, avant d’être prolongé jusqu’en novembre 2026 dans des zones géographiques souffrant d’un grave déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.
Risque d’explosion des loyers
« On s'oriente vers un scénario catastrophe », a, de son côté, alerté le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat, à l’initiative à la chambre haute, pointant un risque d’explosion des loyers à compter de la fin d’année 2026 dans les communes concernées.
« Depuis 2019 à Paris, nous avons encadré les loyers. Cela veut dire qu'un propriétaire n'a pas le droit de dépasser un certain niveau de prix au mètre carré [et] dans plus de 70 % des cas, l'encadrement des loyers est respecté », a rappelé l’ancien adjoint au Logement d’Anne Hidalgo, sur France 3 Île-de-France. « Simplement, [ce dispositif] est prévu comme une expérimentation et en novembre 2026, cette expérimentation s'arrête. Donc il n'y aura plus de support juridique pour appliquer l'encadrement des loyers », a-t-il prévenu, pointant le risque que les locataires se retrouvent rapidement « étranglés par les prix des loyers ».
Sans prolongation du dispositif, « ce serait un désastre absolu », selon Ian Brossat, qui a rappelé que, dans la capitale, « pendant les 20 années qui avaient précédé l’encadrement des loyers, les prix avaient été multipliés par deux ».
Et l’élu parisien de s’inquiéter d’un nouveau phénomène : le coliving, dont le développement s’accroit rapidement, avec 14 500 lits exploités en France en 2023 (d’ici fin de l’année, il pourrait y en avoir 24 000), en hausse de 70% en deux ans. Or, cette forme de colocation – qui consiste en des chambres privées, espaces partagés et services pour faciliter la vie en communauté sous un même toit - n’est pas soumis à l’encadrement des loyers et certains promoteurs et investisseurs en profitent pour pratiquer des montants de loyers très élevés. « On est dans une zone grise d’un point de vue juridique. C’est exactement la même chose que ce que l’on a connu avec AirBnb il y a une dizaine d’années, on a besoin de remettre des règles », a estimé le sénateur ce week-end au JT de France 2.
À Paris, un gain de 1 700 euros par an
Entre juillet 2019 et juin 2024, la mise en place de l’encadrement des loyers à Paris a, par exemple, permis de limiter la hausse des loyers de 5,2 % par rapport à la situation précédente, sans encadrement. Ce qui a représenté une économie moyenne d'environ 984 euros par an pour les locataires, selon une étude de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) publiée la semaine dernière, et qui vient conforter les défenseurs de ce dispositif.
D’autant que « l’effet s’accentue dans le temps » - et « bénéficie davantage aux petits logements qu’aux grands » - puisqu’entre juillet 2023 et juin 2024, le loyer moyen observé à Paris a même été inférieur de 8,2 % à ce qu'il aurait été en l'absence d'encadrement, soit une économie de 1 694 euros par an en moyenne.
Si Paris est la première ville française à avoir instauré l’encadrement des loyers, son efficacité « se vérifie dans cinq autres grandes villes régulées » (à savoir Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux), indique l’étude d’impact puisque, en moyenne, il a permis d’y réduire le niveau des loyers de 4,4 %. Des résultats qui « confortent la pertinence du dispositif d’encadrement au-delà du seul cas parisien », constatent les auteurs de l’étude.
La commission des affaires économiques de l'Assemblée a, par ailleurs, décidé de lancer sa propre mission d'évaluation sur l'encadrement des loyers, qui devrait rendre ses conclusions en septembre.
Déposée par trois députés (deux du groupe écologiste et un communiste) et trois sénateurs (deux communistes et une écologiste), la proposition de loi contient un article unique qui « permet de dire que ça n'est plus de l'expérimentation » mais « un encadrement, qu'on généralise à toutes les collectivités qui candidatent », sans date butoir, a ainsi détaillé Danielle Simonnet.
L’expérimentation arrive dans les Outre-mer
Hasard du calendrier, alors que cette expérimentation pourrait prendre fin en métropole, les parlementaires viennent de l’autoriser dans les outre-mer à travers une loi adoptée la semaine dernière et promulguée ce week-end. Visant, en outre, à y adapter les normes des matériaux de construction aux spécificités locales, ce texte s'inscrit dans un plan de lutte contre la vie chère plus global, qui doit se traduire par un projet de loi présenté en juillet.
Si l'expérimentation d'encadrement des loyers dans les zones tendues mise en place en 2018 ne s’appliquait pas aux territoires d’Outre-mer c’est qu’aucune commune ultramarine n’était dans la liste des communes situées en zone tendue à l’époque. Les 38 nouvelles communes ultramarines classées en zone tendue depuis août 2023 n'ont donc pas pu prendre part au dispositif.
Le texte prévoit ainsi la mise en place à titre expérimental pour une durée de cinq ans d'un dispositif d'encadrement des loyers dans ces communes qui restera facultatif et à la main des élus locaux. « Plusieurs collectivités ultramarines souhaitent le mettre en place [comme] la ville de Saint-Denis de La Réunion », selon l’exposé des motifs de la proposition de loi.
Il prévoit aussi l'adaptation des normes des matériaux de construction aux spécificités locales afin de « faire baisser les coûts des matériaux en facilitant leur importation depuis les pays voisins et surtout en valorisant les techniques et matériaux développés au niveau local ».
|
Parlement
Statut de l'élu et protection sociale complémentaire dans la fonction publique territoriale : les textes seront examinés en juillet
|
Cette fois, c'est officiel : la proposition de loi sur le statut de l'élu sera débattue à l'Assemblée nationale en juillet, et devrait être définitivement adoptée dans la foulée. D'autres textes concernant directement les collectivités locales seront débattus lors de cette session extraordinaire.Â
Tout vient à point à qui sait attendre. Jeudi dernier, le gouvernement a enfin publié le décret convoquant le Parlement en session extraordinaire à partir du mardi 1er juillet, et la liste des textes qui seront débattus à cette occasion. Et le programme est chargé.
Statut de l’élu
Une des questions essentielles pour les élus était de savoir si la proposition de loi « portant création d'un statut de l'élu local », adoptée par le Sénat depuis plus d’un an, le 7 mars 2024, serait enfin débattue, alors que les élections municipales approchent à grands pas. Le suspens n’était, à vrai dire, pas très grand, puisque la ministre chargée de la Ruralité, François Gatel, avait donné l’information en avant-première fin mai (lire Maire info du 28 mai) et annoncé que le texte serait examiné début juillet.
Ce texte, dont il faut rappeler qu’il a été porté par trois sénateurs devenus depuis membres du gouvernement (Françoise Gatel, François-Noël Buffet et Bruno Retailleau) est très attendu par les maires et contient toute une série de mesures destinées à lutter contre la « crise des vocations » tant redoutée à l’approche des élections municipales. Parmi ces mesures : l’augmentation des indemnités de fonction des élus communaux, la fixation « par principe » des indemnités de fonction au maximum légal des exécutifs locaux, la bonification de la retraite de certains élus locaux, l’amélioration des modalités de remboursement des frais de déplacement et des frais de garde, du congé formation et de la protection fonctionnelle, la création d’un statut de l'élu étudiant, une sécurisation en fin de mandat de la situation de l'élu local ayant cessé d'exercer son activité professionnelle…
Protection sociale complémentaire et logement des fonctionnaires
Parmi les autres textes qui seront examinés lors de cette session extraordinaire, outre la poursuite de l’examen de textes déjà engagés, dont le très controversé projet de simplification de la vie économique – qui pourrait signer la fin des zones à faibles émissions – et deux projets de loi sur Mayotte, plusieurs propositions de loi intéresseront de près les élus.
C’est le cas notamment de la très attendue proposition de loi relative à la protection sociale complémentaires des agents publics territoriaux, qui vise à graver dans la loi les dispositions de l’accord signé le 11 juillet 2023 entre les associations d’élus et les organisations syndicales sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique territoriale. Cette traduction législative de l’accord était vivement réclamée notamment par l’AMF depuis des mois. Pour que l’accord puisse pleinement s’appliquer, il faut en effet modifier la loi sur plusieurs points, notamment la généralisation des contrats collectifs obligatoires et la définition de la part minimale de l’employeur.
Autre proposition de loi examinée en juillet : un texte visant à améliorer l’accès au logement des travailleurs des services publics. Issue du groupe macroniste, cette proposition de loi pourrait répondre à la problématique de carence de logement pour les agents publics. D’abord, en multipliant les offres de logements « liés à une fonction », c’est-à-dire à réserver un quota de logements au sein du parc social à des travailleurs des trois fonctions publiques. Par ailleurs, le texte propose de « conférer aux administrations qui souhaitent reconvertir ou construire des logements pour leurs agents sur une partie de leurs fonciers, la possibilité de déroger aux plans locaux d’urbanisme ».
Les parlementaires devraient également conclure en juillet l'examen de la proposition de loi de simplification du droit à l’urbanisme et au logement, sur laquelle Maire info reviendra dans les tous prochains jours, et achever l’examen de la controversée proposition de loi visant à réformer le mode d’élections des conseillers municipaux de Paris, Lyon et Marseille.
Enfin, de très âpres débats sont attendus lors de l’examen du texte « visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai ». Ce texte sénatorial vise à appliquer au 1er mai, jour jusqu’à présent férié et chômé, les conditions de dérogation en vigueur pour le travail du dimanche.
|
Assurances
Ce que contient la proposition de loi sur l'assurance des collectivités, adoptée par le Sénat
|
Le Sénat a adopté en première lecture, la semaine dernière, la proposition de loi de Jean-François Husson visant à « garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales ». Le texte prévoit notamment d'indemniser les dégâts liés aux émeutes via un fonds comparable au fonds CatNat.
Co-signé par près de 200 sénateurs, le texte transpartisan sur l’assurabilité des collectivités locales a été sans surprise adopté à l’unanimité. S’appuyant, d’une part, sur les conclusions de la mission pilotée en 2023-2024 par le sénateur Husson, et, d’autre part, sur certaines recommandations de la mission Chrétien-Dagès, la proposition de loi vise à introduire dans la loi un certain nombre de mécanismes qui pourraient apporter un début de réponse aux difficultés croissantes que rencontrent les collectivités pour s’assurer.
Franchise obligatoire
Après son passage en commission et en séance publique, le texte initial a été quelque peu modifié, mais son esprit reste le même. Il ne contient pas de mesures réellement contraignantes pour les assureurs, mais place tout de même les tarifs pratiqués par ceux-ci sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L’objectif du texte est de favoriser la médiation : il ouvre aux collectivités et aux EPCI la possibilité de recourir à un médiateur public en cas de « litige qui l’oppose à son assureur ».
Le texte initial prévoyait que le recours à un dispositif de médiation suspendait la prescription de deux ans après le sinistre figurant dans le Code des assurances. Les sénateurs ont finalement supprimé cette disposition. Ils ont en revanche conservé la possibilité pour une collectivité, après « deux procédures infructueuses », de « bénéficier d’un accompagnement dans sa recherche d’assurance » – accompagnement dont les modalités seraient définies par décret.
Autre disposition prévue par le texte, qui ne fera pas forcément plaisir aux élus : il est prévu que tous les contrats d’assurance aux biens souscrits par les collectivités et les EPCI soient soumis à une franchise, à compter d’un an après la publication de la loi. Cette disposition vise, selon ses auteurs, à « responsabiliser » les collectivités et améliorer « leur gestion des petits risques ». Ce dispositif de franchise obligatoire existe déjà pour le risque catastrophes naturelles.
Fonds de gestion des risques d’émeutes
Plus novateur est le chapitre III du texte, qui étend aux « émeutes et mouvements populaires » l’actuelle dotation de solidarité aux collectivités touchées par des événements climatiques ou géologiques. Cette dotation prendrait désormais le nom de « dotation d’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements face aux risques majeurs », et entrerait en vigueur au 1er janvier prochain.
Le texte donne des définitions précises : constitue une émeute « tout rassemblement de personnes accompagné de violences et dirigé contre l’autorité en vue d’obtenir la satisfaction de revendications politiques, économiques ou sociales » ; et constitue un mouvement populaire « tout rassemblement de personnes accompagné de violences et visant à troubler l’ordre public ».
Il deviendrait désormais obligatoire pour les assureurs de couvrir les dommages résultant de ces émeutes et mouvements populaires. La proposition de loi dispose clairement qu’un assureur qui refuserait de couvrir une commune sur ce risque s’expose, en cas de maintien de son refus, au retrait de son agrément.
Le financement de cette couverture sera – comme c’est le cas pour le fonds CatNat ou le Gareat qui couvre le risque terroriste – financé par la mutualisation , c’est-à-dire une « cotisation additionnelle » payée par l’ensemble des assurés. Le taux de cette cotisation sera défini par arrêté « pour chaque catégorie de contrat ». Ces cotisations additionnelles devraient alimenter un fonds similaire au Fonds Barnier, baptisé « fonds de gestion des risques d’émeutes et de mouvements populaires », et serait plafonné à 1,5 milliard d’euros par année civile.
En cas d’émeute, les choses se passeraient de la même façon que lors des catastrophes naturelles : la commune devrait faire une « demande de reconnaissance d’émeute ou de mouvement populaire d’intensité exceptionnelle », qui serait acceptée ou non, par arrêté ministériel. Seule la publication de cet arrêté permettrait de toucher une indemnisation par le fonds de gestion des risques d’émeutes.
Ces dispositions ont fait l’objet d’un débat au Sénat, certains sénateurs s’opposant à ce qu’une partie du produit de la cotisation additionnelle soit versée aux assureurs et plaidant pour la création d’un opérateur public. Il y a en effet matière à réflexion sur le fait que les assureurs puissent thésauriser le produit de ces cotisations en attendant d’indemniser les éventuelles victimes, ou pas, s’il ne survient pas d’émeutes. C’est ce qui se passe pour le Gareat, le fonds « terrorisme » financé par l’ensemble des assurés mais dont le produit, en l’absence d’attentats, est gardé par les assureurs qui ne se privent pas de spéculer avec.
Plusieurs sénateurs ont dénoncé un dispositif qui vise « en catimini » à restaurer la rentabilité des assureurs dans ce secteur. Néanmoins, le texte proposant plusieurs avancées utiles, aucun sénateur n’a voté contre, une vingtaine d’entre eux s’absentant seulement.
Le texte doit maintenant être débattu à l’Assemblée nationale. Cela devrait prendre un certain temps : la proposition de loi n’est pas à l’ordre du jour de la session ordinaire, qui prendra fin début juillet, et ne figure pas non plus parmi les textes qui seront débattus pendant la session extraordinaire de juillet.
|
Journal Officiel du samedi 14 juin 2025
Lois
Lois
Lois
|